Dans le cadre de la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement, Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de la CTM, André Lesueur, le président de la CAESM (Espace Sud), Bruno Nestor Azérot, le président de CAP NORD et Luc Clémenté, le président de la CACEM, ont récemment signé une convention-cadre visant à la « mise à niveau et sécurisation des infrastructures d’eau potable et d’assainissement. » Signée pour une durée de quatre ans, cette convention affiche l’objectif de définir les modalités de collaboration entre les trois Communautés d’Agglomération et la CTM autour d’une liste d’opérations* définie « en fonction des enjeux et urgences du territoire ». Il s’agira ainsi de « sécuriser et d’augmenter la capacité de production d’eau potable des équipements de la CTM, d’améliorer le service public d’eau potable et d’assainissement, de sécuriser et d’augmenter la capacité de production d’eau potable des Communautés d’Agglomération par la diversification de la ressource, la modernisation et l’augmentation des capacités de stockage. » La programmation des opérations s’articule autour de deux volets, pour un montant total de plus de 264 millions d’euros cofinancés par la CTM, les Fonds européens, l’Etat, les dits ECPI, l’Office Français de la Biodiversité et l’Office de l’Eau. Les précisions de Serge Letchimy, puis entretiens successifs avec Arnaud René-Corail, maire des Trois-Ilets et conseiller exécutif, et avec André Lesueur.


Serge Letchimy :

Comment parvenir à une autorité unique de l’eau ? C’est ça l’objectif et il faut gagner cette bataille-là »

 Antilla : Que retenez-vous de cette nouvelle réunion de travail ?

Serge Letchimy : Avec les trois présidents d’EPCI nous avons entamé un travail dès le départ. Nous nous sommes dit que la priorité c’est ba pèp-la dlo. On a commencé par investir, donc on a fait des réparations à Séguineau au Lorrain et à Saint-Jacques à Sainte-Marie. Et on a mis en ‘’double détente’’ deux financements. D’abord un financement pour boucler toutes les opérations qui étaient en cours : 95 millions d’euros, dont 73 millions seront consommés dans les trois EPCI pour les réservoirs, pour boucher des trous, changer des tuyaux etc. Et à partir de cette année nous avons aussi mis 165 millions d’euros – fonds européens, fonds CTM, fonds d’État, fonds des EPCI, fonds ‘’Eau-Dom’’ etc. – pour nous mettre à niveau en termes d’infrastructures relatives à l’eau. Vous avez dû remarquer qu’on a beaucoup moins de coupures depuis deux ans. Je ne dis pas qu’on n’en a pas mais beaucoup moins : c’est grâce à ces efforts d’investissement(s) que nous avons dû réaliser. Et on a décidé de relever un autre pari : comment parvenir à une autorité unique de l’eau ? C’est ça l’objectif et il faut gagner cette bataille-là. Ce n’est pas normal qu’un territoire aussi petit ait ce découpage incroyable avec plusieurs prix de l’eau, plusieurs prix de production donc plusieurs prix de commercialisation, etc. Avec les trois présidents d’EPCI nous venons de réaffirmer que nous sommes tous pour une autorité unique de l’eau, mais la question c’est comment faire. Donc j’ai eu mandat, aujourd’hui, de mener des études juridiques pour voir comment nous créerons l’autorité unique de l’eau. En Février prochain on aura déjà les scénarii juridiques, ensuite ce sera soit par habilitation(s) – parce que nous n’avons pas encore le pouvoir normatif autonome que nous demandons – soit par une proposition de loi qu’on pourrait faire à partir de la Martinique, pour nous permettre d’avoir une autorité, un prix unique de l’eau et un prix social de l’eau.

L’unité entre les trois présidents d’EPCI et vous est donc totale sur ces sujets ? Il n’y a aucun désaccord ?

Tout à l’heure on s’est tous tenus la main : ça veut tout dire. Oui, on est vraiment très unis sur ces sujets-là. Et on veut aussi démontrer qu’il y a de l’ingénierie en Martinique, que nous sommes capables. Pour réussir un tel pari il faut mettre à côté les orgueils et égocentrismes : c’est ce que nous faisons. On travaille en commun et on prend les décisions très vite. Cette réunion a duré deux heures. Et sur des sujets engageant 300 millions d’euros, deux heures ce n’est rien.

Quel est le budget en besoins d’investissements relatifs à l’eau ?

De 300 à 350 millions d’euros. Mais l’eau n’avance pas sans l’assainissement, et vice-versa. Donc le budget de l’eau c’est 300 à 350 millions d’investissements nécessaires. Et le budget d’investissements nécessaire pour l’assainissement, c’est 860 millions d’euros. Donc c’est un chantier… .


