Un espace déjà soumis à une protection renforcée
Contrairement à l’image d’un mouillage libre et préservé, le secteur du rocher du Diamant fait l’objet d’un encadrement très strict. Un arrêté de protection de biotope couvre l’îlot et son environnement marin, limitant l’accès et restreignant les pratiques nautiques. Classé ZNIEFF, le site est reconnu pour ses tombants rocheux abrupts, ses habitats coralliens sensibles et une biodiversité marine particulièrement riche. L’État a, depuis plusieurs années, engagé une politique de régulation du mouillage pour limiter les ancrages susceptibles d’endommager les fonds.
Un projet de ZMEL pour canaliser les usages
Le projet porté par le Parc naturel marin et l’Office français de la biodiversité consiste à installer six mouillages dits « écologiques », destinés aux structures professionnelles de plongée et aux marins-pêcheurs. Localisés à environ 17 mètres de profondeur et couvrant près de 12 000 m², ces dispositifs visent à remplacer les corps-morts informels et à mettre fin à l’ancrage libre. Un arrêté préfectoral doit encadrer la police du mouillage, avec interdiction d’ancrer hors des dispositifs installés et sanctions possibles en cas d’infraction au code des transports ou au RIPAM.
Une contestation locale structurée
Depuis fin 2025, la contestation s’est amplifiée. L’élu de la Collectivité territoriale de Martinique Louis Boutrin et le collectif Le Diamant Rassemblé se sont publiquement opposés à l’initiative, dénonçant un projet « décidé d’en haut ». Le maire du Diamant a dû publier des précisions pour clarifier la portée du dispositif, preuve de l’inquiétude persistante parmi la population. Pour les opposants, l’étude d’impact et la procédure administrative — pourtant validées par les services de l’État — ne sauraient suppléer une véritable concertation locale.
Un risque de banalisation du paysage
La principale critique porte sur l’impact visuel et symbolique d’une telle installation. Pour les collectifs hostiles, la présence d’une ceinture de bouées, de corps-morts et de navires stabilisés au pied du rocher reviendrait à banaliser un espace perçu comme sacré dans l’imaginaire martiniquais. Ils soutiennent que la préservation de ce paysage exceptionnel suppose au contraire de limiter la fréquentation.
Pressions écologiques : entre prudence et incertitudes scientifiques
Les opposants avancent également des arguments écologiques. Ils estiment qu’une ZMO pourrait stabiliser la fréquentation plutôt que la réduire, en permettant à davantage de bateaux de rester durablement au pied du rocher. Une augmentation des rejets d’eaux grises, d’hydrocarbures et de déchets flottants est évoquée, ainsi qu’un risque d’eutrophisation locale. S’ajoutent les craintes liées aux fonds marins : dégradation potentielle d’herbiers et de récifs, modification de substrats rocheux servant de nurseries, afflux accru de plongeurs susceptible d’intensifier le piétinement indirect des milieux. L’enjeu concerne aussi la faune protégée, notamment les tortues, les oiseaux marins nicheurs et la biodiversité pélagique sensible au bruit et au passage répété des navires.
Des références scientifiques, mais pas de contre‑expertise dédiée
Aucun document scientifique ne démontre explicitement qu’une ZMEL au rocher du Diamant nuirait à son état écologique. Les opposants le reconnaissent : il n’existe pas de contre‑étude d’impact complète. Leur argumentation s’appuie plutôt sur des études relatives à la plongée en Martinique, les diagnostics DCE/SDAGE décrivant la sensibilité des eaux côtières du Sud, ainsi que sur des documents naturalistes décrivant la richesse du site. Ces références servent de base pour défendre une application stricte du principe de précaution. Et à notre sens suffisent pour abandonner ce projet.
Entre régulation et préservation : un choix stratégique pour la Martinique
La controverse révèle une tension récurrente dans la gestion des sites naturels emblématiques : faut‑il protéger en canalisant la fréquentation ou en réduisant les usages ? Pour l’État, l’organisation du mouillage constitue une réponse pragmatique. Pour les opposants, elle risque d’accélérer la transformation d’un paysage dont la valeur tient autant à sa biodiversité qu’à son caractère intact.
Gérard Dorwling-Carter



