Ils estiment toutefois que l’adoption de nouvelles technologies en évolution rapide pourrait également créer de nouvelles opportunités pour les résidents et les entreprises des îles Caïmans, à condition que les îles adoptent la bonne approche.

L’adoption croissante des outils d’IA fragilise déjà les postes de débutants. Les Îles Caïmans devront révolutionner leur approche de l’éducation et de la formation, sous peine d’être laissées pour compte.

« C’est la première technologie qui élimine les emplois de cols blancs et les emplois de diplômés avant de supprimer les emplois manuels », a déclaré Jason Butcher, investisseur et conseiller stratégique spécialisé dans l’IA et la fintech.

Plusieurs leaders de l’industrie ont comparé les outils d’IA, comme ChatGPT et Claude.AI, à des « stagiaires hautement caféinés » capables d’effectuer des tâches administratives complexes en quelques secondes.

Si cela accroît la productivité et pourrait conduire à un boom économique, cela crée également des difficultés pour maintenir les parcours professionnels des jeunes dans les secteurs dominants des îles. Les opportunités d’entrée de gamme qui offraient aux diplômés une rampe d’accès vers des professions complexes de cols blancs comme le droit, la conformité réglementaire financière et la comptabilité risquent de se réduire.

Tamsin Deasey, de l’University College of the Cayman Islands, est optimiste quant au potentiel de l’intelligence artificielle, qui, selon elle, peut dynamiser l’économie des îles Caïmans et créer des carrières plus intéressantes pour la prochaine génération.

Deasey estime qu’un changement rapide dans l’accent mis sur l’éducation et la formation est nécessaire.

« La seule solution est de former rapidement les gens aux nouveaux métiers qui arrivent », a-t-elle déclaré. « Nous devons rendre la maîtrise de l’IA obligatoire à tous les niveaux d’enseignement, dès l’école primaire. »

Pour ceux qui s’adaptent rapidement, l’IA peut être un moteur d’opportunités, déclare Brandan Caruana, PDG de la banque technologique Tenet.

« Tout le monde aura accès à un assistant de niveau doctorat. La question est de savoir qui aura l’ambition et la curiosité d’en tirer le meilleur parti. C’est là que la valeur sera créée », a-t-il déclaré.

Dans le cadre de cette série, pour démontrer le potentiel de l’IA, le Cayman Compass a incité ChatGPT et Claude.AI à analyser des rapports et des données pertinents, ainsi que des transcriptions de nos entretiens enregistrés avec des personnalités locales.

Sa conclusion – articulée dans un éditorial accompagnant cet article – sert de démonstration de la puissance de la technologie, ainsi que de résumé concis du choix auquel les îles Caïmans sont confrontées alors qu’elles envisagent l’avenir.

« Les Îles Caïmans peuvent montrer l’exemple en devenant un modèle d’innovation pour les petites îles et en exportant notre expertise à l’international. Ou nous pouvons nous orienter vers des systèmes développés ailleurs, pour des problèmes que nous comprenons mieux que quiconque », selon la chronique produite par les grands modèles linguistiques.

La perturbation

Une analyse récente de Goldman Sachs a mis en évidence les secteurs clés de l’économie des Îles Caïmans parmi les plus « à risque » de pertes d’emplois, citant en particulier les comptables et les auditeurs, les assistants juridiques et administratifs, ainsi que les représentants du service client. Des conclusions encore plus alarmantes proviennent d’un rapport de KPMG au Royaume-Uni, qui prévoit que jusqu’à 40 % des emplois pourraient être impactés par l’IA générative.

Butcher a expliqué que, contrairement aux précédentes évolutions technologiques qui touchaient principalement les emplois manuels, l’IA touche désormais les emplois professionnels et universitaires. Il a averti que de nombreux postes traditionnellement destinés aux employés de bureau des Caïmanais sont déjà en déclin.

Même si un certain temps s’écoulera peut-être avant que ces impacts ne se fassent pleinement sentir aux Îles Caïmans, il estime que les perturbations sont déjà en cours et ne feront que s’accélérer. Les Îles Caïmans, dit-il, ne peuvent rester à l’écart d’une mutation technologique qui se produit partout dans le monde.

« Les Îles Caïmans ne sont pas à l’abri », a-t-il déclaré. « Nos entreprises servent des clients internationaux, et ces clients exigent déjà l’intégration de l’IA. »

Et il estime que la transition doit se faire rapidement pour éviter que les entreprises ne soient laissées pour compte.

