Le 25 octobre 1983, les États-Unis et plusieurs États caribéens lançaient l’opération Urgent Fury contre la Grenade. Officiellement motivée par la protection de ressortissants étrangers et le rétablissement de l’ordre après un coup d’État sanglant, cette intervention militaire a marqué durablement la politique régionale et suscité de vives controverses internationales.
Un coup d’État et une exécution qui précipitent la crise
En 1979, le New Jewel Movement (NJM) dirigé par Maurice Bishop renverse le gouvernement d’Eric Gairy et instaure un régime marxiste-léniniste proche de Cuba et de l’URSS. La Grenade devient un point stratégique dans la guerre froide caribéenne.
En octobre 1983, une scission interne éclate : Bishop est renversé par son vice-premier ministre Bernard Coard. Le 19 octobre, Bishop et plusieurs partisans sont exécutés. Le pays bascule dans le chaos, provoquant inquiétude et tensions à l’international.
L’intervention militaire américaine
Face à l’instabilité, l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), appuyée par la Jamaïque et la Barbade, appelle à une intervention. Les États-Unis invoquent la nécessité de protéger les 600 étudiants américains présents sur l’île et de contrer l’influence cubaine.
Le 25 octobre 1983, plus de 7 000 soldats américains assistés de 300 militaires caribéens débarquent. Objectifs : Sécuriser l’aéroport de Point Salines. Évacuer les ressortissants étrangers. Neutraliser les forces armées grenadiennes et les détachements cubains.
En moins d’une semaine, les combats cessent. Le 29 octobre, l’opération est déclarée achevée.
Réactions internationales et conséquences
Si l’OECO et plusieurs États caribéens saluent l’intervention, elle est condamnée par l’ONU et critiquée par le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale de la Grenade. Les États-Unis sont accusés d’atteinte à la souveraineté nationale.
Sur le plan intérieur, un gouvernement intérimaire est installé, suivi d’un retour à la démocratie avec les élections de 1984 remportées par Herbert Blaize.
Un tournant pour la Caraïbe
L’opération Urgent Fury a marqué un tournant dans la politique régionale :
Elle a renforcé l’ancrage des petites îles caribéennes dans l’orbite stratégique américaine.
Elle a confirmé la place de la Grenade dans l’OECO et consolidé des coopérations sécuritaires régionales.
Elle reste un précédent controversé en matière d’ingérence, toujours cité dans les débats sur la souveraineté caribéenne.
Quarante ans plus tard, l’opération Urgent Fury demeure à la fois un symbole de « stabilisation » régionale et un exemple contesté d’intervention militaire dans une île souveraine.