Une vision partagée, un cap à concrétiser
Dans une tribune récemment publiée, Sandra Casanova, élue à la Collectivité Territoriale de Martinique, appelle à une refondation de la stratégie insulaire. Au-delà des infrastructures visibles, elle invite à penser la création de valeur à travers trois leviers essentiels : l’intelligence collective, la coopération régionale et la durabilité.
Faire de la Martinique un territoire « glo-cal », écrit-elle, c’est refuser de choisir entre l’ouverture internationale et l’ancrage local. C’est chercher à relier les deux dans une dynamique de développement cohérente et inclusive.
De la vision à la méthode : une feuille de route territoriale
Mais face au délitement des relations entre institutions, au manque de cohésion entre corps constitués, syndicats, collectivités et société civile, cette vision, aussi inspirante soit-elle, risque de demeurer lettre morte.
Pourtant, les leviers existent. Pour traduire cette ambition en actes, la CTM, les EPCI, les chambres consulaires, les syndicats et la société civile gagneraient à engager une démarche concertée, fondée sur :
• La création d’un Conseil stratégique de la transformation glo-cale
• L’alignement des plans sectoriels autour de filières intégrées : agro-bio-industrie, énergies renouvelables, santé, numérique, culture et économie bleue
• Le déploiement d’une diplomatie économique caribéenne proactive, ouverte aux complémentarités régionales et aux partenariats africains
• La transformation de l’Université des Antilles en campus caribéen d’innovation et de mobilité, via des co-diplomations et un « Erasmus créole »
• La mise en place de fabriques locales de projets dans les EPCI, pour favoriser la participation citoyenne et l’émergence de solutions locales
• La création d’un Observatoire de la valeur territoriale, mesurant l’impact économique, social et environnemental des politiques publiques
Un changement d’état d’esprit
Cette mutation suppose un tournant culturel majeur. Il s’agit de passer de la concurrence à la coopération, du cloisonnement à la transversalité, de la réaction à la projection. Chaque euro investi devrait être considéré non comme une dépense, mais comme un levier de création de valeur durable, économique, sociale et écologique.
La Martinique, laboratoire caribéen du futur
Au cœur de la Caraïbe, la Martinique peut devenir un territoire pilote du développement glo-cal : un espace d’expérimentation où s’inventent de nouveaux modèles de gouvernance, de coopération et de création de valeur.
Mais ce pari exige une confiance retrouvée entre les institutions et les citoyens, ainsi qu’une vision partagée de l’avenir commun. La réussite du projet martiniquais dépendra moins des discours que de la capacité collective à faire de l’île un carrefour d’intelligence, de solidarité et d’innovation au service du monde caribéen.
Et c’est là que réside la pertinence du propos de Sandra Casanova : sa pensée est juste, mais sa hauteur d’analyse risque, hélas, d’échapper à nombre de ses collègues élus. Pour qu’elle devienne moteur d’action, encore faut-il que la politique martiniquaise s’autorise à penser haut et agir large.
Gérard Dorwling-Carter



