Le conflit qui opposait depuis fin juin les avocats du Barreau de Martinique aux chefs de la Cour d’Appel de Fort-de-France à propos du rehaussement du parquet a connu un dénouement provisoire ce mardi. Face à une forte mobilisation des professionnels du droit et à une levée de boucliers unanime au sein du barreau, les chefs de cour ont annoncé l’abandon du projet, préférant engager une concertation au mois d’août.
Une décision prise sans concertation
L’origine du conflit remonte à une réunion du 25 juin 2025, lors de laquelle les chefs de la Cour d’Appel avaient informé la bâtonnière en exercice, Murielle Renar-Legrand, de la décision d’effectuer, durant l’été, des travaux visant à rehausser physiquement le bureau du parquet dans la salle d’audience Robert Badinter.
Cette décision, prise sans concertation préalable, a immédiatement provoqué la réaction du Barreau de Martinique, qui a convoqué une Assemblée générale extraordinaire le 30 juin, réunissant tous les avocats, y compris les anciens bâtonniers et les membres honoraires.
Une tradition d’égalité défendue avec vigueur
Dans une série de motions adoptées le 4 juillet par le Conseil de l’Ordre, les avocats ont rappelé que l’égalité de positionnement entre le Ministère public et la Défense dans la salle d’audience est un principe symbolique et politique fondamental, acquis « de hautes luttes » et préservé depuis des décennies.
Ce principe a même été formellement reconnu en 2014 par la ministre de la Justice de l’époque, Christiane Taubira, comme un droit légitime et spécifique aux juridictions martiniquaises.
Un rapport de force assumé
Face au refus d’engager une concertation, le Barreau a haussé le ton et exigé l’arrêt immédiat des travaux, menaçant, en cas de passage en force, d’un blocage total et illimité de l’ensemble des juridictions du ressort.
Une réunion a donc été convoquée avec les chefs de cour et des représentants du barreau, dont la bâtonnière élue Pascaline Jean-Joseph et l’ancienne bâtonnière Laurence Hunel.
La pression a porté ses fruits. Le Premier président de la Cour d’Appel et le Procureur général ont acté :
L’abandon pur et simple des travaux de rehaussement du parquet ; L’engagement de ne réaliser aucun aménagement pendant la période estivale ; L’organisation d’une réunion de concertation en août 2025 avec les représentants du barreau pour envisager ensemble une réorganisation de la salle d’audience, sans atteinte au principe d’égalité.
Le Barreau de Martinique a salué cette décision d’apaisement, tout en réaffirmant sa vigilance quant à toute tentative future de modification unilatérale.
Mobilisation suspendue, vigilance maintenue
Ce mardi 8 juillet, les avocats martiniquais ont répondu en nombre à l’appel à mobilisation, rassemblés devant la salle d’audience Robert Badinter pour manifester leur attachement à la justice équitable. À l’issue de cette journée, le Barreau a décidé de suspendre temporairement la mobilisation, dans l’attente de la réunion d’août qui devra, selon les termes du communiqué, définir une solution respectueuse de l’équilibre entre les parties.
Un symbole au-delà de la forme
Ce différend ne portait pas seulement sur un détail d’aménagement. Il touche à une conception profonde de l’égalité des armes en justice, dans un contexte où les rapports entre le pouvoir judiciaire et les territoires d’Outre-mer sont souvent marqués par des tensions symboliques.
Le combat du Barreau de Martinique souligne combien la configuration physique d’un espace judiciaire peut incarner un rapport politique entre institutions, et combien les avocats martiniquais sont déterminés à défendre une conception de la justice fondée sur la dignité, la parité et le respect des acquis.