Le gouvernement et les élus corses se sont mis d’accord pour reconnaître « un statut d’autonomie » de l’île dans la Constitution. Agriculture, environnement, héritage… qu’est-ce qui pourrait réellement évoluer ?
Dans la nuit du 11 au 12 mars 2024, un accord a été trouvé entre l’exécutif et les élus corses pour inscrire ce statut d’autonomie dans le texte fondamental. « Comme le prévoit la loi, cet accord devra ensuite être validé par l’Assemblée territoriale de Corse, avant d’être transmis à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ce dernier, majoritairement réticent aux aspirations corses, devra l’adopter dans les mêmes termes que l’Assemblée, comme pour toute révision constitutionnelle », rappelle André Fazi, maître de conférences en sciences politiques à l’Université de Corte.
L’accord n’exclut pas non plus un référendum soumis aux Corses. Mais s’il était adopté, quelle latitude offrirait-il réellement à l’île de Beauté ?
Adapter la loi nationale à la réalité insulaire
Selon André Fazi, la Corse ne pourrait en aucun cas outrepasser le bloc constitutionnel : « Elle devrait respecter la hiérarchie des normes et resterait soumise au pouvoir législatif ou exécutif, avec un contrôle du Conseil constitutionnel. Une loi organique prévoirait les modalités d’exercice des compétences accordées à la Corse. Il ne s’agit pas d’un transfert ou d’une délégation de compétences, mais d’une habilitation. On adapterait la loi nationale ».
Ces adaptations pourraient concerner l’agriculture, l’environnement ou encore le social. Leur portée exacte reste à définir et dépendrait des débats des élus corses en Assemblée.
Fiscalité et social : des adaptations évidentes
La Corse bénéficie actuellement d’un régime fiscal particulier sur les droits de succession des biens immobiliers, exonérés à hauteur de 50 % de leur valeur jusqu’en 2028. Héritage de l’époque napoléonienne, cet avantage pourrait être prolongé avec le nouveau statut. Selon André Fazi, cela permettrait d’inciter les héritiers à reprendre et exploiter des biens fonciers aujourd’hui délaissés, et d’éviter une partie de l’anarchie architecturale qui règne sur l’île.
Face à un taux de pauvreté 1,5 fois supérieur à la métropole, la Corse pourrait aussi assouplir l’accès au RSA. Il serait également envisageable d’abaisser encore davantage la TVA déjà réduite sur certains produits (pétrole, travaux immobiliers, électricité basse tension, spectacles) pour redonner du pouvoir d’achat aux insulaires.
Agriculture : préserver le pastoralisme
Aujourd’hui, la Corse reste conditionnée par la politique agricole commune européenne. « Elle pourrait s’en détacher grâce à des lois adaptées. L’île pourrait ainsi obtenir davantage de surfaces agricoles pour élever des troupeaux et perpétuer son agriculture pastorale, qui offre une production alimentaire de meilleure qualité », explique le politiste. Les nationalistes, eux, auraient préféré un véritable transfert de compétences plutôt qu’une simple habilitation.
Jean-Paul BLOIS