On en vient presque à se demander si Nicolas Sarkozy n’a pas davantage vécu une résidence d’écriture qu’une détention : trois semaines à la Santé, et voilà un nouveau livre annoncé, prêt pour les rayons, publié dans la maison de Jordan Bardella, Éric Zemmour et Philippe de Villiers, Fayard. Le journal d’un prisonnier sera en librairie le 10 décembre 2025.
Des 27 ans de prison de Nelson Mandela, qui deviendra le président de la République d’Afrique du Sud, aux 20 jours de l’ancien président français, comme disait Napoléon, du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas…
Moins de deux semaines après avoir quitté la prison de la Santé, Nicolas Sarkozy fait déjà reparler de lui. La maison de Hachette a annoncé cette nouvelle ce 21 novembre. L’auteur a partagé, sur son compte X, un premier extrait de ce texte rédigé pendant sa détention.
La vie intérieure du président bling bling
Dans ce message, Nicolas Sarkozy décrit le quotidien carcéral qu’il dit avoir observé durant les trois semaines passées à la Santé. Il évoque notamment le bruit permanent du lieu et l’impression d’un tête-à-tête forcé avec soi-même : « En prison, il n’y a rien à voir et rien à faire », écrit-il, avant de rappeler que le silence tant fantasmé n’existe pas réellement dans l’établissement parisien.
Cette période, compare-t-il, à « un désert » où se développera, selon lui, une forme de vie intérieure.
L’incarcération de Nicolas Sarkozy a constitué un événement sans précédent sous la Ve République. _L’ancien président, âgé de 70 ans, avait été écroué le 21 octobre, à la suite de sa condamnation dans l’affaire dite du « financement libyen » de sa campagne présidentielle de 2007. Le tribunal correctionnel de Paris l’avait reconnu coupable d’association de malfaiteurs, considérant qu’il avait laissé ses proches solliciter le régime de Mouammar Kadhafi afin d’obtenir une aide financière occulte.
La peine prononcée le 25 septembre était lourde : cinq années de prison, un mandat de dépôt à effet différé, une exécution provisoire, et une amende de 100.000 euros. En revanche, le tribunal avait estimé que les charges de corruption passive, détournement de fonds publics libyens et financement illégal de campagne électorale ne pouvaient être retenues.
Nicolas Sarkozy, ainsi que ses anciens ministres Brice Hortefeux et Claude Guéant — condamnés respectivement à deux et six ans de prison — ont immédiatement fait appel. Le nouvel examen de l’affaire est prévu entre le 16 mars et le 3 juin devant la cour d’appel de Paris.
Nicolas Sarkozy a été libéré le 10 novembre. La cour d’appel de Paris a estimé qu’il ne représentait ni danger ni risque de fuite, rendant inutile la poursuite de son incarcération. Les magistrats ont cependant jugé que le mandat de dépôt initial se justifiait par la gravité exceptionnelle des faits qui lui sont reprochés.
L’ancien président interprète quant à lui cette décision différemment : selon lui, la sévérité du tribunal s’expliquerait par des considérations personnelles et non juridiques — il parle dans son message d’un traitement motivé par « la haine ».
Sarkozy et Lagardère
Ce retour en pleine lumière intervient alors que Nicolas Sarkozy est toujours administrateur indépendant du groupe Lagardère, propriétaire du premier éditeur français, Hachette Livre, ainsi que de plusieurs médias. Depuis février 2020, il siège au conseil d’administration du groupe, aux côtés notamment d’Arnaud Lagardère, Yanick Bolloré, Arnaud de Puyfontaine ou Michèle Reiser. Aucune règle juridique ne l’empêche de conserver cette fonction malgré ses condamnations.
Mais dans un groupe qui revendique un code d’éthique et un code anticorruption, sa présence interroge. En interne comme chez certains actionnaires, la question revient régulièrement : un dirigeant condamné pour association de malfaiteurs et corruption peut-il continuer d’administrer un géant de l’édition ? Selon BFM-TV, un proche du groupe Bolloré aurait jugé « impensable » le maintien de Sarkozy au conseil d’administration, estimant que « c’est à lui de démissionner ». Un «petit actionnaire » s’en serait également ému, avant que la direction ne défende l’ancien présidentDu côté des salariés, le Syndicat général du Livre et de la Communication écrite-CGT rappelle qu’il ne commente pas les décisions de justice, mais ajoute que : « Lorsqu’un homme politique est condamné à de la prison, l’exemplarité exige qu’il démissionne de ses responsabilités, d’autant lorsqu’il s’agit d’un groupe qui détient des médias et des maisons d’édition. »



