Depuis 2016, les personnes guéries d’un cancer bénéficient en France d’un « droit à l’oubli » : elles ne sont plus tenues de mentionner leur maladie lors d’une demande de crédit ou d’assurance emprunteur. Ce dispositif, inscrit à l’article 190 de la loi de modernisation de notre système de santé, a marqué une rupture dans la lutte contre une discrimination invisible mais redoutable : l’exclusion financière liée à un antécédent médical.
En Martinique, région et département d’outre-mer régi par l’identité législative, cette disposition s’applique de plein droit. Depuis 2022, le délai a même été réduit à cinq ans pour tous les cancers, contre dix auparavant, rapprochant encore davantage le droit à l’oubli d’un véritable droit à la réinsertion.
Une application légale mais un accès bancaire inégal
Si le cadre juridique est identique à celui de l’Hexagone, les réalités du marché bancaire martiniquais complexifient la situation. Les établissements locaux, moins nombreux qu’en métropole, imposent des conditions d’octroi plus strictes. Les taux d’intérêt sont plus élevés et les délais d’instruction plus longs. « Le droit à l’oubli est une avancée considérable, mais sur le terrain, l’accès au crédit reste un parcours semé d’embûches », explique une conseillère associative de la Ligue contre le cancer en Martinique.
Une île frappée par une incidence élevée du cancer
L’importance de ce dispositif prend une résonance particulière dans une société où le cancer représente la première cause de mortalité. Selon l’Observatoire régional de la santé, l’incidence des cancers de la prostate, du sein et du côlon-rectum y dépasse la moyenne nationale. Cette situation alourdit les conséquences sociales de la maladie, notamment pour les familles souhaitant accéder à la propriété.
Un droit encore méconnu
Beaucoup d’anciens patients ignorent leurs droits, faute d’une information suffisante. Les associations locales tentent de combler ce déficit, mais peinent à atteindre l’ensemble du territoire. « Des personnes renoncent à un projet immobilier par peur d’être refusées ou surtaxées, alors même qu’elles sont éligibles au droit à l’oubli », souligne un avocat spécialisé en droit de la santé.
Un enjeu de justice sociale
En Martinique plus qu’ailleurs, le droit à l’oubli est à la croisée de plusieurs problématiques : la lutte contre les discriminations, l’accès équitable au crédit et la santé publique. Il constitue une réponse légale à un stigmate persistant, mais son effectivité dépend de la capacité des banques, des assureurs et des institutions locales à l’appliquer sans détour.
Pour nombre de malades guéris, il ne s’agit pas seulement d’une disposition législative, mais de la reconnaissance d’un droit fondamental : celui de se reconstruire sans être prisonnier de son passé médical.