Parmi les entreprises adhérentes de la « Fédération Régionale du BTP » (FRBTP) de Martinique, plusieurs de ces structures interviennent très régulièrement pour des travaux d’équipement ou de réparation de notre réseau d’eau potable. Ainsi la FRBTP-Martinique a de nouveau participé à la récente ‘’Semaine pour l’Eau’’ pilotée par l’Office de l’Eau (ODE), en organisant une visite de terrain en partenariat avec la régie communautaire ODYSSI ; une visite qui était destinée notamment à une soixantaine de lycéens et d’étudiants des sections ‘’eau’’ du Lycée Joseph Pernock du Lorrain. Nous y étions.

Des jeunes attentifs aux explications

Concrètement, il s’agissait là de la découverte des forages installés dans la forêt de Cœur Bouliki à Saint-Joseph, puis de la visite de la station de traitement de l’usine de Durand (de l’opérateur ODYSSI), suivie d’un passage par le réservoir et la station de pompage situés sur la route des gués. L’eau demeure une ressource encore globalement abondante en Martinique, considèrent les spécialistes de la question ; l’eau brute non traitée est en effet disponible dans les 161 rivières, 126 sources et 8 domaines hydrogéologiques du pays. Plus précisément, 94% de l’eau potable de Martinique est produite à partir de prises d’eau en rivière (quelle que soit la saison) et près de 100.000 m3 d’eau brute doivent être prélevés dans les milieux naturels afin de satisfaire les besoins en eau potable de la population. L’eau brute doit ensuite être traitée selon un processus combinant moyens mécaniques et chimiques, avant d’être envoyée vers des réservoirs et châteaux d’eau situés en hauteur, via les 3546 kilomètres du réseau d’adduction et de distribution. Des réseaux qui, en outre, nécessitent « aujourd’hui » des investissements importants pour en améliorer l’efficacité. Quant aux enjeux inhérents à ces investissements ils sont très divers, puisqu’à la fois écologiques, sociaux, administratifs, juridiques et bien sûr financiers. Face aux incertitudes du dérèglement climatique en cours – dérèglement dont les effets seront de plus en plus visibles -, acteurs et professionnels concernés veulent en effet accélérer les investissements afin de garantir à la population martiniquaise et à nos visiteurs, un approvisionnement en eau potable en quantité et qualité. « Le réseau de Martinique est ancien ; il a donc besoin d’être renouvelé et il faut aussi en créer », nous confirma un adhérent de la FRBTP présent lors de cette visite, « la création de réseaux d’adduction d’eau potable représente des chantiers qui durent plusieurs mois ; et il faudrait recenser de manière exhaustive les réseaux puis lancer des travaux sur les zones établies comme étant urgentes. » Cet adhérent d’ajouter : « Il faut donc lancer des rénovations et créer des réseaux – et il y a vraiment de quoi faire -, il faut vraiment mettre les moyens sur ce sujet de l’eau. Les entreprises et les maîtrises d’œuvre du secteur ont déjà fait des propositions ; après c’est une volonté politique. »

« Via ces deux forages on pompe 90 m3 par heure… »

Sillonnant la forêt de Bouliki, la Rivière Blanche alimente près de 60% des foyers de Martinique. Evoquant deux forages d’envergure installés dans ladite forêt, Benoit Vittecoq, le directeur du BRGM* de Martinique, en expliqua les caractéristiques et fonctionnement. « Ces deux forages principaux font 80 mètres de profondeur », débuta le spécialiste, « on descend des tubes en inox ou en PVC ; tubes le long desquels des petites fentes de 01 millimètre, tous les centimètres, permettent à l’eau de passer. Ces trous sont nécessaires car cela permet de s’assurer que le trou du forage tient, qu’il n’y a pas de blocs qui tombent et viennent bloquer les pompes. » Et de poursuivre : « Ici nous captons la nappe phréatique entre 30 et 80 mètres de profondeur et nous nous assurons qu’il n’y a pas d’impacts(s) sur la rivière. Selon nos calculs et en testant les différents paramètres, en pompant dans la nappe il y aurait peut-être, au maximum, 01 à 02% d’impacts sur la rivière. » Et Benoit Vittecoq d’apporter des informations encore plus éclairantes, voire possiblement rassurantes. « Via ces deux forages on pompe 90 m3 par heure », indiqua-t-il, « ces forages ont été mis en service en urgence pendant la période du Covid, en 2020, et grâce à ‘’eux’’ (ces forages) on a pu alimenter 15.000 habitants. Durant les gros carêmes et en cas de coupures d’eau, on estime qu’il manque globalement entre 10.000 et 20.000 m3 d’eau par jour. Cela représente 15 à 20 forages, donc à l’échelle de la Martinique c’est complètement réaliste. On a les connaissances, on a les compétences techniques, avec des entreprises qui savent faire, donc c’est atteignable à une échéance réaliste. » A suivre ?

« Nous installons cette pompe à peu près à 20 mètres de profondeur pour avoir le maximum de débit » 

Benoit Vittecoq
Benoit Vittecoq

Qui dit pompe à faire « tourner » dit apport indispensable en électricité ; ce qui implique parfois de conséquents et longs travaux, en fonction des diverses réalités des lieux (topographie, géologie, réseau routier ou pas). Et une fois tous les éléments (de débit, profondeur, etc.) recueillis, le « fermier » (en l’occurrence l’opérateur ODYSSI) installe notamment certains équipements, telle une « pompe à colonne », dans le forage (« nous l’installons à peu près à 20 mètres de profondeur pour avoir le maximum de débit que peut fournir la nappe phréatique », expliqua l’un des spécialistes). Dans les grandes lignes, il s’agit là de « récupérer » l’eau prise en profondeur puis de la faire remonter en surface. L’eau est ensuite pompée durant de nombreuses heures, puis des prélèvements sont faits sur place par l’« Agence Régionale de Santé » (ARS) qui les analysera, en périodes sèche et pluvieuse (« afin d’être sûr que la qualité se maintient »). A ce moment-là – et si tout est correct – un dossier d’autorisation est alors déposé en Préfecture, afin d’exploiter le forage. Pour conclure sur une note prospective, les « métiers de l’eau » aurait un avenir en forme de futures opportunités, notamment sous nos cieux : selon une estimation en effet, 13.000 postes seraient (encore) à pourvoir au niveau « national », entre 2023 et 2025.

Mike Irasque

*BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières.  

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