« Ce qui a pris 20 ans avec Internet se produit en deux à cinq ans avec l’IA. »

Ce qui est particulièrement préoccupant, dit Deasey, c’est le désavantage inhérent auquel les jeunes diplômés pourraient être confrontés sur un marché du travail qui valorisera de plus en plus le jugement et l’expérience.

Alors que le débat a souvent porté sur le « plafond de verre » empêchant de nombreux Caïmanais d’accéder à des postes de direction dans les conseils d’administration des îles Caïmans, elle s’inquiète désormais du « plancher de silicium » – l’idée que les emplois de débutant qui offraient autrefois une « rampe d’accès » à des carrières significatives pourraient être automatisés et disparaître.

Dans une certaine mesure, cela se produit déjà, déclare Louise Reed, directrice générale du recrutement CML Offshore et de l’organisation à but non lucratif Connect by Nova, qui fournit un soutien professionnel aux Caïmanais.

« Les tâches de routine de niveau d’entrée traditionnellement attribuées aux diplômés sont de plus en plus automatisées par l’IA », a-t-elle déclaré.

Mais tout n’est pas forcément négatif. L’IA ouvre également de nouvelles perspectives et crée des opportunités. Pour les diplômés, il est crucial de rester attentif aux nouvelles tendances technologiques et de mettre l’accent sur le développement de compétences relationnelles, telles que l’esprit critique, la communication et l’adaptabilité.

L’opportunité

Deasey soutient que les Îles Caïmans peuvent tirer parti de leur dépendance actuelle aux permis de travail pour garantir que l’impact sur l’emploi des populations locales soit réduit au minimum.

« Si nous réussissons, a-t-elle déclaré, les Îles Caïmans pourront redonner des emplois aux Caïmanais au lieu de dépendre autant des talents importés. »

Elle exhorte le gouvernement et le secteur privé à travailler ensemble pour créer un modèle d’apprentissage qui permettra aux étudiants de tirer parti de l’IA.

« Il faut que les gens comprennent que le parcours d’entrée de gamme est révolu. Nous devons donc les former à accéder directement à des postes à plus forte valeur ajoutée, des postes qui utilisent l’IA comme un outil, et non comme une menace », a-t-elle déclaré.

« Nous ne pouvons pas attendre cinq ou dix ans. Le changement est en cours et nous devons développer dès maintenant le vivier de compétences pour maintenir les Caïmanais sur le marché du travail. »

Caruana est tout aussi optimiste quant à la capacité des entreprises à créer de la valeur et des individus à exploiter la technologie pour atteindre leurs objectifs. Il constate une évolution des parcours professionnels traditionnels, et estime que cela peut être positif.

Même s’il reconnaît que l’IA pourrait créer une fracture, ce ne sera pas nécessairement pour des raisons économiques.

« Ceux qui réussiront seront ceux qui sauront travailler avec ces outils au lieu de les concurrencer », a-t-il déclaré.

« Tout le monde a désormais accès à une intelligence standardisée, ce qui rend chacun plus intelligent dans son travail. Que vous soyez journaliste, chef cuisinier, moniteur de plongée ou chef de petite entreprise, vous disposez désormais d’un assistant numérique qui vous aide à prendre de meilleures décisions, plus rapidement. Cela crée une égalité des chances inédite. »

Silo : une étude de cas sur l’exploitation de l’IA

SILO Compliance, une plateforme de conformité anti-blanchiment d’argent fondée aux Îles Caïmans et utilisée dans plusieurs juridictions, est une entreprise qui met en œuvre l’IA pour améliorer ses services  .

L’entreprise construit et teste des outils basés sur l’IA qui automatisent les tâches fastidieuses et chronophages.

Un exemple est l’évaluation des risques pays avec l’outil d’IA qui fournit plus d’informations et une connaissance plus approfondie de chaque pays en temps réel.

Kimberly Smith, fondatrice de SILO Compliance, affirme que cela contribue à réduire le temps de mise à jour de plusieurs jours à quelques heures seulement.

De nouveaux outils comme celui-ci permettent ensuite aux responsables de la conformité de prendre les décisions de haut niveau nécessaires.

Elle admet que cela pourrait signifier une légère diminution du nombre d’emplois dans le secteur, en particulier pour le personnel débutant.

