À l’occasion du 1 700ᵉ anniversaire du concile de Nicée, le pape Léon XIV a publié une lettre apostolique intitulée In unitate Fidei. Dans ce texte d’une trentaine de pages, le souverain pontife appelle l’Église catholique à « retrouver le souffle commun du Credo », dans un moment où le catholicisme mondial apparaît divisé, fragilisé, et exposé à une perte de cohérence interne.
Léon XIV ne modifie pas le Symbole de Nicée-Constantinople, adopté en 325 puis en 381. Il propose en revanche une relecture pastorale, insistant sur la « responsabilité collective » des Églises locales face à ce qu’il appelle « une fragmentation préoccupante des discours, des pratiques et des identités catholiques ».
Un rappel aux sources dans un climat ecclésial tendu
En convoquant explicitement Nicée, Léon XIV se situe dans la lignée des pontificats qui ont cherché, à des moments de crise, à revenir aux fondations dogmatiques de l’Église. Son texte intervient dans un contexte marqué par plusieurs fractures : tensions autour de la liturgie, crispations au sein de l’épiscopat, contestations publiques de certains groupes conservateurs, et polémiques récurrentes liées à la réforme synodale.
Le pape estime que le Credo, loin d’être un vestige du passé, peut redevenir un « langage commun » dans une Église qui peine à se reconnaître elle-même. « Si nous perdons la capacité de respirer ensemble, nous cesserons d’être une communion », écrit-il.
Une insistance sur la dimension relationnelle du Credo
Le texte surprend par son vocabulaire. Léon XIV parle moins de « vérités » que de « relations ». La foi, affirme-t-il, est d’abord une « insertion dans le mouvement trinitaire », plus qu’une simple adhésion doctrinale. Cette manière de présenter le Credo risque de susciter des débats. Certains y verront une tentative d’apaisement face aux conflits internes ; d’autres, une fragilisation du discours dogmatique.
Au Vatican, proches du dossier rappellent que le pape ne touche pas au contenu du Credo, ni ne modifie le cadre doctrinal. Il cherche plutôt à désamorcer une utilisation « identitaire » de la profession de foi, observe un responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « Depuis plusieurs années, on voit le Credo devenir un marqueur de conformité. Le pape veut en faire un lieu de convergence. »
Un pontificat marqué par le retour aux Pères de l’Église
Ce texte confirme une orientation déjà perceptible depuis le début du pontificat : Léon XIV mobilise fréquemment les Pères grecs, Athanase, Basile ou Grégoire de Nazianze. Sa théologie assume un ancrage dans la spiritualité des premiers siècles, qu’il juge « plus apte à affronter les défis anthropologiques d’aujourd’hui que certaines catégories modernes ».
Pour plusieurs théologiens proches du Vatican, In unitate Fidei pourrait devenir un repère pour les prochaines étapes du synode sur la synodalité, notamment dans la formation des prêtres et le renouvellement du catéchuménat. « Le pape cherche une stabilité, mais pas une fermeture », résume un expert de l’Université Grégorienne.
Un message adressé aux Églises locales et au monde
La publication intervient dans un moment où l’Église, comme de nombreuses institutions, affronte des défis multiples : perte de crédibilité morale, montée des radicalités identitaires, sécularisation accélérée. En rappelant le rôle central du Credo, Léon XIV tente de réinscrire l’Église dans une continuité doctrinale, sans renoncer à une approche pastorale plus souple.
À Rome, on souligne qu’il ne s’agit pas d’un texte doctrinal majeur comme une encyclique, mais d’un document d’orientation. Pourtant, son retentissement pourrait être significatif, notamment dans les conférences épiscopales où les lignes théologiques se sont durcies ces dernières années.
En refermant sa lettre par les mots In unitate Fidei, Léon XIV mise sur un symbole fort : une Église qui, malgré ses tensions internes, peut encore parler d’une seule voix en revenant à la confession de base qui a structuré son histoire depuis 325.
Jean-Paul BLOIS



