En 2020, l’activité des entreprises martiniquaises baisse avec un recul du chiffre d’affaires de 5,6 %. La crise sanitaire impacte les performances financières des unités légales du territoire, notamment dans les secteurs de l’hébergement, la restauration et les transports. Leur capacité à générer de la valeur ajoutée baisse fortement mais le partage de la richesse reste en faveur des entrepreneurs. Ces derniers prennent des mesures financières pour atténuer les effets de la crise en augmentant leur trésorerie. Les mesures d’aides de l’État permettent par ailleurs de limiter les mises en liquidation judiciaire en 2020.

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Le tourisme subit fortement la crise sanitaire

En 2020, affectée par les effets de la crise sanitaire liée à la Covid-19, le climat des affaires en Martinique est défavorable avec une baisse du chiffre d’affaires de 5,6 %. Les secteurs marchands non agricoles et non financiers martiniquais génèrent un chiffre d’affaires de 12,9 milliards d’euros (figure 1). Cette évolution s’explique en partie par le secteur touristique qui subit fortement la crise sanitaire. Cette spécificité concerne surtout les économies insulaires (encadré).

 

Figure 1Répartition du nombre et du chiffre d’affaires des unités légales

Répartition du nombre et du chiffre d’affaires des unités légales – Lecture : En 2020, l’industrie compte 1 322 unités légales soit 4,9 % du total. Elles génèrent 1 993 millions d’euros de chiffres d’affaires, en baisse de 13,1 %. Elles comptent pour 15,4 % du chiffre d’affaires total.
Secteur Unités légales Chiffre d’affaires
Nombre Part (%) En valeur 2020 (millions d’euros) Part (%) Évolution (millions d’euros)
Industrie 1 322 4,9 1 993 15,4 -13,1
Construction 2 177 8,1 910 7,0 -6,0
Commerce 3 071 11,4 6 380 49,3 -0,1
Transports et entreposage 1 025 3,8 723 5,6 -10,7
Hébergement et restauration 1 393 5,2 342 2,6 -25,9
Information et communication 422 1,6 668 5,2 -0,4
Activités immobilières 1 346 5,0 420 3,3 -7,2
Autres services principalement marchands 16 092 60,0 1 498 11,6 -9,6
Ensemble 26 848 100,0 12 934 100,0 -5,6
  • Lecture : En 2020, l’industrie compte 1 322 unités légales soit 4,9 % du total. Elles génèrent 1 993 millions d’euros de chiffres d’affaires, en baisse de 13,1 %. Elles comptent pour 15,4 % du chiffre d’affaires total.
  • Source : Insee, Fichier FARE DIRAG 2020 et 2019.

La création de richesse se réduit en 2020

Mesurant la richesse créée par les unités légales, la valeur ajoutée régresse de 7,3 % pour atteindre un montant de 3,3 milliards d’euros en 2020. En variation absolue, la production marchande se contracte plus fortement que les consommations intermédiaires (figure 2).

Le taux de valeur ajoutée mesure l’intégration de l’entreprise, c’est-à-dire l’importance des transformations qu’elle fait subir aux produits dans la filière de fabrication. Dans un environnement économique perturbé par le confinement de la population, le taux de valeur ajoutée recule de 0,5 point pour atteindre 25,4 % du chiffre d’affaires (figure 3).

La valeur ajoutée au coût des facteurs (VACF) est l’indicateur privilégié pour mesurer le partage de la valeur ajoutée entre les secteurs institutionnels. Celle-ci baisse moins fortement que la valeur ajoutée. Ce phénomène s’explique par les subventions d’exploitation qui augmentent fortement sur l’année alors que les impôts et taxes de production sont en baisse, conséquence d’une conjoncture morose. Cette hausse des subventions est en lien avec les mesures prises pour réduire les effets de la crise sanitaire sur la santé financière des entreprises (aide « paiement des cotisations et contributions sociales », aide « fonds de solidarité », aide « coûts fixes »). Ainsi, les unités légales génèrent une VACF de 3,2 milliards d’euros en 2020.

