La préfecture organise une exposition sur la Dissidence antillaise. Les Dissidents, ces valeureux aînés, auront eu la chance que leur bravoure soit enfin reconnue, avant qu’ils ne partent comme certains de leurs contemporains déjà, par les plus hautes autorités de l’Etat…
Voici le discours prononcé par le Préfet de la région Martinique à l’occasion de la célébration de la Fête nationale du 14 juillet, lors de l’inauguration de l’exposition sur la Dissidence antillaise à la préfecture.
Discours de Monsieur Laurent PREVOST, Préfet de la Région Martinique, 14 juillet 2011
Inauguration de l’exposition sur la Dissidence antillaise
Monsieur Laurent PREVOST, Préfet de la Région Martinique
14 juillet 2011 – Seul le prononcé fait foi
Messieurs les Dissidents,
Messieurs les Vétérans de Sainte Lucie,
Monsieur le Maire
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs
En ce jour de Fête Nationale, je suis heureux de vous accueillir à la Préfecture après le traditionnel défilé du 14 juillet pour inaugurer
l’exposition sur la Dissidence en Martinique et en Guadeloupe. L’exposition que vous allez découvrir a été conçue par l’office
national des anciens combattants à la demande du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense qui ont souhaité la mise à l’honneur de ce refus
patriotique exemplaire de la défaite et de la soumission par les jeunes gens des Antilles, dès juillet 1940.
Cet épisode héroïque de notre histoire nationale, parfois méconnu, est d’ores et déjà présenté dans l’ensemble des préfectures et de mairies de
France qui en font la demande. Elle sera visible dès lundi dans le bâtiment qui accueille le public, là où vous faites vos cartes grises.
Je vous invite également à visionner en salle Schoelcher le témoignage ardent de ces Dissidents, admirablement consigné dans le
documentaire « Parcours de Dissidents » de Mme Euzhan PALCY.
La Dissidence, c’est avant tout de jeunes hommes et de jeunes femmes qui ont refusé l’abaissement de la France, qui ont refusé le régime
de Vichy aux côtés de ceux qui autour du comité martiniquais de la libération conduit par des hommes comme Emmanuel Rimbaud ou Victor
Severe, aux côtés aussi de ceux qui autour de la revue Tropiques, animée par Aimé Césaire, refuseront jusqu’au bout la censure et le bridage des
idées, aux côtés aussi de ceux comme le conseiller général Des Etages interné pour avoir organisé et facilité les départs en dissidence.
Entre juin 1940 et 1943, des milliers de jeunes Antillais partiront rejoindre les troupes combattantes engagées en métropole. Parmi eux, vous
anciens dissidents qui êtes là Paul BEDOT, Alexandre LEPASTEUR, Albert MONTLOUIS et Remy OLINY. Ils furent près de 4000 de toutes
conditions et de toutes convictions. On retrouvait un Fanon comme un de Lucy et jusqu’au fils du gouverneur Nicolle.
Malgré l’océan qui les séparait de la métropole, malgré la lente diffusion des informations par voie maritime, malgré les rondes, les
patrouilles maritimes, les menaces et les condamnations à mort par contumace, les Dissidents décidèrent de se rallier à la voix du général de
Gaulle et de quitter leur pays, transformé en prison par l’amiral Robert et de rejoindre les forces françaises libres.
L’amiral Robert les appelle les ” dissidents “. Ce nom qui se voulait d’infamie deviendra un titre de gloire. Par groupe de 5 ou de 6, ils
embarquent sur des yoles ou des gommiers et traversent les canaux de La Dominique ou de Sainte-Lucie, la nuit, pour déjouer les patrouilles. Par
cette traversée éprouvante et incertaine, ils veulent échapper au déshonneur de l’occupation et poursuivre le combat pour libérer la France.
Une fois arrivés dans les îles anglaises, ils sont accueillis et aidés par l’ensemble de la population. Cet accueil, ils ne l’oublieront jamais.
Permettez-moi de profiter de la présence de nos amis vétérans de Sainte- Lucie pour exprimer toute notre reconnaissance pour l’aide apportée aux
dissidents de la Martinique.
And again, thank you very much dear saint lucian fellows for being there today. You share with us this part of our history and we are very happy to welcome you in Martinique.
