Un contexte politique en recomposition
Les dernières discussions au Congrès des élus guadeloupéens ont remis sur la table la question de l’autonomie, avec une volonté affichée d’explorer l’application de l’article 74 de la Constitution, sur le modèle de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. Dans ce contexte, il faut s’interroger sur l’évolution de l’autonomie comme première étape possible vers un statut d’indépendance. Cette perspective, bien qu’en phase avec l’histoire de la décolonisation, doit être clairement expliquée à la population.
Autonomie et indépendance : une articulation historique
La question de l’autonomie comme étape vers l’indépendance n’est pas nouvelle. Le débat a déjà opposé communistes et indépendantistes, notamment lors de la convention de Morne-Rouge. Avec le recul, la ligne doctrinale qui posait l’autonomie comme étape vers l’indépendance trouve une résonance particulière.
Selon cette analyse, trois étapes peuvent se dessiner :
- Autonomie au titre de l’article 74.
- État associé à la France.
- Indépendance complète à terme.
Le poids du contexte socio-économique
Depuis la départementalisation, la Guadeloupe a connu une assimilation politique et sociale importante, alimentée par les aides, les transferts sociaux et la sur-rémunération des fonctionnaires.
Cette dépendance structurelle au cadre républicain est aujourd’hui un facteur central dans le débat statutaire, soulevant des questions sur la viabilité économique et sociale d’un changement institutionnel.
Les expériences internationales : des leçons à tirer
Partout dans le monde, l’autonomie a souvent conduit à une dynamique d’indépendance : Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Catalogne.
Mais ces expériences ont aussi montré les fragilités économiques et les tensions politiques qui peuvent découler d’une autonomie mal préparée.
Les limites d’une autonomie sans base économique
L’autonomie ne peut être efficace sans autonomie économique réelle. Les exemples de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie montrent que la possession de compétences institutionnelles n’assure pas la viabilité économique.
Une autonomie mal préparée pourrait fragiliser la Guadeloupe et aggraver ses problèmes structurels : productivité faible, chômage élevé, économie peu diversifiée.
Vers une approche graduelle et pragmatique
Une voie médiane pourrait consister à renforcer les capacités locales par une lecture élargie de l’article 73, enrichie d’habilitations ciblées.
Cette approche progressive permettrait d’expérimenter des formes d’autonomie dans des domaines stratégiques (énergie, transports, eau) tout en conservant les garanties du cadre républicain.
Dire la vérité au peuple
Toute autonomie engage potentiellement une dynamique vers l’indépendance. Il est essentiel de ne pas présenter le changement statutaire comme une solution miracle.
La Guadeloupe doit s’interroger : veut-elle une autonomie qui mène à l’indépendance, avec les sacrifices que cela implique ? Ou préfère-t-elle consolider son autonomie économique au sein du cadre existant avant toute évolution statutaire ?
Conclusion : responsabilité et lucidité
Le débat sur l’autonomie doit sortir des slogans et s’ancrer dans la réalité économique, sociale et géopolitique. L’avenir de la Guadeloupe se jouera dans sa capacité à se transformer, à produire et à s’intégrer dans la Caraïbe.
Comme le rappelle Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Il est temps d’énoncer clairement les enjeux, sans crainte de la vérité.
Jean-Marie NOL économiste