L’île est secouée par des manifestations inédites contre le gouvernement. Le président Miguel Diaz-Canel a demandé à ses partisans de répliquer dans la rue.

Le Monde avec AFP

 

Excédés par la crise économique, des milliers de Cubains ont manifesté, dimanche 11 juillet, à travers le pays, aux cris de « Liberté ! » et « A bas la dictature ! ». Face à ces manifestations historiques, le gouvernement cubain s’est dit prêt à défendre la révolution « coûte que coûte », tandis que Washington a mis en garde La Havane contre tout usage de la violence.

Pris par surprise par ce soulèvement qui a éclaté dans plusieurs villes du pays, dont la capitale, le président Miguel Diaz-Canel a appelé ses partisans à répliquer dans la rue. « L’ordre de combattre a été donné, dans la rue les révolutionnaires ! », a lancé, dans une allocution télévisée, le président, qui a accusé « la mafia cubano-américaine » d’être derrière ce soulèvement. « Nous appelons tous les révolutionnaires du pays, tous les communistes, à sortir dans les rues où vont se produire ces provocations, dès maintenant et les prochains jours. Et à les affronter de manière décidée, ferme et courageuse », a-t-il ajouté.

Les manifestations antigouvernementales ont commencé de façon spontanée dans la matinée, événement rarissime dans ce pays gouverné par le Parti communiste (PCC, unique), où les seuls rassemblements autorisés sont généralement ceux du parti. Au total, selon le site de datajournalisme Inventario, une quarantaine de manifestations, éparpillées sur tout le territoire, ont été recensées dimanche.

La plupart ont été diffusées en direct sur les réseaux sociaux, dans ce pays où l’arrivée de l’Internet mobile, à la fin de 2018, a porté les revendications de la société civile. A partir de la mi-journée, l’accès à la 3G a d’ailleurs été coupé dans une grande partie du pays. Il n’a été rétabli qu’en milieu de soirée.

« Cuba n’est pas à vous ! »

« Cuba n’est pas à vous ! », criait notamment une foule rassemblée face à des bureaux du PCC. « Nous avons faim », « Liberté », « A bas la dictature » ont été quelques-uns des autres slogans scandés au cours de cette journée mouvementée, dont le déroulé a poussé le président à se rendre à la mi-journée à San Antonio de los Baños, petite ville où le premier rassemblement a été signalé, puis à apparaître à la télévision d’Etat.

Des échauffourées ont éclaté, notamment à La Havane où les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes, tiré en l’air avec leurs armes et utilisé des tuyaux en plastique pour frapper des manifestants. Plusieurs voitures de la police ont été renversées et endommagées par des Cubains en colère et de nombreuses détentions ont eu lieu. Un important dispositif policier et militaire a été déployé dans la capitale et plusieurs villes.

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Le gouvernement américain a réagi dès dimanche en mettant en garde les autorités cubaines contre tout usage de la violence à l’encontre de « manifestants pacifiques ». « Les Etats-unis soutiennent la liberté d’expression et d’assemblée à Cuba, et condamneraient fermement tout acte de violence ou qui viserait à prendre pour cible les manifestants pacifiques qui exercent leurs droits universels », a affirmé le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, sur Twitter.

S’il a reconnu « l’insatisfaction » que peuvent ressentir certains Cubains face aux pénuries d’aliments et de médicaments, combinées aux coupures électriques quotidiennes, Miguel Diaz-Canel a également accusé l’ennemi de toujours, Washington, d’être à la manœuvre. « Il y a un groupe de personnes, contre-révolutionnaires, mercenaires, payées par le gouvernement américain, de façon indirecte à travers des agences du gouvernement américain, pour organiser ce genre de manifestations », a-t-il affirmé.

Grave crise économique

Les relations diplomatiques entre Cuba les Etats-Unis, après une brève réconciliation entre 2014 et 2016, sont au plus bas depuis le mandat de Donald Trump, qui a renforcé l’embargo en vigueur depuis 1962, dénonçant des violations des droits de l’homme et le soutien de La Havane au gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela.

Ces sanctions, ainsi que l’absence de touristes due à la pandémie, ont plongé Cuba dans une grave crise économique, la pire depuis trente ans, aggravant les pénuries d’aliments et de médicaments et générant un fort malaise social. Les difficultés économiques ont poussé les autorités à couper l’électricité plusieurs heures par jour.

« La situation énergétique semble avoir échauffé certains esprits ici », a reconnu Miguel Diaz-Canel face aux journalistes, accusant les sanctions américaines d’être responsables de la crise. « Si vous voulez que le peuple aille mieux, levez d’abord l’embargo ». Le président a toutefois reconnu que « des gens sont venus manifester leur insatisfaction », parlant de « révolutionnaires désorientés ». Mais « nous sommes beaucoup, et moi le premier, à être prêts à donner la vie pour cette révolution », a-t-il lancé.

Ces manifestations sont survenues le jour où Cuba a enregistré 6 900 cas de Covid-19 (pour 238 000 cas au total) et 47 morts en vingt-quatre heures (pour plus de 1 500 morts officiellement recensés au total), du jamais-vu dans le pays. Sous les mots-clés #SOSCuba ou #SOSMatanzas (du nom de la province la plus touchée), les appels au secours se multiplient sur les réseaux sociaux, tout comme les appels au gouvernement pour qu’il facilite l’envoi de dons de l’étranger.

Samedi, un groupe d’opposants a demandé l’instauration d’un « couloir humanitaire », une initiative que le gouvernement a écartée, dénonçant « une campagne » qui cherche à « présenter une image de chaos total dans le pays qui ne correspond pas à la situation actuelle ».

« Nous reconnaissons la demande légitime de la société cubaine d’avoir des médicaments, des aliments et des libertés fondamentales », a tweeté de son côté Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA). « Nous condamnons le régime dictatorial cubain pour avoir appelé des civils à réprimer et à la confrontation contre ceux qui exercent leur droit à manifester », a-t-il ajouté.

« La dictature doit comprendre que nous ne tolérerons pas l’usage de la force brutale pour taire les aspirations du peuple cubain », a averti dans un communiqué le sénateur américain Bob Menendez.

Le Monde avec AFP

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