Christophe Castaner, président du groupe des députés LRM, à l’Assemblée nationale à Paris, le 2 mars. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Le scrutin prévu le 13 et 20 juin est au cœur d’un vote consultatif cette semaine à l’Assemblée. Certains responsables LRM, comme Christophe Castaner et Stanislas Guerini, veulent le maintien. D’autres, comme Richard Ferrand ou François Bayrou, réclament le report.

Par Mariama Darame

Pour Le Monde

Maintien ou ultime report ? Les élections régionales et départementales prévues le 13 et 20 juin sont au cœur de deux débats suivis d’un vote consultatif à l’Assemblée nationale, mardi 13 avril, et au Sénat, mercredi 14 avril. « Seules des raisons sanitaires impérieuses, de nature à compromettre l’organisation de la campagne ou du scrutin, pourraient justifier un nouveau report », avait argumenté devant les sénateurs le premier ministre, Jean Castex, lors d’un débat sur l’évolution de la situation sanitaire, le 1er avril. Il avait alors affirmé que le gouvernement privilégiait « clairement le scénario de leur maintien » malgré l’instauration d’un troisième confinement et le probable prolongement du régime d’état d’urgence sanitaire au-delà du 1er juin.

Depuis, M. Castex a lancé une consultation auprès des différentes forces politiques et associations d’élus locaux. Une décision actée après la remise du rapport du conseil scientifique, le 29 mars. Ses conclusions n’expriment clairement pas la nécessité d’un report mais posent une série de conditions strictes pour le bon déroulé des élections : une des mesures phares est la vaccination des assesseurs qui tiennent les bureaux de vote. Des critères qui paraissent irréalistes, surtout aux yeux des maires, de plus en plus nombreux à exiger un report. Le gouvernement a par ailleurs demandé, vendredi, aux maires de se prononcer avant le débat parlementaire prévu la semaine prochaine. Un message devait être envoyé vendredi soir par les préfets aux maires, qui sont censés donner leur réponse d’ici lundi 12 avril à midi. « Cette consultation précipitée, du vendredi soir pour le lundi matin, ne nous paraît pas être une méthode appropriée pour traiter une question de cette importance », a réagi l’Association des maires de France (AMF).

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Du côté du Parlement, là où les oppositions semblent tenir une ligne plus ou moins consensuelle pour le maintien des élections, la majorité affiche, elle, ses divergences. Et pose de nouveau l’hypothèse d’un report du scrutin. D’un côté, le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini, défend la tenue du scrutin en juin. Tout comme le président du groupe LRM à l’Assemblée nationale, Christophe Castaner, avec lequel il a signé un courrier au premier ministre. « Nous fondons cette position sur le fait que le conseil scientifique ne préconise pas le report, affirment MM. Castaner et Guerini. Nous considérons, aussi, qu’à l’heure où le pays devrait retrouver la plus grande partie de son activité, la prise en compte des enjeux et des expressions démocratiques constituera un signal pour nos concitoyens. »

Report « après l’été »

Première crainte du parti macroniste, celle de voir la majorité présidentielle accablée par les oppositions et l’opinion publique sur des accusations de manipulation électorale en cas de report. « Quelle que soit la décision qu’on prendra, elle ne sera jamais assez bonne pour les oppositions », prévient Marie-Christine Verdier-Jouclas, porte-parole du groupe LRM à l’Assemblée nationale.

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Mais des proches d’Emmanuel Macron viennent, de leur côté, remettre en cause l’idée d’un maintien des élections en juin. C’est le cas de François Bayrou, le président du MoDem, qui défend un report des élections « après l’été ». « Il n’est pas raisonnable de tenir les élections dans un moment où l’attention des citoyens est portée sur des questions aussi graves que la santé, la maladie, l’épidémie de Covid-19, la vie et la mort », a-t-il déclaré sur Franceinfo, jeudi 8 avril.

Plus inattendu, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, plaide lui aussi pour un report des scrutins régional et départemental. Dans un courrier daté du 8 avril, adressé au premier ministre, M. Ferrand va même jusqu’à proposer des dates alternatives, privilégiant les « 3 et 10 octobre 2021 »,ou à défaut les « 20 et 27 juin ». « Le desserrement nécessairement très graduel des contraintes sanitaires me semble peu compatible au mois de mai avec une campagne électorale en bonne et due forme »,s’inquiète M. Ferrand dans sa lettre.

Le président de l’Assemblée nationale n’est pas le seul à pointer du doigt les difficultés à venir pour faire campagne. C’est même le sujet d’inquiétude numéro un pour de nombreux partis qui, comme M. Ferrand, pensent que le contexte sanitaire difficile pourrait offrir une « prime au sortant » pour les exécutifs locaux et leurs présidents déjà en place. « Les opérations de vote en juin pourront se tenir. Mais je ne sais pas comment on pourrait tenir une campagne éclairée pour chaque candidat aujourd’hui », affirme le député LRM de la Vienne Sacha Houlié.

« Il faut aussi assumer »

Le rebond épidémique rebat une nouvelle fois les cartes du calendrier électoral, après un scrutin déjà reporté une première fois, de mars à juin. Avec la loi du 22 février 2021, le Parlement avait entériné des mesures pour faciliter le vote et la campagne, en permettant l’allongement d’une semaine de la période de campagne, la tenue de débats télévisés entre les candidats sur France Télévisions, la double procuration ou encore l’obligation pour l’Etat de fournir aux communes et ce, pour chaque bureau de vote, des masques, du gel hydroalcoolique et toute autre protection sanitaire nécessaire.

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Mais la question du vote par correspondance et autres types d’aménagements du scrutin comme le vote électronique, anticipé, ou sur des machines à voter, risquent de rejaillir dans le débat. Ces propositions défendues entre autres par le MoDem et la gauche ont toutes été retoquées dans les discussions parlementaires depuis le début de la crise sanitaire, par le ministère de l’intérieur. « Depuis un an, on aurait eu l’occasion de rendre cette élection possible si on avait organisé le vote à distance, le vote anticipé, et on ne l’a pas fait. Donc à un moment, il faut aussi assumer », estime le patron des députés MoDem à l’Assemblée nationale, Patrick Mignola, qui défend avec son groupe un report à octobre.

« Chacun joue son jeu. Ça fait un peu désordre. Ils ne pouvaient pas se parler avant ?  », s’agace un cadre de la majorité qui s’étonne de ces désaccords de calendrier qui risquent de compliquer un peu plus la stratégie de la « maison commune » aux régionales. Au sein du groupe parlementaire LRM, chacun attend la déclaration de M. Castex devant le Parlement pour affiner sa position. Mardi 6 avril, en réunion de groupe, certains députés ont émis l’idée de maintenir les régionales en juin et de reporter les départementales en octobre.

De manière quasi unanime, les partis d’opposition, à droite comme à gauche, s’en remettent à la décision du gouvernement, tout en affûtant leurs critiques contre un Etat incapable d’anticipation pour assurer la continuité de la vie démocratique. Une double posture qui avait contribué au manque d’unité nationale et surtout au fiasco électoral et sanitaire lors des élections municipales de 2020, marquées par une abstention record.

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