Simon Jouet est un orfèvre d’origine huguenote né au début du XVIIIè siècle. Il est le fils de Peter Jouet qui s’est exilé à fin du XVIIè siècle vers les portes maritimes du Devon à Topsham, un port d’estuaire historique officiellement rattaché à la ville d’Exeter en 1966. Ces deux générations conjuguent une tradition d’ouverture et la transition d’une aventure de vie transmanche, riche d’un parcours de débuts modestes à un impact majeur pour dessiner l’or et l’argent au sein de la Compagnie des Orfèvres de Londres (Worshipful Company of Goldsmiths – formally styled The Wardens and Commonalty of the Mystery of Goldsmiths of the City of London). Il s’agissait d’une guilde influente, fournissant plus de 50 maires de Londres. Elle fonda notamment Goldsmiths, University of London.
Si cette histoire d’exil est douloureuse dans ses origines, elle n’exclut pas le cheminement ensemble d’une diaspora pleine d’espérance et de fraternité devenue une élite pionnière au contact des grands orfèvres et banquiers de la City de Londres.
Diaspora est un mot grec qui signifie « dispersion », ce qui implique éparpillement, délitement, épuisement… S’il manque peut-être un suivi et une attention fédératrice, il convient d’explorer les maillages de cette communauté bretonne huguenote dans le monde. Ce travail de recherche est mené à l’occasion du 70eme anniversaire du jumelage Rennes Exeter (année 2026).
Les orfèvres londoniens devaient depuis longtemps faire face à la concurrence des artisans étrangers, réfugiés fuyant les guerres et les persécutions religieuses dans leur propre pays, et la Compagnie des orfèvres de la City de Londres veillait scrupuleusement à la protection de ses membres. Mais un problème majeur se posa à la fin du XVIIe siècle avec l’afflux de huguenots fuyant la France après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Nombre de ces réfugiés s’installèrent alors à Londres, soit hors des limites de la Cité, soit dans la juridiction de Saint-Martin-le-Grand, à laquelle les règlements de la Cité ne s’appliquaient pas.
Les orfèvres huguenots contournèrent d’abord les lois sur le poinçonnage en persuadant quelques artisans londoniens, dont les marques de maître étaient enregistrées à la Goldsmiths’ Hall, de présenter les pièces françaises pour essai et poinçonnage comme si elles étaient les leurs.
D’autres pétitions, émanant de membres indignés du corps de métier londonien, suivirent. Cependant, en 1725, le procureur général établit sans équivoque que le droit d’apposer une marque de maître à la Goldsmiths’ Hall ne pouvait être refusé à quiconque, qu’il soit ou non membre de la Compagnie. Face à cette décision, les orfèvres londoniens durent, à contrecœur, céder et accepter les artisans huguenots. Les huguenots ont finalement donné à ce commerce l’impulsion dont il avait grand besoin, tant au niveau du design que des compétences techniques.
Thomas Folkingham, apprenti chez John Bache en 1693, devint maître orfèvre en 1703. Il épousa Elizabeth Denney, fille de William Denney, associé de John Bache, en 1700. Il mourut en 1729 après avoir acquis une grande notoriété en tant que banquier-orfèvre prospère. Arthur Grimwade décrivit ses meilleures œuvres comme fortement influencées par la culture huguenote notamment en particulier par son apprenti devenu Simon Jouet (maître orfèvre du XVIIIe siècle) – Freedom of the City of London en 1725. Ainsi, il est probable que Thomas Folkingham employa des émigrés comme compagnons.
Plusieurs orfèvres de renom, qui depuis un certain temps tenaient des caisses courantes pour pouvoir prêter de l’argent rapidement à leurs clients, abandonnèrent presque entièrement la fabrication et la vente d’argenterie pour se consacrer à la gestion de maisons de banque à plein temps.
Les billets à ordre qu’ils émettaient préfiguraient le style de nos premiers billets de banque. Des membres éminents de la Compagnie des Orfèvres, tels que Sir Robert Vyner, Sir Jeremiah Snow, l’échevin Edward Backwell, Valentine Duncomb et Robert Blanchard, amassèrent d’immenses fortunes dans leurs nouvelles activités (certains les perdirent par la suite en 1672 suite à la saisie des recettes de l’Échiquier par Charles II) et firent preuve d’une grande générosité envers la Compagnie.
En 2018, a été inauguré le Goldsmiths Centre for Contemporary Art. Conçue par le cabinet d’architectes Assemble, lauréat du prix Turner, et installée dans les anciens bains publics de Laurie Grove, classés monument historique (Grade II), cette galerie ouverte à tous propose une programmation variée d’expositions, de projets et de résidences d’artistes et de commissaires d’exposition nationaux et internationaux, offrant ainsi un accès à l’art de renommée mondiale dans le sud-est de Londres.
Kevin LOGNONÉ



