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Vingt mutuelles françaises et belges se mobilisent contre l’usage des pesticides en Europe. Responsables de maladies chroniques, ces produits participent au déséquilibre budgétaire du système de santé.
Une agriculture sans pesticides, c’est une perspective souhaitable, autant pour la santé humaine… que pour les dépenses des mutuelles. Lors d’un point presse tenu le 23 septembre aux côtés d’organisations écologistes [1], l’association Mutuelles pour la santé planétaire a rappelé la menace que les produits phytosanitaires font peser sur leurs budgets.
Ces vingt mutuelles françaises et belges (Aésio, Mutualis, Solimut…) représentent plus de 12 millions de personnes et appellent à tendre vers un futur européen sans pesticides. Suppléant la Sécurité sociale, les mutuelles sont des sociétés à but non lucratif, qui gèrent notamment les complémentaires santé de leurs membres.
Au vu de la tendance d’austérité qui entoure le futur projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, l’association mutualiste s’inquiète. « Dernièrement, les PLFSS visaient à transférer les déficits de la Sécurité sociale vers les mutuelles, donc les assurés », explique la trésorière de l’association, Jocelyne Le Roux. Selon elle, interdire les pesticides pourrait permettre de réduire les dépenses et ne pas faire peser ce coût sur les cotisations des assurés.
Les pesticides favorisent les maladies chroniques
Parmi ces dépenses qui inquiètent, ce sont surtout les traitements des maladies chroniques, ou affections de longue durée (ALD), qui sont ciblés. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a établi un lien entre exposition aux pesticides et plusieurs ALD. Entre autres, sont listés la maladie de Parkinson, des troubles cognitifs et le cancer de la prostate.
Leurs traitements et soins associés sont totalement couverts par le système de santé français, dont elles constituent le plus gros poste de remboursement. En 2022, près des deux tiers des dépenses de l’assurance-maladie ont été adressées aux assurés ALD, soit 126 milliards d’euros.
Ce régime concernait 13,8 millions de personnes en France cette année-là, un nombre qui ne fait qu’augmenter selon Martin Rieussec-Fournier, président de l’association mutualiste. « On voit une augmentation des maladies dégénératives et hormonales », dont sont en partie responsables les pesticides et les perturbateurs endocriniens qu’ils contiennent, avance-t-il.
La situation fait donc peser un risque sur le système de santé, surtout dans un contexte budgétaire serré. S’appuyant sur un rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale, Jocelyne Le Roux rappelle l’importance d’interdire les pesticides. « Sur le déficit annuel de la Sécu, qui devrait dépasser 20 milliards d’euros en 2025 […] 10 milliards viendraient des maladies chroniques », auxquelles l’exposition aux pesticides contribue.
Le coût caché des pesticides
Ainsi, s’attaquer à l’utilisation des pesticides est une façon pour ces vingt mutuelles de baisser le coût qu’ils induisent sur la santé et la société. Un coût caché « qui met en danger la Sécu et les mutuelles, mais qui reste difficile à estimer », selon Martin Rieussec-Fournier.
En 2022, un rapport du Bureau d’analyse sociétale d’intérêt collectif (Basic) considérait que les effets de ces produits phytosanitaires avaient généré au moins 372 millions d’euros de dépenses publiques pour l’année 2017 en France. Sur cette somme, 48,5 millions d’euros correspondent aux dépenses de santé (la majorité de la part restante est liée au traitement de l’eau).
Si les travailleurs agricoles sont les premières victimes des effets des produits phytosanitaires, le président des Mutuelles pour une santé planétaire rappelle que tout le monde est touché : « On retrouve des résidus dans l’air, les aliments non bio, l’eau du robinet… » La situation concerne par exemple les riverains d’exploitations viticoles, comme en témoigne une étude parue en septembre. Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a enregistré une hausse de 43 % des demandes en 2024.
Garder le cap européen
Les Mutuelles pour la santé planétaire et leurs associations partenaires entendent élargir la mobilisation au niveau européen. Elles appellent notamment à appliquer la législation européenne sur l’évaluation de la toxicité des pesticides et à maintenir les objectifs de réduction de moitié des pesticides d’ici à 2030, comme le prévoyait le Pacte vert européen, et 100 % pour 2050.
Ces demandes seront portées par l’Odyssée pour notre santé, une caravane à vélo qui traversera l’Europe d’ici à 2027 pour « toucher le grand public sur les problématiques des pesticides et proposer des alternatives », explique Martin Rieussec-Fournier. Organisée par les quatre associations, la caravane partira du Parlement européen de Bruxelles, samedi 27 septembre, à 14 heures.