Cayman compass
George Town (Cayman Islands). – Chaque matin, à 81 ans, Lucille Seymour s’élance sur les chemins, appareil photo en main. Cette ancienne enseignante et parlementaire, rescapée d’un cancer, préside aujourd’hui le Conseil des personnes âgées et porte un plaidoyer insistant : rendre aux aînés visibilité, respect et dignité dans une société en pleine mutation.
Une transition démographique accélérée
Avec une espérance de vie de 82,1 ans, parmi les plus élevées au monde, et une croissance de 28 % du nombre de seniors entre 2023 et 2024, l’archipel connaît une transition démographique fulgurante. Selon l’Auditeur général, près de 30 % de la population aura plus de 65 ans en 2033. Un basculement qui met à l’épreuve les solidarités traditionnelles, autrefois cimentées par la proximité familiale et le respect instinctif des anciens.
Solitude et fragilité sociale
À 97 ans, Francine Jackson, héroïne nationale pour avoir obtenu le droit de vote des femmes, incarne à la fois vitalité et fragilité. Elle continue d’animer des rencontres familiales, mais confie une solitude tenace, malgré la présence d’un entourage proche. Sa fille, Joy Basdeo, souligne que « même avec une famille aimante, il reste tant d’heures de solitude ». Psychologues et travailleurs sociaux alertent : l’isolement constitue un risque majeur de dépression, de perte de mémoire et de démence.
Les traditions de veillées, de contes et de repas dominicaux s’estompent, alors que l’urbanisation et l’immigration redessinent le tissu social. Dans les maisons de retraite, les soignants observent anxiété et désarroi lorsque les visites familiales s’espacent.
Le poids de la précarité
À la solitude s’ajoute la fragilité économique. Nombre de retraités du secteur privé, sans pensions suffisantes, dépendent de l’aide publique. En août 2025, 1 429 aînés percevaient une allocation pouvant atteindre 1 500 dollars caïmanais par mois. Mais le coût de la vie, très élevé, grève ces revenus. Les dépenses publiques liées aux retraites et à la santé dépassent déjà les prévisions budgétaires, tandis que les passifs post-retraite de l’État s’élèvent à 2,7 milliards CI$.
Associations et bénévoles pallient en partie ces manques. Meals on Wheels distribue plus de 300 repas chauds par jour, assurant un lien social souvent aussi précieux que la nourriture. Le Rotary organise chaque année un repas de Noël qui rassemble des centaines de seniors, moment de fête mais aussi d’inquiétude : « Il faudrait plus qu’une célébration annuelle, un réseau d’attention tout au long de l’année », prévient un bénévole.
Vers une responsabilité partagée
Face à ces défis, le gouvernement a adopté en 2016 une politique des personnes âgées, mais les témoignages de négligence et de maltraitance persistent, souvent tues par honte ou loyauté familiale. Pour Lucille Seymour, la réponse doit être collective : renforcer la prévention sanitaire, développer des programmes intergénérationnels et mobiliser le secteur privé dans une société qui attire richesses mais n’impose aucune fiscalité directe.
« La valeur d’une nation se mesure à la façon dont elle traite ceux qui ont construit son présent », rappelle-t-elle. Alors que la part des aînés progresse inexorablement, les Caïmans sont confrontés à une équation délicate : transformer la longévité en promesse de dignité, plutôt qu’en fardeau invisible.
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