Etoile montante du windsurf, le jeune martiniquais Kylian Manhaval, 15 ans, se donne à fond pour « décrocher la lune ». Passionné pétri de talent, au palmarès déjà remarquable, l’adolescent est porté par de grandes ambitions et le soutien indéfectible de sa famille. Entretien-portrait.  

Compétition…

Antilla : Ton père et l’un de tes frères pratiquent aussi les sports de glisse, tes parents sont très engagés dans le soutien et l’aide qu’ils t’apportent dans ta pratique de rider (coureur, ndr) : la « glisse » est donc une histoire familiale chez les Manhaval ?

Kylian Manhaval : (sourire) En Martinique les jeunes de mon âge sont plus attirés par les sports de balles – football, tennis, basket, etc. – ou par le cyclisme. Ces sports sont plus médiatisés et avec les réseaux sociaux c’est très facile de suivre des coupes et tournois en ligne ou à la télévision, et donc de voir ses idoles évoluer. Oui, mes parents nous ont mis dès notre plus jeune âge en contact avec l’océan. Vivant sur une île, c’était évident pour eux que nous pratiquions tous les trois un sport nautique. J’ai découvert le windsurf à l’âge de 7 ans et je me suis passionné immédiatement pour ce sport, qui est technique et exigeant ; j’ai été conquis par cette impression de vitesse et de liberté. Mes débuts ont été encourageants et m’ont permis d’être de plus en plus exigeant avec moi-même ; cette envie de donner le meilleur de moi-même m’a permis de progresser rapidement. Oui mon père est aussi passionné de windsurf, il est toujours présent pour me soutenir et m’accompagner lors de mes différentes navigations en ‘’free session’’ sur les différents spots de Martinique. Lui il préfère s’éclater par vents forts et vagues houleuses à l’Anse Trabeau, mais il se débrouille aussi très bien en vitesse. Ces sessions de glisse ensemble sont très agréables ; c’est important pour moi de partager cette passion avec lui. Mon petit frère, Swann, qui a 12 ans, se débrouille déjà très bien et possède déjà la ‘’glisse attitude’’. Donc windsurfer est devenue une activité familiale (sourire).

Ce que tu aimes tant dans les sports de glisse, particulièrement dans la discipline « IQfoil », ce sont donc les sensations que cela te procure ?

En plus de mon tempérament de compétiteur, ce qui me différencie des autres coureurs c’est la diversité de mon entraînement et de ma pratique. Je pratique le slalom (vitesse), le ‘’waveriding’’ (saut et surf dans les vagues, ndr) et du ‘’windfoil’’ (planche à voile sur foil*, ndr) avec comme objectif de devenir un rider complet. Lorsque je file avec ma planche sur les vagues pour effectuer un ‘’roller’’ ou un ‘’frontloop’’ (manoeuvres et figures techniques, ndr) j’ai une grande montée d’adrénaline, mais qu’il faut réussir à canaliser pour réussir ces actions. Et quand je pars en ‘’planning’’, en slalom ou en windfoil, j’ai un sentiment de légèreté et de puissance ; je me sens déconnecté de tout, c’est un sentiment assez difficile à expliquer mais c’est une sensation de bien-être extrême : en quelque sorte je ne fais qu’un avec la mer et c’est une impression de liberté incroyable !

A t’écouter ces figures semblent presque faciles à réaliser ?

Non, ce sport n’est pas facile et demande de la rigueur. Il faut être persévérant pour réussir une manœuvre, mais la sensation d’accomplissement, quand finalement on y arrive, est très forte et fortifie le mental. Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes, disait que ‘’le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre.’’ Cette citation résume bien ma philosophie de vie parce que le windsurf me permet de m’évader et me surpasser. Pour moi l’IQfoil combine tout : un support olympique rapide et performant avec des sensations fortes garanties, des formats de courses intenses et un matériel identique pour tous : donc pas d’excuse de matériel, c’est le coureur qui fait la différence.  

En août 2022 j’ai remporté le titre de vice-champion du monde, et en novembre 2022 celui de champion d’Europe » 

Tu as obtenu d’excellents résultats en compétition(s) durant la saison 2022 : peux-tu en dire plus ? D’ailleurs quel est ton palmarès à ce jour ?  

En avril 2021 j’ai décidé de m’inscrire dans une nouvelle pratique : le windfoil. La filière olympique a évolué et le nouveau support est devenu l’IQ foil, et pour ma génération un circuit national et international a été mis en place – l’IQfoil Junior -, ce qui est l’opportunité de se confronter aux meilleurs et de représenter la Martinique. En août 2022 j’ai remporté le titre de vice-champion du monde, et en novembre 2022 celui de champion d’Europe IQfoil dans ma catégorie. D’ailleurs je partage ces résultats avec tous les jeunes de la Martinique, pour leur dire qu’il faut croire en soi pour avancer dans la vie.

Quelle(s) compétition(s) prépares-tu actuellement, et as-tu des « rêves » ou des objectifs ultimes en tant que compétiteur ?