 

Figure 2Indicateurs contribuant au partage de la valeur ajoutée

Indicateurs contribuant au partage de la valeur ajoutée – Lecture : en 2020, la production marchande est de 7 751 millions d’euros soit une baisse de 1 021 millions d’euros (- 11,6 %).
Poste comptable 2019 (millions d’euros) 2020 (millions d’euros) Différence (millions d’euros) Évolution (%)
Production marchande 8 772 7 751 -1 021 -11,6
Consommations intermédiaires 5 231 4 468 -763 -14,6
Valeur ajoutée hors taxes 3 541 3 283 -258 -7,3
Subventions d’exploitation 117 150 33 28,2
Impôts et taxes 203 197 -6 -3,0
Valeur ajoutée au coût des facteurs 3 455 3 236 -219 -6,3
Charges de personnel 2 191 2 028 -163 -7,4
EBE 1 264 1 208 -56 -4,4
  • Lecture : en 2020, la production marchande est de 7 751 millions d’euros soit une baisse de 1 021 millions d’euros (- 11,6 %).
  • Source : Insee, fichier FARE DIRAG 2020 et 2019.

 

Figure 3Principaux ratios financiers

Principaux ratios financiers – Lecture : En 2020, le taux de marge est en hausse de 0,7 point pour atteindre 37,3 %.
Ratio 2019 (%) 2020 (%) Évolution (pt)
Taux de valeur ajoutée 25,9 25,4 -0,5
Marge brute exploitation 9,2 9,3 0,1
Taux de marge 36,6 37,3 0,7
Taux d’endettement 31,1 32,4 1,3
Autonomie financière 31,0 30,6 -0,4
Rentabilité financière 7,6 4,9 -2,7
Taux d’investissement 34,1 40,8 6,7
Taux d’autofinancement 105,7 88,2 -17,5
  • Lecture : En 2020, le taux de marge est en hausse de 0,7 point pour atteindre 37,3 %.
  • Source : Insee, Fichier FARE DIRAG 2020 et 2019.

Le partage de la valeur ajoutée est en faveur des entrepreneurs

Le partage de la valeur ajoutée est favorable aux entrepreneurs. La baisse de l’excédent brut d’exploitation(EBE) est moins élevée que celle des charges de personnel en 2020 (respectivement -4,4 % et -7,4 %). La maîtrise des charges de personnel dépend de l’action du chef d’entreprise mais également de la politique d’aides aux entreprises du Gouvernement. Ainsi, en 2020, les unités légales bénéficient d’aides spécifiques telle que les exonérations de cotisations et contributions sociales ou de l’allocation d’activité partielle. Conséquence d’une marge brute d’exploitation en hausse, la capacité des unités légales à générer de l’excédent brut d’exploitation par rapport au chiffre d’affaires s’accroît légèrement. Au final, la baisse de l’EBE (-4,4 %) est plus modérée que celle de la VACF (-6,3%).

Dans le partage de la valeur ajoutée, le taux de marge rend compte de ce qui reste aux unités légales, l’excédent brut d’exploitation, notamment pour rémunérer le capital et investir, une fois déduite les charges de personnel. Avec un partage de la valeur ajoutée favorable aux entrepreneurs, le taux de marge martiniquais progresse légèrement de 0,7 point pour atteindre 37,3 % en 2020.

Les entrepreneurs augmentent leur trésorerie en ayant recours à l’endettement

Les unités légales prennent des mesures financières en 2020 pour limiter la dégradation des résultats financiers, l’objectif premier étant d’améliorer la trésorerie nette de l’entreprise. Une trésorerie insuffisante pour faire face à ses échéances à court terme peut entraîner une cessation de paiement, la gestion de la trésorerie devenant plus délicate durant la période de confinement qui entraîne une importante limitation de l’activité économique, voire l’arrêt dans certains secteurs…

Pour cela, elles réduisent leur besoin en fonds de roulement (BFR) (figure 4). Le BFR correspond aux liquidités dont une entreprise à besoin pour fonctionner en attendant de percevoir les paiements de ses clients. En 2020, grâce à une meilleure gestion des stocks, des créances et des dettes hors emprunts, les entreprises diminuent fortement leur BFR (-20%).