Les dissidents ne s’enfuient pas, ils s’engagent : dès leur arrivée sur les îles amies, ils veulent rejoindre les forces française libres et partent pour les
États-Unis. Les premiers arrivés ont la chance d’être acheminés sur Londres où ils sont affectés dans des unités en formation. Mais comme la cadence des
passages augmente il faut songer à regrouper les dissidents au États-Unis pour les instruire. À cet effet, le général de Gaulle crée le Bataillon des
Antilles en octobre 1942.
Quelque 500 volontaires encadrés par quelques gradés également évadés des Antilles embarquent sur un liberty-ship en novembre 1942 pour
La Nouvelle-Orléans (USA). Début 1943, le Bataillon des Antilles est transféré au camp de Fort-Dix , plus grand que leur île natale, où ces
jeunes volontaires découvrent les rigueurs de l’hiver du New Jersey et la neige. C’est dans ce camp que l’instruction prend un essor nouveau, les
Américains mettant à la disposition du bataillon l’armement et les champs de tir nécessaires. Mais l’arrivée des volontaires est constante et en juillet
1943 l’effectif atteint le chiffre d’environ 1.700 : le Bataillon de marche des Antilles n°1 est créé.
C’est le 13 septembre 1943 que le premier Bataillon de marche des Antilles quitte le camp de Fort-Dix pour embarquer à New-Port-New à
destination de Casablanca pour poursuivre son instruction sur le camp d’EI-Hajeb. Le 16 décembre, le bataillon intègre la première division
française libre et se transforme en 21ème groupe antillais de DCA À compter de cette date, le Groupe Antillais participe à toutes les
campagnes de la D.F.L. au cours desquelles les jeunes volontaires Antillais se font remarquer pour leurs qualités militaires, comme fait foi cette
brillante citation méritée par le groupe et dont voici le texte: « Après avoir participé à la campagne d’Italie, a été utilisé à maintes
reprises, pendant la campagne de France comme unité antichars ou d’infanterie. Premier groupe de FTA débarqué à Cavalaire, a pris une part active dans la réduction des forts de Toulon faisant de nombreux prisonniers. »
N’oublions pas le Bataillon de marche Antillais n°5, créé un peu plus tard, qui lui s’illustrera lors de la réduction de la poche de Royan.
N’oublions pas la Martinique qui, voit le 24 juin 1943, débuter à Fort de France, une insurrection et rétablit la République. Cette révolte fait
basculer les Antilles dans le camp de la France Libre. Le délégué du CFLN, Henri Hoppenot, arrive en Martinique le 14 juillet il y a donc 68
ans exactement. Mesdames, Messieurs, par leur participation aux combats de libération de la France, leur patrie, notre patrie, les dissidents Antillais sont
entrés dans l’histoire glorieuse de la résistance à l’oppression nazie. Ils ont vécu et nous font vivre un destin commun. La Nation toute entière honore
leurs choix et leurs sacrifices. Ils étaient des combattants de la paix, des combattants animés par cet idéal de liberté qui est indissociable de l’amour
de la patrie.
Le Président de la République a rappelé en juin 2009, lors d’une cérémonie devant le monument aux morts de de Fort-de-France qu’en
rendant hommage aux derniers représentants d’une génération de femmes et d’hommes exceptionnels :
«Nous honorons une page injustement oubliée de notre histoire nationale, nous honorons une aventure extraordinaire qui était tombée dans l’oubli. Aujourd’hui, nous réparons une injustice »
Mesdames, Messieurs, en ce 14 juillet, nous pouvons saluer la mémoire de ces jeunes Antillais, qui surent, au péril de leur vie, incarner,
sans concession, les valeurs de la République. Plus de 60 ans après la fin du conflit mondial, nous n’oublions pas le courage jusqu’au sacrifice des
Français et des Françaises qui, au sein de la Résistance, ou dans les forces française libres, en Métropole ou Outre-mer, ont refusé la joug de l’ennemi
et défendu notre liberté.
Bonne visite, Prenons le temps de découvrir ces parcours d’hommes qui
ont fait le sacrifice d’eux même pour que vive la République et que vive la
France!