Comme les supermarchés, les sites et apps de e-commerce savent que les détours invitent à l’achat. | Susan Yin via Unsplash

Les techniques de manipulation des sites et apps peuvent être particulièrement retorses.

Repéré par Barthélemy Dont sur Wired

Le shopping en ligne peut, a priori, paraître moins stressant qu’en magasin. Les vendeurs et vendeuses n’insistent pas pour que vous achetiez plus d’articles, vous pouvez prendre le temps que vous voulez, etc. La réalité est pourtant tout autre. Les sites de e-commerce sont passés maîtres dans les techniques destinées à faire payer plus.

Toute manipulation n’est pas fondamentalement mauvaise. Originellement, l’UX, ou expérience utilisateur d’un site internet est pensée pour accompagner les internautes, les influencer dans le bon sens en rendant leur visite plus plaisante.

L’interface d’un site ou d’une application devrait ainsi permettre de trouver ce que l’on veut aisément et rapidement –une barre de recherche efficace, des menus clairs, les boutons utiles bien visibles, etc.

Pour une personne qui souhaite acquérir quelque chose, trouver puis payer l’objet de ses désirs constitue généralement l’objectif de la visite. Mais les visées sont différentes pour une entreprise cherchant à vendre des produits: il faut faire consommer un maximum, puis inciter sa clientèle à revenir le plus souvent possible. Beaucoup s’en remettent alors aux «dark patterns», petites manipulations discrètes destinées à faire sortir plus facilement et souvent leur carte de paiement aux internautes a démontré à quel point ces pratiques sont communes dans le commerce en ligne. Comptes à rebours pour mettre la pression sans raison, frais cachés: tout est bon pour vendre plus, mieux, plus souvent.

C’est aussi très courant dans le domaine des offres premium, de plus en plus nombreuses, auxquelles il est très simple de souscrire mais où un véritable parcours du combattant est mis en place pour décourager celles et ceux qui souhaiteraient se désinscrire.

Reconnaître et éviter les «dark patterns»

Comment empêcher ces «dark patterns» de nuire? Wired explique que le combat est très asymétrique. Les choix d’UX effectués par les entreprises sont réfléchis et testés par des équipes de spécialistes, après des batteries de tests afin de déterminer lesquels fonctionnent le mieux. L’internaute, de son côté, souhaite aller rapidement mais se retrouve seul·e face à une interface frustrante.

«Si vous connaissez les biais cognitifs que ce genre d’astuces exploitent pour vous faire changer d’avis ou vous persuader de faire telle ou telle chose, alors vous avez moins de risques de vous faire avoir», déclare Harry Brignull, expert en expérience utilisateur et inventeur du terme «dark pattern».

Autrement dit, l’éducation est la meilleure arme. Il s’agit de garder en tête le fait que les intérêts d’un site marchand et ceux de sa clientèle ne sont pas les mêmes. Pour cela, Brignull a lancé le site darkpatterns.org, où il a établi une liste de types de techniques, ainsi que des exemples pour chacune d’entre elles.

Les pièges de la manipulation émotionnelle

Ces techniques sont parfois de simples manipulations émotionnelles bénignes, comme le «confirmshaming»: une app affiche un emoji triste à chaque fois que vous refusez de la noter sur l’App Store, ou un site vous propose de refuser une offre de manière culpabilisante –«Non merci, des prix plus bas ne m’intéressent pas», par exemple.

D’autre sont plus vicieux, tel le «bait and switch», une ruse consistant à faire croire à l’internaute qu’un bouton va faire une action alors qu’il va en réaliser une autre. Brignull cite ainsi le cas d’une pop-up sous Windows, affichée sur tous les PC afin d’encourager la mise à jour vers Windows 10. La croix rouge en haut à droite ne fermait pas la fenêtre lors de son apparition intempestive, comme à l’accoutumée, mais lançait la mise à jour. Il fallait en fait cliquer sur un autre bouton pour pouvoir la refuser.

Cet exemple montre que même si l’on est au courant de l’existence de ces techniques, il reste parfois difficile de les contourner. Brignull conseille alors d’alerter publiquement sur les réseaux sociaux afin de faire plier les entreprises qui ont recours à des méthodes trop contestables.

Du côté de la loi, une proposition a été déposée au Congrès des États-Unis en 2019. Un sénateur démocrate a présenté la loi DETOUR, qui interdirait aux services en ligne comptant plus de 100 millions d’utilisateurs actifs par mois de «construire, modifier ou manipuler une interface dans le but de cacher, subvertir ou altérer l’autonomie et les prises de décisions de l’utilisateur».

Seulement, cette loi ne concerne que les très grandes plateformes, et après plusieurs lectures au Sénat en septembre 2019, elle ne semble pas avoir été débattue depuis.

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