Les unités légales agissent sur leur fonds de roulement (FR). Le FR représente la partie des ressources stables et durables dont une entreprise dispose pour financer son cycle de production. Celles-ci croissent bien plus vite que les emplois stables et durables permettant une évolution positive du FR. Elles souscrivent des emprunts et dettes auprès des établissements financiers. Ce recours à l’emprunt est facilité par le dispositif des prêts garantis par l’État (PGE). Les emprunts et dettes des unités légales augmentent de 13,9 %, soit à un rythme plus soutenu que l’ensemble des dettes inscrites au passif du bilan (+10,4 %). Au final, le taux d’endettement progresse de 1,3 point pour atteindre 32,4 %.

 

Figure 4Principaux indicateurs de la santé financière des unités légales

Principaux indicateurs de la santé financière des unités légales – Lecture : les dettes fournisseurs et autres dettes participent négativement au calcul du BFR. En 2020, elles participent pour- 6 370 millions d’euros au BFR. Comme ces dettes augmentent de + 7,3 %, elles ont une contribution négative de 432 millions d’euros à la variation annuelle du BFR.
Poste comptable 2019 (millions d’euros) 2020 (millions d’euros) Différence (millions d’euros) Évolution (%)
BFR 1 207 964 -243 -20,1
Stocks (en +) 1 590 1 634 44 2,8
Créances clients et autres créances (en +) 5 555 5 700 145 2,6
Dettes fournisseurs et autres dettes (en -) 5 938 6 370 432 7,3
FR 2 849 3 292 443 15,5
Ressources stables et durables (en +) 17 525 19 059 1 534 8,8
Emplois stables et durables (en -) 14 681 15 764 1 083 7,4
Capitaux propres 5 216 5 628 412 7,9
Emprunts et dettes auprès des établissements financiers 5 235 5 964 729 13,9
Résultat comptable 395 276 -119 -30,1
Dont bénéfices comptables (en +) 889 831 -58 -6,5
Dont pertes comptables (en -) 494 555 61 12,3
  • Lecture : les dettes fournisseurs et autres dettes participent négativement au calcul du BFR. En 2020, elles participent pour- 6 370 millions d’euros au BFR. Comme ces dettes augmentent de + 7,3 %, elles ont une contribution négative de 432 millions d’euros à la variation annuelle du BFR.
  • Source : Insee, Fichier FARE DIRAG 2020 et 2019.

Les capitaux propres se maintiennent malgré la crise économique

Dans une moindre mesure, les capitaux propres jouent leur rôle d’amortisseur de crise. Leur montant progresse de 7,9 % en 2020. Ce résultat est favorable bien que les pertes des entreprises déficitaires augmentent en Martinique en lien avec la crise. Les pertes comptables viennent en déduction dans le calcul des capitaux propres et peuvent accroître le risque d’insolvabilité. En effet, une société peut être mise en liquidation judiciaire si le niveau des capitaux propres est trop faible par rapport au capital social. Rapportés au total du passif, les capitaux propres mesurent l’autonomie financière d’une unité légale. Celle-ci s’est légèrement dégradée avec la crise et ce ratio recule de 0,4 point. Cette baisse est concomitante avec la hausse du taux d’endettement.

Le résultat comptable rapporté aux capitaux propres mesure la rentabilité financière des entreprises. Celle-ci se contracte de 2,7 points en 2020, en raison d’un « effet de ciseau » combinant un résultat comptable en baisse et des capitaux propres en hausse.

Peu d’entreprises sont mises en liquidation judiciaire en 2020

La trésorerie nette des entreprises est en forte hausse. Par précaution, elles ont transféré les aides de l’état, notamment les prêts garantis, dans leur trésorerie active qui augmente dans le total de l’actif passant de 7,1 % à 9,3 % entre 2019 et 2020.

La crise n’a pas d’impact sur le nombre de défaillance d’entreprises en Martinique en 2020. La tendance à la baisse, entamée en 2017, se prolonge. Les aides mises en place lors de la pandémie maintiennent en activité des entreprises qui, sans elles, auraient été en grande difficulté.

L’investissement corporel (figure 5) regroupe les investissements en actifs physiques destinés à être utilisés durablement par l’entreprise comme moyens de production. Il est très dépendant de la politique des grandes entreprises, leur volume d’investissement fluctuant fortement d’une année sur l’autre.

