Après des mois de guerre et d’impasses diplomatiques, une trêve fragile s’installe à Gaza. Signé à Charm el-Cheikh sous l’égide de l’Égypte, du Qatar et de la Turquie, le plan de paix soutenu par Washington ouvre la voie à une reconstruction progressive du territoire palestinien. Mais il laisse en suspens les questions essentielles : le désarmement du Hamas, la gouvernance future de Gaza et la garantie des droits des Palestiniens.
Une trêve sous surveillance
Le cessez-le-feu, effectif depuis une semaine, a permis l’échange de vingt otages israéliens contre environ deux mille détenus palestiniens. Les convois humanitaires ont repris timidement, mais plusieurs accrochages ont été signalés dans le nord de la bande de Gaza. Les médiateurs craignent que la trêve ne se transforme en simple pause humanitaire, faute d’un cadre politique solide.
Trois phases pour la paix
Le texte, qualifié de « cadre en vingt points » par les négociateurs américains, se déploie en trois étapes. La première prévoit un cessez-le-feu total et la libération de tous les captifs, sous supervision internationale. La deuxième organise le désarmement progressif du Hamas et la sécurisation des zones frontalières par des forces régionales mixtes placées sous contrôle de l’ONU. Enfin, la troisième phase concerne la reconstruction et la transition politique, avec un gouvernement intérimaire appuyé par une Autorité palestinienne réformée et une conférence électorale prévue à l’horizon 2026.
Ce schéma, inspiré du modèle mis en œuvre au Liban après 1990, vise à éviter le vide sécuritaire tout en réintroduisant une légitimité politique palestinienne.
Les zones d’ombre du texte
De nombreux points restent flous. Israël refuse de signer un texte contraignant tant que le désarmement complet du Hamas n’est pas garanti. Le Hamas, de son côté, rejette toute supervision étrangère permanente. Les Nations unies n’ont pas encore adopté de résolution fixant le mandat de la mission de reconstruction, ni désigné les bailleurs principaux.
Le plan n’a donc pas encore valeur d’accord de paix. Il demeure une feuille de route diplomatique, sans signature des principaux protagonistes, et sans garantie de mise en œuvre à long terme.
Une paix sous conditions
Pour Washington, l’objectif est d’empêcher la reprise des hostilités tout en préparant un cadre politique susceptible de rallumer le processus de paix israélo-palestinien, gelé depuis 2014. Mais pour de nombreux observateurs, le risque est grand de substituer à la guerre une tutelle internationale floue, sans véritable souveraineté palestinienne.
L’universitaire Jean-Paul Chagnollaud souligne dans Le Monde que « le texte reste marqué par une asymétrie profonde : il reconnaît la sécurité d’Israël, mais pas le droit des Palestiniens à l’autodétermination ».
Reconstruire sans reconquérir
Sur le terrain, la priorité est désormais humanitaire : eau, hôpitaux, électricité, logements. Les agences de l’ONU évaluent à près de 18 milliards de dollars le coût d’une première phase de reconstruction. Le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Union européenne se sont engagés à financer plus de la moitié de cette somme.
Mais les importations de matériaux restent strictement contrôlées, et les zones dévastées du nord demeurent quasi inaccessibles. À ce jour, seuls quelques axes humanitaires sont sécurisés, et la distribution d’aide reste lente et partielle.
Un équilibre régional précaire
L’Égypte et la Turquie redoutent que la situation n’alimente de nouvelles radicalisations. L’Arabie saoudite, elle, conditionne sa participation financière à la reconnaissance d’un État palestinien dans le cadre d’un futur accord global au Proche-Orient.
Autant dire que le plan de paix n’en est qu’à ses balbutiements, suspendu à la volonté politique des puissances régionales et à la pression des opinions publiques.
Jean-Paul Blois