Très prochainement, fin mars-début avril, je vais participer à deux championnats préparatoires. Le premier est un ‘’IQ game’’ en Italie, c’est une étape du circuit ‘’IQfoil youth and junior’’, donc une excellente préparation pour les championnats d’Europe en juillet. Et après j’enchaîne avec un championnat national, du 21 au 25 avril à Lorient, en Bretagne. Là c’est une épreuve de référence au niveau fédéral, durant laquelle je vais me confronter aux meilleurs français. Mais ça c’est l’échauffement (sourire) car les 2 principaux objectifs sont le championnat d’Europe IQfoil en Italie, du 1er au 08 juillet, puis les championnats du Monde IQfoil, du 23 au 29 octobre à Cadix en Espagne.

J’aimerais vraiment que le windsurf soit davantage connu et pratiqué en Martinique » 

Quelles sont tes principales qualités de rider ?

Je suis sportif de haut niveau depuis deux ans, je suis en classe de seconde et j’ai l’humble prétention de donner aux jeunes de mon âge une image très positive. Et par ma ténacité et mon envie de donner le meilleur de moi-même, j’espère rebondir suite à mes erreurs et échecs, et inspirer d’autres jeunes à se lancer dans cette pratique sportive parce que j’aimerais vraiment que le windsurf soit davantage connu et pratiqué en Martinique. Nous avons la chance d’avoir des conditions météorologiques favorables toute l’année dans plusieurs spots de l’île, et la Martinique pourrait devenir une terre de champions. Vous savez, je suis très persévérant : lorsque je me donne un objectif je mets tout en œuvre pour l’atteindre, car selon moi rien n’est impossible à celui qui se donne les moyens de croire en ses rêves et de les vivre.

Arrives-tu, plus ou moins aisément, à concilier les exigences du lycée et celles de ton entraînement ? C’est beaucoup d’organisation je suppose ?

Ce n’est pas évident de concilier les deux parce qu’il n’y a pas de structure scolaire adaptée pour les sportifs de haut niveau en windfoil. Il faut donc essayer de s’organiser au mieux pour allier les deux. Mes parents m’encouragent beaucoup, mais n’hésitent pas à me rappeler à l’ordre quand c’est nécessaire (sourire).

Je suis conscient que même si mes parents ne se plaignent pas, ce n’est pas toujours facile de trouver les fonds nécessaires… » 

Le sport que tu pratiques est très coûteux, notamment en termes de matériel et de frais de déplacement hors de la Martinique : es-tu aidé financièrement, notamment par la CTM, par la Ligue de voile (etc.) ? Concrètement comment faites-vous, tes parents et toi ?

Mes parents m’entourent et me soutiennent financièrement depuis mes débuts. Et je suis conscient que même s’ils ne se plaignent pas, ce n’est pas toujours facile de trouver les fonds nécessaires pour l’acquisition du matériel ou pour financer mes différents déplacements, qui ont énormément augmenté depuis quelques mois. Je suis aussi conscient que la situation économique est compliquée parce que j’ai dû, par manque de moyens financiers, renoncer à certains événements formateurs, comme une invitation à Miami et à Hawaï pour effectuer un stage avec l’équipe olympique de windfoil des Etats-Unis. D’ailleurs j’en profite pour lancer une nouvelle fois un appel à toutes les bonnes volontés résidant en Martinique ou ailleurs, qui seraient sensibles à mon désir profond de représenter honorablement et au plus haut niveau la Martinique à travers mon activité sportive, et qui accepteraient de nous aider. Je remercie Rémi Vila, qui me suit depuis mon passage en IQfoil : il est un réel soutien, pour son partenariat avec Starboard (célèbre entreprise de planche à voile, ndr) et d’un point de vue technique avec des échanges et conseils réguliers. Et je tiens à remercier mes partenaires – Chanflor, Starboard, la CTM, la Mairie de Fort de France, la Marina du Marin, Décathlon Martinique, le Crédit Agricole, le MEDEF Martinique, Wns Racing, la Ligue de voile de Martinique et le CMT (Comité Martiniquais du Tourisme) – pour leur soutien constant et leur accompagnement. Grâce à votre aide j’ai pu atteindre mes objectifs, et je peux continuer à rêver grand !

Que te souhaiter pour l’avenir dans ta pratique de rider ? De gagner le plus de titres possible ?

Je me projette sur le circuit ‘’IQ  jeune’’ pour les saisons à venir : U17 (catégorie moins de 17 ans) puis U19. En 2023 je veux être dans le ‘’Top 3’’ sur le championnat d’Europe et du monde, acquérir de l’expérience pour m’améliorer et performer davantage tout en prenant du plaisir, car selon moi plaisir et performance vont de pair. La concurrence sera rude et le niveau très élevé, mais mwen pé ké ladjé (je ne lâcherai pas, ndr) ; quand les challenges sont élevés, ils me poussent à donner le meilleur pour les relever. Quant aux J.O, c’est plus qu’un rêve : ‘’Il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec on atterrit au milieu des étoiles’’, alors rendez-vous en 2028 !

Propos recueillis par Mike Irasque

*Foil : pièce de matériau avec des « ailes », qui est suspendue à l’arrière de la planche à voile. Facebook : Kylian Manhaval  Instagram : kylian.manhaval

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