La députée (Horizons) du Val-d’Oise, Naïma Moutchou, a été nommée dimanche 12 octobre ministre des Outre-mer dans le gouvernement Lecornu 2, en remplacement de Manuel Valls, en poste depuis décembre 2024.
Une figure du camp présidentiel
Ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale, Naïma Moutchou, 45 ans, est une proche d’Édouard Philippe et une fidèle de la majorité présidentielle. Élue dans la 4ᵉ circonscription du Val-d’Oise, elle a rejoint le parti Horizons dès sa création en 2021. Avocate de formation, diplômée des universités de Cergy-Pontoise et Panthéon-Assas, elle s’est fait connaître au Palais-Bourbon pour son implication dans les questions institutionnelles et juridiques.
Sa nomination, sur proposition du Premier ministre Sébastien Lecornu, s’inscrit dans la stratégie d’un « gouvernement de mission », selon les mots de Matignon — un exécutif resserré et temporairement focalisé sur l’adoption du budget 2026, dont le vote doit conditionner la survie politique du gouvernement dans un contexte de forte instabilité parlementaire.
Une mission à haut risque
Naïma Moutchou hérite d’un portefeuille particulièrement sensible. Elle devra notamment piloter la loi organique repoussant les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, un texte hautement politique dans un climat de tensions persistantes sur le territoire.
Son expérience parlementaire et son profil de juriste pourraient constituer des atouts pour renouer le dialogue entre les différentes parties calédoniennes, mais plusieurs observateurs s’interrogent déjà sur sa marge de manœuvre réelle.
« La mise à l’écart de Manuel Valls traduit sans doute une reprise en main du dossier calédonien par Matignon, voire par l’Élysée, comme c’est souvent le cas depuis les accords de Matignon-Oudinot de 1988 », estime un haut fonctionnaire du ministère.
Au-delà de la Nouvelle-Calédonie, la nouvelle ministre devra également gérer plusieurs dossiers ultramarins laissés en suspens : la crise du coût de la vie dans les Antilles, le suivi du plan Chlordécone, la réforme du modèle de continuité territoriale, ainsi que la mise en œuvre des pactes de développement durable signés avec la Guyane et La Réunion.
Un symbole d’ouverture… et de fragilité politique
En la nommant rue Oudinot, le Premier ministre cherche à incarner une nouvelle génération politique, plus jeune et plus féminine. Mais la position institutionnelle de Naïma Moutchou traduit aussi une baisse de rang : contrairement à Manuel Valls, elle n’est pas ministre d’État, et figure au treizième rang dans l’ordre protocolaire d’un gouvernement qui compte 34 membres.
Cette rétrogradation symbolique interroge sur le poids réel que conservera le ministère des Outre-mer dans l’architecture gouvernementale. L’absence de personnalité politique d’envergure à ce poste pourrait indiquer un retour du pilotage ultramarin par Matignon et l’Élysée, plutôt que par la rue Oudinot elle-même.
Une passation sous le signe de la sobriété
Selon les services du Premier ministre, les passations de pouvoir des nouveaux ministres se déroulent sans presse, uniquement par communiqué. Une décision inédite, justifiée par le climat politique explosif de la semaine écoulée : le premier gouvernement Lecornu, formé le dimanche précédent, n’avait tenu que quatorze heures avant sa démission.
La cérémonie de passation entre Manuel Valls et Naïma Moutchou devrait donc se tenir à huis clos, dans la discrétion imposée par une crise institutionnelle sans précédent sous la Ve République.
Une ministre attendue sur les territoires
Les premières réactions ultramarines oscillent entre curiosité prudente et espoir de continuité. Plusieurs élus antillais et polynésiens ont salué la nomination d’une personnalité « ouverte au dialogue » mais insistent sur la nécessité d’un ancrage territorial fort.
Un parlementaire martiniquais confie :
« Nous avons besoin d’un ministère des Outre-mer qui écoute, mais surtout qui pèse. Le prochain budget sera décisif pour savoir si la parole donnée aux territoires est réellement suivie d’effets. »
Entre apaisement calédonien, transition écologique dans les îles et relance économique post-crise, Naïma Moutchou s’apprête à découvrir que la rue Oudinot est souvent le ministère des équilibres impossibles.
Jean-Paul BLOIS