Relance économique : « Tout est à refaire ! »

Activité paralysée pendant deux mois, chômage partiel, clôture des écoles, fermeture des frontières, gestes barrière, règles de distanciation… L’économie martiniquaise a été durement éprouvée par la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus alors même qu’elle se relevait à peine des dégâts causés par la crise sociale de 2009.

De crise en crise… Alors que certains voyants étaient enfin au vert pour l’économie locale aussi bien sur le front de l’emploi que pour les entreprises, l’embellie a été de courte durée.  En cause, un ennemi invisible à l’œil nu mais particulièrement destructeur, le Covid 19. Destructeur pour la santé des individus, des systèmes… et des économies !

« Cette crise sanitaire tombe au plus mal », confirme Lucie Manuel, présidente de l’association Contact-Entreprises qui regroupe plus de 300 sociétés martiniquaises« Les comptes de résultats 2019 de certaines entreprises commençaient à ressembler à ceux antérieurs à 2009. Pour certaines entreprises, elles commençaient à peine à sortir la tête de l’eau. Cette crise sanitaire vient anéantir une dizaine d’années de dur labeur et d’efforts considérables des entreprisesmartiniquaises et de leurs salariés pour retrouver un niveau d’activité correct. »

Certains secteurs sont particulièrement impactés par la situation, c’est le cas du tourisme et de l’hôtellerie-restauration, du commerce, du BTP, de l’artisanat. Le tourisme, dont les professionnels ont considérablement souffert de la pandémie avec une baisse d’activité estimée à 90% (Insee), ne voit même pas encore de sortie du tunnel…

 

Baisse brutale de l’activité économique

Selon l’Insee Martinique, le coronavirus aurait entraîné une baisse de l’activité économique locale de 27%, et un recul du produit intérieur brut (PIB) annuel d’environ 4,1 points. Ces chiffres ne sont, bien sûr, que des estimations et leur tenue dépendra de la vitesse de la reprise économique, de la capacité des entreprises à résister, et de la consommation des ménages après le déconfinement. Ils pourraient donc empirer…

Alors certes, l’État français s’est précipité au chevet de l’économie en mettant en place le dispositif de chômage partiel le plus généreux d’Europe avec l’objectif de maintenir les entreprises à flot et d’éviter unedestruction massive des emplois. Mais cela ne peut pas suffire, ni durer.

« Les mesures de soutien proposées par le gouvernement permettent aux entreprises de gérer le très court terme mais il va falloir que ces entreprises-là tiennent sur 2020, 2021… La reprise va être extrêmement compliquée !», alerte Lucie Manuel.

Une reprise complexe

La reprise est loin d’être simple, d’autant qu’elle est soumise à l’application des mesures sanitaires et de distanciation imposées par le gouvernement et décrites dans les « fiches métier ».

Des dispositions certes indispensables mais qui occasionnent un véritable casse-tête pour l’entreprise : orchestrer le retour des salariés, assurer leur sécurité, acquérir des équipements de protection individuelle (EPI), réorganiser les bureaux pour respecter les 4m2, réagencer l’accueil du public, repenser les flux de circulation, rassurer, relancer la chaîne de valeur

Ces aménagements représentent un coût supplémentaire pour l’employeur, pesant sur une trésorerie déjà fragilisée. Alors même qu’en pouvant accueillir moins de clients en même temps, le chiffre d’affaires de l’entreprise en sera, mathématiquement, affecté.

Sans compter qu’il faudrait que les écoles rouvrent et que les transports reprennent pour que les parents puissent aller travailler !

Quand l’entreprise tousse, l’emploi s’enrhume

Et, puisque ce sont les entreprises qui créent l’emploi, de ce côté-là aussi les nouvelles prévisions s’annoncent plus que moroses. Pourtant, là encore, les chiffres commençaient à s’améliorer comme le révèlent les derniers chiffres publiés par l’Insee.

Après deux années de stabilité, le chômage reculait en Martinique, passant de 17% de la population active en 2017 à 15% en 2019. Un taux de chômage encore supérieur à celui de la France métropolitaine (8 %) mais inférieur à celui des années précédentes.

 

 

LES PROPOSITIONS DE CONTACT-ENTREPRISES POUR RELANCER L’ÉCONOMIE

 

Relancer l’économie locale après cette crise sans précédent et dont les conséquences sont durables, la tâche est considérable. Mais possible, avec une volonté forte et un engagement réel des pouvoirs publics. Lucie Manuel, présidente de Contact-Entreprises, présente les propositions de l’association pour relancer l’activité.

