Ce qui s’est produit dans la 3ᵉ circonscription de la Martinique aux législatives dernières, dépasse la simple défaite d’un député sortant. La perte d’un bastion historique du Parti progressiste martiniquais (PPM), suivie du procès retentissant impliquant deux de ses figures majeures – Didier Laguerre et Serge Letchimy – alimente désormais l’idée d’un possible effondrement politique du parti césairiste.
Ces événements, condensés en quelques mois, ressemblent de plus en plus à des signaux annonciateurs d’une déroute si les cadres progressistes ne parviennent pas rapidement à se ressaisir avant l’échéance décisive des municipales de mars 2026. Le PPM, longtemps colonne vertébrale de la vie politique martiniquaise, se trouve ainsi face à un risque historique : celui de perdre son influence structurante sur Fort-de-France et sur la gauche locale.
La défaite de Johnny Hajjar lors des législatives de juillet 2024 a constitué un tournant majeur. Arrivé en tête au premier tour avec environ 37 % des voix, il s’incline finalement au second tour face à Béatrice Bellay, candidate socialiste investie par le Nouveau Front populaire, qui obtient 54,53 % des suffrages. Ce résultat met fin au mandat qu’il occupait depuis 2022 et rompt une tradition d’ancrage progressiste dans la capitale martiniquaise.
Le succès de Béatrice Bellay marque une recomposition profonde de la gauche martiniquaise. Le NFP a su rassembler différentes forces politiques et capter un électorat plus large que celui du PPM. Cette dynamique nationale, conjuguée à une volonté de renouvellement, a contribué à marginaliser le PPM dans une circonscription pourtant symbolique.
Cette défaite s’inscrit dans un climat d’usure du PPM : divisions internes, désaccords idéologiques, perte de lisibilité politique et fatigue militante. Le parti, fragilisé par des tensions accumulées, n’a pas su mobiliser suffisamment autour de Johnny Hajjar. La très forte abstention – plus de 66 % – témoigne d’un désengagement croissant, notamment chez les jeunes et les classes populaires, peu sensibles aux discours traditionnels du parti.
Plusieurs facteurs personnels et stratégiques ont également pesé : une campagne perçue comme peu renouvelée, un candidat identifié comme proche de l’appareil, et un contexte national favorisant les candidatures officiellement soutenues par le NFP. Ces éléments ont réduit la capacité de Johnny Hajjar à incarner une alternative suffisamment claire.
Sur le plan local, cette défaite affaiblit fortement la position du PPM à Fort‑de‑France. Le parti perd un siège historique, et l’épisode accroît les interrogations sur sa stratégie, ses alliances et son leadership, au moment même où ses principaux dirigeants sont fragilisés par un procès très commenté. Au niveau national, l’impact est limité puisque la circonscription reste à gauche, mais la Martinique perd un député actif sur les dossiers ultramarins, notamment la vie chère et la régulation économique.
La démission ultérieure de Johnny Hajjar du PPM a amplifié cet affaiblissement. Ancien secrétaire général puis vice‑président, il représentait une figure centrale du parti. Son départ renforce les fractures idéologiques et nourrit l’idée d’un mouvement en perte de repères face aux attentes sociales actuelles.
Dans ce contexte, le paysage politique martiniquais est en pleine mutation. La défaite ouvre la voie à de nouvelles recompositions au centre‑gauche, alors que le PPM doit désormais repenser sa stratégie et clarifier son projet pour les municipales de 2026, les territoriales et les prochaines législatives. Sans un sursaut rapide, l’héritage césairiste pourrait connaître une érosion inédite.
Jean-Paul BLOIS