Arnaud René-Corail :

C’est de cette façon que nous pourrons permettre aux martiniquais de consommer une eau avec une régularité au robinet »

Antilla : Quel est votre regard sur ces réunions régulières entre les exécutifs de la CTM et des trois EPCI ?

Arnaud René-Corail : Ces réunions régulières permettent de relancer les travaux en matière d’eau et d’assainissement, avec des conventions signées et des perspectives à court terme pour terminer énormément de dossiers au 31 Décembre 2023 afin de pouvoir consommer le maximum de fonds externes, européens notamment. Il y a aussi des perspectives à moyen terme, de près de 200 millions d’euros dans l’eau potable et de plus de 300 millions dans l’assainissement. C’est de cette façon que nous pourrons permettre aux martiniquais de consommer une eau avec une régularité au robinet.

Et c’est donc l’unanimité pour une « autorité unique de l’eau » ?

Oui mais ça ne se réalise pas du jour au lendemain. Sur le plan juridique on voit les démarches qu’il faudrait entreprendre pour nous permettre d’avoir cette autorité unique. Mais dans quelles conditions cette autorité unique va fonctionner c’est une autre paire de manches. Vous savez, fournir de l’eau à la population foyalaise par exemple, revient moins cher que fournir de l’eau aux populations du Morne Rouge, des hauts du Vauclin, de la montagne du Marin et de Rivière-Pilote car il y a beaucoup plus de pompes, d’infrastructures à installer pour permettre d’assurer une régularité de l’eau dans nos mornes. On ne l’a pas observé pendant de nombreuses années mais il y a de plus en plus d’habitations dans nos mornes. Souvent on nous dit qu’il n’y a pas d’eau dans tel ou tel quartier, mais ne sachant pas qu’il y a un problème de réservoir(s) parce que de nouvelles populations s’y sont installées. Certes nous avons envisagé de mettre en place différents réservoirs mais nous sommes aussi confrontés à un problème de propriétaires terriens. Donc ce n’est pas si évident aujourd’hui de nous permettre de construire des réservoirs.


André Lesueur :

Ce qui se poursuit aujourd’hui nous donne l’habitude de travailler ensemble » 

Antilla : Quelle est la place de ces sujets dans votre actuelle présidence de l’Espace Sud ?

André Lesueur : Dès ma prise de fonctions à l’Espace Sud, j’ai indiqué que nos priorités seraient l’eau, l’assainissement, les déchets et le développement économique. Et je fais ce que je dis. Nous nous sommes déjà beaucoup battus pour améliorer l’arrivée de l’eau dans les robinets. Je ne suis pas technicien mais j’ai fait réaliser des réservoirs, des détecteurs de fuite(s), changer les réseaux obsolètes, etc. Donc on  y travaille et les chiffres énoncés ici par le président Letchimy l’ont indiqué. Même si il pleut en ce moment, on ne sait pas quel sera le carême de demain. Donc notre souci permanent c’est que l’eau arrive au robinet des clients, des usagers de la Martinique. Alors ça n’est ni évident ni facile mais il ne faut pas baisser les bras, c’est un combat. Aujourd’hui nous avons signé une convention pour qu’on accélère autant que faire se peut nos travaux, car il y a des crédits qu’il faut consommer.

Vous êtes donc d’accord, vous aussi, pour une « autorité unique de l’eau » ?

Oui mais il ne suffit pas de le dire. Il y a des problématiques de tous ordres, donc ça se prépare. Bruno Nestor Azérot et moi étions intervenus à l’époque, auprès d’un préfet dont j’oublie l’identité, pour que l’État prenne en charge une partie des frais que nous payons pour la présence de la chlordécone dans l’eau. Et là c’est en train de se faire, donc ce n’est pas du jour au lendemain. Vous savez, ce qui se poursuit aujourd’hui nous donne l’habitude de travailler ensemble : pas seulement sur ces sujets-là mais de partager, pour le bien de notre territoire. Même si on n’est pas toujours d’accord on peut toujours arriver à un consensus. Je crois à cela.

Tous propos recueillis par Philippe Pied

*Parmi les opérations on peut citer la construction de réservoirs sur les sites de Vivé et Assier ; la réparation de la casse de Fonds Saint-Jacques, la modernisation et l’optimisation de l’interconnexion Vivé / Cap Nord / Espace Sud au Galion ; les travaux de renforcement et de renouvellement des réseaux sur le territoire de Cap Nord ; la reconstruction de la station d’épuration du Lorrain ; les travaux de renforcement et remplacement de canalisations sur le territoire de l’Espace Sud ; l’extension et la réhabilitation de la station d’épuration de Gros Raisin ; l’exploitation de forages à Cœur Bouliki ; les extensions du réseau d’eau potable sur le territoire de l’Espace Sud. (source : CTM)

 

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