Relancer l’économie martiniquaise, la tâche semble immense, par quoi commencer ?

Lucie Manuel : Par des mesures simples comme, par exemple, le paiement des factures des collectivités aux entreprises. Cela leur donnerait une bouffée d’oxygène dont elles ont vraiment besoin en ce moment ! De façon générale, il faudrait que ces factures soient réglées conformément à ce que dit la loi : dans un délai de 30 jours.

Il faut aussi envisager des mesures fortes et audacieuses comme l’exonération totale des charges sociales et fiscales sur une durée déterminée. C’est une mesure que Contact-Entreprises pousse depuis longtemps ; elle permettrait à nos entreprises de passer ce cap difficile, et de maintenir l’emploi. Enfin, il faut relancer la commande publique et faciliter l’accès auxfonds européens.

Quelles sont les pistes, les propositions de Contact-Entreprises pour relancer la commande publique ?

Contact-Entreprises promeut des projets ambitieux et réalistes, à même de développer notre territoire et de le rendre plus attractif, tout en offrant plus d’opportunités, de confort et de sécurité aux Martiniquais, aux salariés,aux entrepreneurs.

Parmi ceux-ci, les travaux des infrastructures en eau et assainissement sont une véritable priorité comme on a pu le voir ces dernières semaines. Il s’agit là d’une priorité à la fois sanitaire, environnementale et économique. Il faudrait aussi relancer les chantiers du réseau routier qui est complètement engorgé et ne répond plus aux besoins du territoire. Je pense plus particulièrement au projet de liaisons entre les zonescommerciales mais également au projet d’autoroute « dorsale » Sud/Nord. Cela permettrait de désenclaver les communes du Nord, de désengorger les zones, de réduire les temps de trajet, de gagner en efficacité, et de revaloriser les circuits touristiques.

Outre ces grands chantiers destinés à l’amélioration de nos infrastructures, le développement de l’attractivité du territoire nous semble essentiel. C’est un préalable indispensable pour le tourisme, bien sûr, mais aussi pour attirer des investisseurs et faire rentrer les jeunes actifs au pays. Pour cela, il faut une véritable politique de marketing territorial, et des marqueurs forts et d’envergure comme la création de la Cité mondiale du Rhum, à l’image de la Cité du Vin de Bordeaux. Ce projet est une puissante locomotive qui valoriserait l’un de nos meilleurs atouts : notre rhum, seul AOC au monde !

Les travaux publics sont au cœur de vos propositions ?

Pas seulement ! Cette crise sanitaire a montré encore une fois notre grande dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur mais elle a surtout révélé l’appétence grandissante des Martiniquais pour des produits locaux,bios et de qualité. Il conviendrait donc de soutenir les projets innovants en matière d’agriculture. C’est le cas par exemple du Pôle de Développement d’Economie Rurale (PDER) porté par cinq fermes du Nord Caraïbes. C’est un vrai projet de développement de filière agricole biologique, créatrice d’emplois, de richesses et de sens.

 

Quelles sont les préoccupations des entreprises à l’heure du déconfinement ?

Tout d’abord, la sécurité de leurs salariés et de leursclients, la protection de l’emploi et la préservation de la chaîne de valeur. Cela implique d’avoir une trésorerie qui permette de faire face à tous ces objectifs et de faire tourner l’entreprise.

Aujourd’hui, où en est le moral des chefs d’entreprise martiniquais ?

Même si c’est dans l’ADN du chef d’entreprise d’être combatif et résilient, cette crise sanitaire génère beaucoup d’inquiétude et met à mal le moral des entrepreneurs. Le quotidien est dégradé et le moyen terme n’offre pour l’instant que peu de visibilité. Le vrai défi pour les entrepreneurs à l’heure actuelle est d’arriver à rester optimiste coûte que coûte !

Relancer notre économie
Voici, en résumé, les propositions de Contact-Entreprises :

Le paiement des factures des collectivités aux entreprises
L’exonération totale des charges sociales et fiscales sur une durée déterminée
Faciliter l’accès aux fonds européens
Relancer les travaux des infrastructures en eau et assainissement
Impulser les chantiers du réseau routier (projet de liaisons entre les zones commerciales et projet d’autoroute « dorsale » Sud/Nord)
Développer une vraie politique de marketing territorial
Lancer des projets d’envergure et porteurs d’attractivité comme la Cité mondiale du Rhum
Soutenir les projets innovants en matière d’agriculture comme le Pôle deDéveloppement d’Economie Rurale (PDER)

 

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