Le 15 octobre 2025, Madagascar a basculé dans une nouvelle crise politique majeure. Des militaires ont annoncé avoir pris le pouvoir, destituant le président Andry Rajoelina après plusieurs semaines de manifestations et de tensions politiques. L’armée promet une transition de dix-huit à vingt-quatre mois, tandis que la communauté internationale condamne un coup d’État désormais confirmé.
Les faits : une prise de pouvoir militaire confirmée
Selon des sources concordantes, le président Andry Rajoelina a été destitué par l’Assemblée nationale avant de quitter le pays. Dans la foulée, le colonel Michael Randrianirina, chef de l’unité militaire CAPSAT (Corps d’Armée des Personnels et des Services Administratifs et Techniques), a été désigné pour assurer la transition. La Haute Cour constitutionnelle a validé sa prise de fonctions par intérim, tandis que toutes les autres institutions, à l’exception du Parlement, ont été suspendues ou dissoutes.
Le colonel Randrianirina a annoncé qu’il prêterait serment vendredi 17 octobre, et a assuré que l’armée agissait « pour restaurer l’ordre et protéger la Nation ». Il a promis le retour à un pouvoir civil au terme d’une période de transition comprise entre 18 et 24 mois.
Une crise née de la contestation populaire
Depuis plusieurs semaines, Madagascar était secoué par des manifestations menées principalement par des jeunes et des collectifs civils dénonçant la corruption, la pauvreté et l’absence de perspectives économiques. Les protestations ont dégénéré après la mort de plusieurs manifestants à Antananarivo lors d’affrontements avec les forces de l’ordre.
Face à la montée de la colère et à la paralysie politique, une partie de l’armée a choisi d’intervenir. La prise de pouvoir a été présentée comme une « réponse à l’effondrement de l’État », mais de nombreux observateurs y voient une manœuvre politique orchestrée par des factions militaires proches des anciens régimes.
Réactions internationales et premières sanctions
L’Union africaine a immédiatement annoncé la suspension de Madagascar de toutes ses instances, condamnant « un coup de force contraire à l’ordre constitutionnel ». Les Nations unies, l’Union européenne et la France ont exprimé leur « profonde inquiétude » et appelé à un retour rapide à l’ordre civil.
À Paris, le Quai d’Orsay a déclaré suivre la situation « avec la plus grande attention », tout en appelant à « éviter toute escalade de la violence » et à « garantir la sécurité des citoyens et des ressortissants étrangers ».
Les enjeux d’une transition incertaine
Ce nouveau coup d’État replonge Madagascar dans une instabilité chronique : le pays a déjà connu plusieurs prises de pouvoir militaires depuis son indépendance en 1960, dont la plus marquante en 2009… déjà menée contre Andry Rajoelina, alors maire d’Antananarivo. La promesse d’élections dans deux ans rappelle d’autres transitions jamais tenues, ce qui nourrit le scepticisme des observateurs.
Le colonel Randrianirina devra composer avec une population exaspérée par la misère et une communauté internationale hostile à toute légitimation du régime. Les semaines à venir diront si cette transition militaire peut réellement ouvrir la voie à une refondation politique, ou si elle annonce un nouvel épisode de blocage et de répression.
Jean-Paul BLOIS