L’amour des pauvres, boussole d’une Église sociale et fraternelle
Un texte fondateur dans la continuité de François
Le 9 octobre 2025, le pape Léon XIV a publié sa première exhortation apostolique, intitulée Dilexi te (« Je t’ai aimé »). Ce texte majeur, signé le 4 octobre – jour de la fête de saint François d’Assise – consacre son pontificat à un thème clair : l’amour envers les pauvres et l’engagement social de l’Église.
Dès les premières lignes, le nouveau pape inscrit sa démarche dans la continuité du pontificat de François, reprenant sa dénonciation des structures d’injustice et son appel à une Église « pauvre pour les pauvres ».
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres », rappelle-t-il en citant l’Évangile selon saint Luc (4, 18).
Pour Léon XIV, la pauvreté devient le critère même de la vérité évangélique : « L’Église qui fait place aux petits et marche pauvre avec les pauvres est le lieu où les pauvres ont une place privilégiée. »
Une architecture claire, centrée sur la charité active
Composé de 121 paragraphes, le document développe une vision à la fois spirituelle et concrète de la mission chrétienne.
Chaque partie illustre la proximité évangélique de Jésus envers les plus faibles, tout en appelant à un renouvellement profond des pratiques ecclésiales et sociales.
Trois lignes de force traversent l’exhortation :
- Iharité comme principe d’action, qui ne se réduit ni à l’aumône ni à la compassion, mais devient une exigence politique et sociale.
- La dénonciation des dérives de l’ultralibéralisme, qualifié d’« économie qui tue ».
- L’appel à une Église témoin d’espérance, proche des périphéries humaines : migrants, femmes victimes de violences, prisonniers, exclus du travail ou de l’éducation.
« Si les politiques n’écoutent pas les pauvres, la démocratie s’atrophie »
Dans un ton qui rappelle Evangelii Gaudium et Fratelli Tutti, Léon XIV invite à refuser les idéologies de l’immobilisme qui entretiennent des structures d’injustice.
Le texte n’hésite pas à interpeller les décideurs :
« Si les hommes politiques n’écoutent pas les pauvres, la démocratie s’atrophie. »
Cette phrase, déjà reprise par plusieurs responsables ecclésiaux, condense l’esprit du document : un appel à une conversion sociale du pouvoir, à une écoute réelle des périphéries et à une participation démocratique des oubliés.
Le pape exhorte aussi les fidèles à un engagement concret, loin d’une charité abstraite :
« Aimer les pauvres, ce n’est pas seulement les secourir ; c’est partager leur sort, défendre leur dignité, et dénoncer tout système qui les humilie. »
Une exhortation dans la lignée franciscaine
En la signant le 4 octobre, Léon XIV a voulu placer son pontificat sous la lumière de saint François d’Assise, symbole d’humilité, de fraternité et de désappropriation.
La référence n’est pas fortuite : elle exprime la volonté du pape de faire du service des pauvres la boussole morale et pastorale de l’Église.
Comme François avant lui, Léon XIV conçoit l’Église non comme un pouvoir mais comme un espace d’humanité réconciliée.
Il y appelle à un dialogue exigeant avec le politique et l’économie, convaincu que la foi ne peut être séparée de la justice.
« La charité sans justice est aveugle ; la justice sans charité est froide », écrit-il, citant Benoît XVI tout en reformulant le cœur de sa pensée : l’amour du Christ doit transformer les rapports économiques et sociaux.
Un souffle de renouveau spirituel et social
La réception du texte a été largement positive dans les milieux ecclésiaux et universitaires.
Pour la Conférence des évêques de France, Dilexi te « rappelle avec force que la mission de l’Église ne se mesure pas au nombre de ses fidèles, mais à sa capacité d’aimer ».
Des théologiens saluent un « retour du magistère social » et une continuité lucide avec l’héritage du pape François : le refus de la résignation et le primat de la fraternité concrète.
En redonnant à l’Église sa vocation d’« experte en humanité », Léon XIV inscrit son début de pontificat sous le signe du courage évangélique : celui d’aimer sans réserve, et de placer les plus pauvres au centre.
Jean-Paul Blois