« Les employés débutants finissent par devenir ceux qui prennent ces décisions de haut niveau, et d’après mon expérience, c’est en effectuant des recherches fastidieuses – en connaissant les plus petits détails – que l’on apprend à prendre des décisions de jugement plus tard dans sa carrière.

Le secteur doit se pencher sur la formation de la prochaine génération de professionnels de la lutte contre le blanchiment d’argent, car ils prendront davantage de décisions stratégiques pour l’entreprise et joueront moins un rôle de support administratif que les professionnels actuels de la lutte contre le blanchiment d’argent. L’IA ne représente pas une menace majeure pour les carrières liées à la conformité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, car les décisions doivent toujours être prises par une personne réelle. Cependant, l’IA transforme déjà nos méthodes de travail et nos recrutements.

Le Dr Devi Shetty, fondateur de Health City Cayman Islands, a fait des remarques similaires dans une interview séparée avec le Compass pour cette série.

Il a déclaré que l’utilisation généralisée de la technologie aiderait les médecins à se concentrer sur ce qu’ils font le mieux.

« Ces technologies rendront les hôpitaux plus sûrs pour les patients », a-t-il déclaré.

Les capteurs et le logiciel ne s’épuisent pas. Ils collectent les données, assurent le suivi, et le médecin prend toujours la décision. C’est là toute la différence : une meilleure information, plus rapide et plus sûre pour le patient.

Positionner les îles Caïmans pour la croissance

Caruana estime que les îles Caïmans sont bien placées pour tirer le meilleur parti de la révolution de l’IA.

Il a peut-être attiré les regards lorsqu’il promenait son chien robot dans la baie de Camana, mais il croit fermement que la curiosité et le jeu sont les moteurs de l’apprentissage.

« Nous sommes toujours à la pointe de la technologie ici, de par la nature de nos industries », explique-t-il. « J’ai même un chien robot à la maison ; c’est le niveau de technologie dont nous parlons. La question est : l’exploitons-nous pleinement ou en restons-nous au stade du gadget ? »

Selon le rapport « Value in Motion » de PwC , l’IA pourrait stimuler la production économique mondiale de 15 points de pourcentage au cours de la prochaine décennie, des juridictions comme les Îles Caïmans étant bien placées pour capter une part de cette croissance. Près de la moitié des entreprises locales considèrent déjà l’IA comme essentielle à leur stratégie, notamment dans les services financiers, la conformité et la gestion des risques.

Et avec sa réputation mondiale dans les services financiers, son économie agile et son adoption précoce des technologies émergentes, PwC note que les Îles Caïmans pourraient se positionner comme un pôle régional pour l’innovation commerciale axée sur l’IA – créant non seulement de l’efficacité, mais également des catégories entièrement nouvelles d’emplois à haute valeur ajoutée.

« L’IA peut permettre à un groupe restreint de personnes de produire plus de valeur et d’accomplir un travail plus productif », explique Caruana. « C’est ce qu’ont fait toutes les nouvelles technologies, et ce ne sera pas différent. »

Il soutient que les Îles Caïmans sont suffisamment petites pour servir de banc d’essai à l’innovation dans des domaines qui peuvent faciliter la vie des gens et résoudre les problèmes avec lesquels nous avons « appris à vivre ».

Il met en avant les bus publics sans conducteur pour éviter les embouteillages, les drones de surveillance sous-marins pour protéger les parcs marins et la modélisation météorologique de haute technologie pour prédire les ouragans parmi les types d’innovations qui pourraient devenir courantes à l’avenir.

Deasey partage cet optimisme, qualifiant l’IA de « meilleure chose qui soit arrivée à l’humanité » et insistant sur le fait qu’elle « nous rendra plus intelligents et plus efficaces ». Pour elle, le défi – et l’opportunité – consiste à développer les compétences et la confiance afin que les Caïmanais puissent considérer l’IA comme un partenaire, et non comme une menace.

Utilisée avec sagesse, l’IA pourrait, conviennent-ils, positionner les Îles Caïmans non seulement comme un pôle régional d’innovation, mais aussi comme un exemple mondial de la manière dont une petite juridiction peut s’adapter et prospérer.

« Je pense que les Îles Caïmans ont une opportunité à saisir », a déclaré Caruana. « Si nous commençons à jouer dès maintenant, nous serons, comme toujours, en avance sur nos pairs et au bon endroit. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés. Les juridictions qui adopteront ces outils seront celles qui capteront la valeur économique, et celles qui ne le feront pas seront laissées pour compte. »