Jamais, depuis la départementalisation, la Martinique n’a semblé traverser une crise aussi profonde. Violence endémique, économie en panne, vie chère, vieillissement accéléré : le tableau est sombre. Mais plus grave encore est le sentiment d’impuissance qui s’installe, comme si rien ne pouvait être changé.
Une accumulation de crises
Les faits parlent d’eux-mêmes : explosion des homicides avec plus de quarante en 2024, banalisation des armes à feu, expansion des trafics. Une économie trop dépendante des importations, un chômage qui touche un jeune sur trois, des friches hôtelières symboles d’un tourisme sinistré. À cela s’ajoutent la vie chère, avec près de 12 % de prix plus élevés qu’en France hexagonale, les difficultés hospitalières, la fuite des soignants et la plaie ouverte du chlordécone. Enfin, la démographie s’effondre : avec un solde naturel négatif depuis 2006, la Martinique perd chaque année des habitants, tandis que près de 30 % de la population a plus de soixante ans.
L’État dans tout ça.
Certes, l’État a des responsabilités régaliennes : sécurité, justice, défense, diplomatie. Mais attendre qu’il règle seul les problèmes du quotidien est une impasse. L’avenir économique, social et environnemental de l’île dépend d’abord des Martiniquais eux-mêmes.
L’opinion publique, clé de l’avenir
En Martinique, chacun constate le désarroi face à une gouvernance qui s’essouffle. Mais si l’on veut comprendre les blocages, encore faut-il savoir discerner ce qui relève de l’inefficacité des élus, de l’inaptitude des administrations qu’ils dirigent, et des contraintes imposées par Paris. C’est à ce prix que les citoyens pourront exiger des comptes, au lieu de se contenter de soupirs résignés.
L’avenir de la Martinique n’est pas écrit. Il ne dépend pas uniquement de l’État ni des élus, mais de la capacité du peuple à se saisir de son destin. Sans vigilance citoyenne, toute réforme institutionnelle ne sera qu’un exercice formel, voué à l’enlisement.
Le 25 septembre s’ouvrira le Congrès des élus. Ce moment est décisif : il ne s’agit pas seulement d’une réunion protocolaire, mais d’une étape de nature constitutionnelle. Les propositions qui en sortiront seront transmises au gouvernement français, libre ensuite de préparer une loi.
En clair, l’avenir institutionnel de la Martinique sera façonné par un dialogue dont les citoyens risquent d’être les grands absents, si eux-mêmes ne s’imposent pas comme contrepoids.
Car il faut le dire : sans pression populaire, rien n’oblige l’État à transformer ces discussions en réformes effectives. Les Martiniquais ont donc un devoir impérieux : peser par leurs élus sur le processus, et exercer leur droit de vigilance, par la mobilisation comme par le vote. L’histoire de la Martinique ne s’écrira pas dans les salons ministériels, mais dans la capacité de son peuple à faire entendre sa voix.
Gérard Dorwling-Carter