En contraste avec la conjoncture défavorable, l’investissement corporel est dynamique. En 2020, les unités légales dépensent 1,3 milliard d’euros en investissements corporels. Par exemple, la SARA (Raffinerie de pétrole) a profité de l’arrêt de sa production pour rendre plus performant son outil de production. Le taux d’investissement, qui mesure le poids des investissements corporels dans la valeur ajoutée, progresse de 6,7 points. Cette évolution est la combinaison d’une hausse de l’investissement et d’une baisse de la valeur ajoutée.

La capacité d’autofinancement (CAF) est utilisée pour investir, se désendetter ou verser des dividendes aux actionnaires. Cet indicateur baisse de 7,6 % en raison d’une baisse de l’EBE et des autres produits qui n’est pas compensée par la baisse des charges financières et des charges diverses.

Le taux d’autofinancement mesure la capacité de l’entreprise à financer elle-même ses investissements. Celui-ci chute fortement en 2020 (-17,5 points).

 

Figure 5Indicateurs de l’investissement

Indicateurs de l’investissement – Lecture : les charges financières et charges diverses participent négativement au calcul de la CAF. En 2020, elles participent pour – 385 millions d’’euros à la CAF. Comme les charges baissent de 6,1 %, elles ont une contribution positive de 25 millions d’euros à la variation annuelle de la CAF.
Poste comptable 2019 (millions d’euros) 2020 (millions d’euros) Différence (millions d’euros) Évolution (%)
Investissement corporels 1 209 1 340 131 10,8
CAF 1 278 1 181 -97 -7,6
EBE (en +) 1 264 1 208 -56 -4,4
Produits financiers et produits divers (en +) 424 358 -66 -15,6
Charges financières et charges diverses (en -) 410 385 -25 -6,1
  • Lecture : les charges financières et charges diverses participent négativement au calcul de la CAF. En 2020, elles participent pour – 385 millions d’’euros à la CAF. Comme les charges baissent de 6,1 %, elles ont une contribution positive de 25 millions d’euros à la variation annuelle de la CAF.
  • Source : Insee, Fichier FARE DIRAG 2020 et 2019.

Encadré – Le commerce a un rôle d’amortisseur de la crise sanitaire

Le commerce, premier moteur économique de l’île, représente la moitié du chiffre d’affaires de la région. Son poids dans l’économie locale est plus important que celui de la France métropolitaine (39,5 %). Il est dans son ensemble peu affecté par la crise avec un chiffre d’affaires en léger recul.

Cependant, en 2020, ce résultat masque une évolution très différente selon les secteurs du commerce. Les ventes de véhicules routiers neufs subissent de plein fouet l’interdiction de déplacement imposée lors du premier confinement de mars à mai 2020. Dans le secteur du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles le chiffre d’affaires se réduit de 12,0 %. À l’inverse, le commerce de détail, notamment les commerces de première nécessité, voit son activité commerciale augmenter de 2,5 %.

La crise sanitaire frappe plus durement certains secteurs économiques, notamment ceux liés aux loisirs et au tourisme. Les entreprises pâtissent des restrictions de déplacement ou de la fermeture administrative de certains établissements recevant du public (cinéma, salles de sport, salon de coiffure…). Le secteur de l’hébergement et restauration est le plus touché. Les restrictions influent également à la baisse sur le chiffre d’affaires de certaines entreprises appartenant aux autres services principalement marchands.

L’industrie est durement touchée par la crise. Cette forte baisse de l’activité s’explique en partie par la mise à l’arrêt de la production de la SARA durant le premier confinement. La consommation de carburants chute de 80 % aux Antilles durant cette période. Mais le poids de l’industrie dans l’économie de l’île demeure modéré (15,4 %) par rapport à la France entière (26,6 %).

Dans le secteur de la construction, le chiffre d’affaires recule fortement. Cependant, au sein de ce secteur, la construction spécialisée, comptant pour 61,7 % du chiffre d’affaires, est moins marquée par la crise que la construction de bâtiment ou le génie civil.

D’autres secteurs sont moins touchés par la crise sanitaire. Par exemple, le secteur de l’information et de la communication baisse légèrement. Au sein de ce secteur, Les « télécommunications » sont prépondérantes avec 83,8 % du chiffre d’affaires.

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