La Martinique affirme son identité sans intention de rompre le lien national
Le 8 octobre 2025, le Congrès des élus de Martinique a adopté à l’unanimité une résolution historique reconnaissant l’existence d’un peuple martiniquais au sein de la République française. Un geste fort, à la fois symbolique et apaisant, qui ouvre la voie politique à une nouvelle lecture du lien entre identité et citoyenneté.
Un peuple peut s’affirmer sans se séparer
Ce geste, mesuré et fondateur, n’est pas un cri de rupture mais une déclaration de confiance.
Affirmer qu’il existe un peuple martiniquais n’est ni une provocation ni un repli identitaire. C’est reconnaître une évidence historique, culturelle et politique : celle d’une communauté de destin singulière, forgée dans la douleur et la dignité, qui souhaite être pleinement elle-même quoique demeurant partie intégrante de la République.
Être un peuple dans la République, c’est dire que l’histoire, la langue, la mémoire et la sensibilité collective ont façonné ici un être commun, distinct dans son expression mais fidèle à l’idéal républicain.
La République, si elle est sûre d’elle-même, doit accueillir cette diversité sans la craindre.
Un peuple forgé dans la souffrance et la dignité
Le peuple martiniquais ne s’est pas inventé : il s’est construit dans l’épreuve et la résilience.
De l’esclavage à la départementalisation, de la créolisation à la conquête du savoir, il a su transformer la souffrance en identité, et l’héritage en projet.
Ce peuple parle plusieurs langues, cultive plusieurs mémoires, mais partage une même dignité.
Affirmer son existence ne revient pas à contester la citoyenneté française ; c’est au contraire lui donner un ancrage concret et singulier.
La République ne s’affaiblit pas lorsqu’elle reconnaît ses peuples : elle se renforce en devenant plus juste et plus humaine.
Une reconnaissance politique et morale
En inscrivant cette reconnaissance dans une résolution solennelle, les élus ont exprimé une réalité vécue : celle d’une communauté consciente d’elle-même, aspirant à participer à la décision publique selon ses réalités propres.
Cette reconnaissance est un acte de respect, non une revendication de privilège.
Dans une France fracturée, où la défiance mine les institutions, la Martinique offre un signal inverse : la fierté de se dire soi-même.
La reconnaissance des peuples n’est pas la négation de l’unité nationale : c’en est la condition moderne.
Une reconnaissance pour apaiser l’histoire
La résolution du 8 octobre n’a pas seulement une portée institutionnelle ; elle a une portée humaine et morale.
Depuis plus de deux siècles, la mémoire collective martiniquaise demeure traversée par les tensions héritées de l’esclavage, du racisme et de l’injustice coloniale. Ces blessures ont longtemps nourri une méfiance silencieuse, un sentiment d’inachèvement historique.
En reconnaissant l’existence du peuple martiniquais, les élus ont ouvert la voie à une guérison politique.
Reconnaître un peuple, c’est reconnaître son histoire, ses douleurs et ses contributions — afin qu’elles ne soient plus des sources de ressentiment, mais les fondations d’une fierté partagée.
Cette reconnaissance permet trois réconciliations essentielles :Réconciliation avec soi-même, en donnant à la Martinique le droit de nommer sa propre identité sans crainte ni soupçon ;
Réconciliation avec la République, en redéfinissant le lien national sur la base du respect mutuel, et non de la négation ;
Réconciliation avec l’histoire, en transformant la mémoire du passé en projet collectif de dignité et de responsabilité.
C’est ainsi que s’apaise un peuple : non par l’oubli, mais par la reconnaissance.
L’histoire du peuple martiniquais n’est pas un fardeau à effacer, mais une ressource pour inventer une citoyenneté lucide et apaisée.
La République doit être la maison commune des peuples
La Martinique n’aspire pas à s’exclure de la République, mais essentiellement à y être pleinement elle-même.
Elle ne demande pas un statut d’exception, mais une République d’intelligence, capable d’adapter ses principes à la réalité de ses territoires.
L’égalité républicaine n’exige pas l’uniformité ; elle suppose la reconnaissance des différences et l’adaptation des politiques publiques.
La Martinique veut tenter de prouver qu’il est possible de vivre ensemble autrement, dans une République qui respecte, unit sans effacer.
Être un peuple, c’est alors assumer sa part d’universel
Le peuple martiniquais ne se replie pas sur lui-même : il s’ouvre au monde.
Il parle français, pense créole, respire caraïbe et rêve universel. C’est là sa force : une identité qui relie plutôt qu’elle n’isole.
Être un peuple dans la République, exige de vouloir participer à son avenir autrement — avec la conscience de ce que nous sommes, et la fierté d’y contribuer par notre propre génie, notre langue et notre humanité.
La République sera forte lorsqu’elle saura reconnaître les peuples qui la composent.
En affirmant aujourd’hui l’existence du peuple martiniquais, la Martinique ne rompt pas le lien national : elle en approfondit le sens.
Elle rappelle que la fidélité n’exclut pas la singularité, et que la liberté n’efface jamais la mémoire.
Être un peuple dans la République, c’est vouloir être soi-même au sein d’une République née du génie français
Gérard Dorwling-Carter
Un commentaire
Faire référence à la République , oui , mais est ce pour exprimer qu’on ne fait pas partie de la Nation ?