Un texte pour corriger les déséquilibres de la loi AGEC
Le député martiniquais Jiovanny William a déposé, ce jeudi 23 octobre 2025, une proposition de loi visant à renforcer et adapter la gestion des déchets relevant de la responsabilité élargie du producteur (REP) dans les territoires d’Outre-mer. Selon le parlementaire, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), adoptée en 2020, « n’a pas produit les effets attendus » dans les départements et collectivités ultramarins. Malgré la volonté d’harmoniser les performances de collecte et de valorisation avec l’Hexagone, les chiffres restent alarmants : en 2023, les filières REP n’ont collecté que 115 393 tonnes de déchets dans l’ensemble des Outre-mer, contre plus de 10,5 millions de tonnes en métropole — soit une moyenne de 52 kg par habitant, contre 160 kg selon les données de l’ADEME.
Adapter les filières REP aux réalités insulaires
Pour Jiovanny William, ces écarts traduisent l’inadéquation du cadre actuel aux réalités insulaires : contraintes logistiques, absence de mutualisation entre îles, faiblesse des infrastructures de traitement et surcoûts liés au transport maritime. Sa proposition de loi vise donc à corriger ces déséquilibres structurels par une série de mesures spécifiques :
- Un plan Outre-mer préalable à l’agrément des éco-organismes ;
- Une représentativité accrue des collectivités ultramarines dans les instances nationales ;
- Des objectifs territorialisés et chiffrés en matière de collecte et de valorisation ;
- Un plan de continuité territoriale pour assurer la desserte entre îles et l’acheminement vers les zones de traitement, y compris vers l’Hexagone ;
- Un mécanisme de financement direct en cas de rupture du service ;
- Une transparence renforcée, avec publication de la liste des facilitateurs ;
- Un réinvestissement minimal de 60 % des écocontributions perçues localement ;
- La prise en charge obligatoire des coûts de transport des déchets par les éco-organismes.
Une réponse structurelle et écologique
Le texte s’inscrit dans la lignée des alertes répétées des Chambres régionales des comptes et des collectivités territoriales sur la faiblesse chronique du système de traitement des déchets dans les DOM. En Martinique, par exemple, la CRC pointait dès 2024 « un déficit de coordination des acteurs publics et privés » et « une sous-performance chronique des filières REP ». Pour le député, cette réforme est à la fois environnementale et de justice territoriale :
« Les Outre-mer ne doivent pas être les angles morts de la transition écologique. Nos contraintes doivent être reconnues dans la loi, pas contournées. »
Vers un consensus transpartisan ?
Jiovanny William appelle désormais ses collègues à soutenir cette initiative, qu’il présente comme une réponse pragmatique aux défaillances de la loi AGEC et un levier pour un modèle de développement plus durable. Le texte pourrait être examiné en commission du développement durable d’ici la fin de l’année, avant d’éventuelles auditions des acteurs concernés : éco-organismes, collectivités, opérateurs et associations environnementales. Selon des sources parlementaires, plusieurs députés ultramarins — notamment de La Réunion, de Guadeloupe et de Guyane — auraient déjà manifesté leur intérêt pour cosigner la proposition, afin de porter collectivement la voix des Outre-mer dans la politique nationale des déchets.
Encadré — Les chiffres clés de la filière REP Outre-mer (2023)
| Indicateur | Outre-mer | Hexagone |
| Déchets collectés par les filières REP | 115 393 tonnes | 10,5 millions de tonnes |
| Collecte moyenne par habitant | 52 kg | 160 kg |
| Taux de valorisation estimé | 35 % | 75 % |
| Nombre de filières actives | 14 | 23 |
| Part réinvestie localement | ~30 % | ~70 % |
Source : ADEME – Bilan REP 2023



