Cour de justice des Caraïbes –
Le jeudi 27 juin 2024, la Cour de justice des Caraïbes (“CCJ”) a rejeté l’appel de Ramon Gaskin contre le ministre des Ressources naturelles du Guyana, déclarant que l’octroi de la licence de production de pétrole (“licence”) était légal et qu’il n’y avait pas de risque accru d’atteinte à l’environnement..
La licence avait été accordée à une coentreprise formée par Exxon Mobil Guyana Limited (“Exxon”), CNOOC Petroleum Guyana Limited (“CNOOC”) et Hess Guyana Exploration Limited (“Hess”) pour exploiter le pétrole du bloc Stabroek, au large de la Guyane. Le 27 juin 2016, le ministre a conclu un accord pétrolier avec la coentreprise, désignant Exxon comme opérateur. Exxon a obtenu un permis environnemental de l’Agence de protection de l’environnement (“EPA”) en vertu de la loi sur la protection de l’environnement du Guyana, mais CNOOC et Hess n’ont pas été inclus dans le permis.
Gaskin a contesté la délivrance de la licence devant la Haute Cour, arguant que le ministre ne devait pas accorder la licence à Hess et à CNOOC sans qu’ils disposent de permis environnementaux distincts. La Haute Cour a rejeté la demande, mais a mis 366 jours pour rendre son jugement. En appel, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Haute Cour, déclarant que le permis environnemental était lié au projet Liza 1, et non au détenteur du permis, et que la licence était donc valide. La Cour d’appel a également estimé que la décision du juge de première instance n’était pas entachée d’un retard injustifié.
L’appelant a fait appel devant la CJC, soulevant les deux questions clés suivantes : le ministre avait-il agi de manière illégale et la Haute Cour et la Cour d’appel avaient-elles enfreint la loi en prenant trop de temps pour rendre leur jugement ?
Le juge Winston Anderson, qui a rendu l’arrêt de la CJC, a souligné l’importance constitutionnelle de la protection de l’environnement en Guyane. Il a noté que l’autorisation environnementale en vertu de la loi sur la protection de l’environnement (Environmental Protection Act) est une condition préalable à l’octroi d’une licence. Le juge Anderson a conclu que le permis environnemental accordé à Exxon en tant qu’opérateur unique satisfaisait aux exigences légales et étendait les obligations environnementales à Hess et CNOOC par le biais d’une responsabilité conjointe et solidaire. Le juge Anderson a estimé que la délivrance du permis était conforme aux exigences en matière de permis environnemental et aux pratiques industrielles internationales. En outre, il a estimé que le partage de la responsabilité environnementale entre les trois entreprises, l’inclusion des deux coentrepreneurs (Hess et CNOOC) dans le permis et l’absence d’augmentation du risque pour l’environnement étaient des éléments satisfaisants.
Le juge Anderson a estimé qu’il n’y avait pas lieu de condamner M. Gaskin à des frais, car il avait agi en tant que citoyen soucieux de protéger l’environnement.
Le président de la CCJ, l’honorable juge Adrian Saunders, a abondé dans le même sens, estimant que seule Exxon, en tant que promoteur, avait besoin du permis environnemental, car c’est elle qui avait entrepris les activités ayant un impact sur l’environnement. Les responsabilités conjointes et solidaires des partenaires, ainsi que les autorisations incontestées, ont validé la légalité de la licence. Le président Saunders a également mis l’accent sur la transparence et la responsabilité en matière de gouvernance environnementale et a noté que les retards dans l’exécution des jugements, même s’ils ne sont pas idéaux, doivent être compris dans leur contexte. Le président a estimé que les délais fixés dans la loi de 2009 sur les délais des décisions judiciaires doivent être interprétés comme étant de nature discrétionnaire. Il a estimé que des ordonnances de frais devraient être rendues à l’encontre d’un citoyen qui, de bonne foi, engage une procédure dans un effort sincère pour se conformer à son devoir constitutionnel d’améliorer l’environnement et de protéger la santé de la nation.
L’honorable juge Maureen Rajnauth-Lee s’est également ralliée à cette position. En appliquant l’approche de la Cour en matière d’interprétation des lois, la juge Rajnauth-Lee a souligné que les objectifs de la loi sur la protection de l’environnement ont été atteints avec l’octroi de la licence à la coentreprise. Elle a souligné le rôle de la participation du public dans le processus décisionnel en matière d’environnement et l’importance de trouver un équilibre entre le développement durable et la protection de l’environnement.
Compte tenu des opinions exprimées, la CJC a confirmé la décision de la Cour d’appel et a rejeté l’appel. La Cour a ordonné que chaque partie supporte ses propres frais.
M. Sanjeev Datadin et Mme Frances Carryl ont représenté l’Amicus Curiae.
L’intégralité de l’arrêt de la CCJ est disponible sur son site Internet à l’adresse suivante : www.ccj.