Organisée par ANTILLA – plus précisément par son responsable du développement, Philippe Pied – une conférence-débat s’est déroulée le 21 juillet dernier à l’Institut Martiniquais du Sport au Lamentin, sur ce sujet d’une importance cruciale qu’est la gestion des déchets du BTP sous nos cieux. Un moment de savoirs et d’échanges dont la pertinence fut saluée par tous les intervenants. Parfaitement animée par le Professeur Pascal Saffache de l’Université des Antilles (UA), les présentations et communications ayant ponctué cette conférence-débat firent la part belle à une filière créée par le législateur : la ‘’REP PMCB’’, c’est-à-dire la « Responsabilité Elargie des Producteurs » pour les « Produits et Matériaux de Construction du secteur du Bâtiment ». Explications.

Le Professeur et Maître de Conférences M. Pascal Saffache, qui avec brio, et comme d’habitude a su captiver le public.

 

David Zobda lors de son intervention

Ouvrant la séquence des interventions, David Zobda, le maire de la commune-hôtesse de cette conférence-débat (et par ailleurs conseiller exécutif de la CTM), ne fit pas dans la ‘’langue de bois’’. « Nous sommes en retard dans la gestion des déchets du BTP », affirma-t-il en effet, « notre responsabilité morale et politique est engagée, et sur le BTP il nous faut aller plus loin. Par exemple, développer des filières dans le ‘’Plan Territorial de Gestion des Déchets’’ de la CTM, pour assurer le recyclage des matériaux. » Puis d’ajouter : « Nous travaillons aussi sur la construction d’une stratégie martiniquaise d’économie circulaire, qui doit nous conduire de manière transversale à pouvoir assurer des filières de recyclage ou de réutilisation des produits utilisés. » Un premier intervenant qui évoqua des sujets et questionnements centraux en ces domaines. « Il faut assurer l’équilibre économique des structures de traitement des déchets du BTP », poursuivit ainsi David Zobda. Avant de partager les interrogations suivantes : « Le marché martiniquais est-il suffisant pour la mise en place d’une filière de recyclage du plâtre, du béton ou des matériaux fibreux ? Doit-on continuer de construire avec les mêmes matériaux ? ». Et l’édile de souligner la difficulté – notamment financière – pour certaines entreprises de mettre en place tous les moyens de recyclage des déchets produits par elles. D’où la nécessité que la puissance publique martiniquaise (CTM, communautés d’agglomération, mairies) mette en place ces filières de recyclage le plus rapidement possible. Un conseiller exécutif qui fit également mention de la « responsabilité citoyenne », de la prise de conscience de tous et toutes quant à ces logiques et nécessités de développement durable et protection de l’environnement via la valorisation des déchets. « Comment faire en sorte que la ‘’richesse’’ des déchets soit matérialisée, effective, et qu’elle produise quelque chose ? », lança David Zobda, « nous ne sommes qu’au début de ce que nous voulons faire. » Les bases de la manifestation étaient en quelque sorte posées. 

« Une filière qui en Martinique représente 200 à 260.000 tonnes de déchets à traiter par an »

Stéphane Abramovivi, président de Entreprises et Environnement

Dans son intervention Stéphane Abramovici, le président de l’association Entreprises et Environnement, indiqua notamment qu’il y avait huit éco-organismes sous nos cieux. Et que ladite association en était à la fois le « représentant et facilitateur ». Evoquant alors la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire), le responsable indiqua que ces dispositions avait créé cette filière ‘’REP PMCB’’ et que cette année l’Etat attribuerait un agrément à un ou plusieurs éco-organismes (dont quatre se sont positionnés en Martinique, précisa-t-il). Et par la suite, les éco-organismes agréés donneront leurs grilles, en termes d’écotaxes, à appliquer sur les matières premières mises sur le marché ; ceci pour une application au 1er janvier 2023. Parmi les obligations de ces éco-organismes, la mise en place de la collecte – déchetterie(s), obligation de tris sur chantiers pour les entreprises etc. – la mise en place des filières de traitement des différents déchets, et la recherche d’opérateurs capables de traiter localement les déchets ou d’assurer de la « massification » pour un traitement dans la Caraïbe ou en Europe. Une filière qui en Martinique représente 200 à 260.000 tonnes de déchets du BTP à traiter par an, poursuivit Stéphane Abramovici, dont 100 à 150.000 tonnes relevant de cette filière PMCB. Pour l’intervenant enfin, l’éco-organisme agréé devra pouvoir s’appuyer sur des infrastructures existantes en Martinique (centre d’enfouissement, incinérateur, déchetterie) et bien sûr opérationnelles. Sinon il sera « très compliqué » de faire fonctionner l’ensemble de la filière. « Par conséquent nous – opérateurs, éco-organismes, élu.e.s – avons une responsabilité collective », souligna Stéphane Abramovici. 

« Le producteur de déchet(s) est responsable du traitement de son déchet »

Damien Huot-Marchand de la DEAL

Représentant la DEAL*-Martinique, Damien Huot-Marchand  indiqua notamment, à titre indicatif, que 66.000 tonnes de ‘’déchets inertes’’ (gravats, béton, etc.) avaient été collectés sous nos cieux ; ce type de déchets représentant « le plus gros tonnage des déchets du BTP », ajouta-t-il. « Le ‘’Plan Déchets’’ estime entre 200 et 300.000 tonnes le gisement de déchets inertes en Martinique », poursuivit l’intervenant, « mais on n’a eu que ces 66.000 tonnes collectées en 2019. Ce qui veut dire qu’il y en a certainement une grosse partie qui finit dans la nature, sans aucun doute. » Une réalité certes difficile – aux conséquences écologiques désastreuses – mais qu’il ne faut pas se cacher. « Le producteur de déchet(s) est responsable du traitement de son déchet », ne manqua pas de rappeler le représentant de la DEAL continuant sa présentation, « il y a le réemploi, la réutilisation, le recyclage, la valorisation énergétique ou organique, et le dernier mode de traitement d’un déchet est l’élimination, c’est-à-dire son enfouissement. » Evoquant alors cette loi AGEC, Damien Huot-Marchand ajouta que ce texte créait, pour les entreprises réalisant des travaux, l’obligation de chiffrer la partie consacrée aux déchets dans leurs devis, et d’indiquer la traçabilité de ces déchets. « Si une personne morale ne répond pas à l’obligation de trier ses déchets, elle n’a pas le droit de les envoyer à l’enfouissement ou l’incinération », souligna l’intervenant. Avant d’ajouter que l’obligation de tri sur les chantiers de BTP doit désormais passer par sept flux : bois, plastique, papier, métal, verre, fractions minérales (béton, briques, tuiles etc.) et plâtre. « Le premier travail du ou des éco-organismes qui seront agréés par l’Etat sera le maillage territorial de la Martinique, et notamment d’y mettre en place les points de collecte », indiqua Damien Huot-Marchand. Ainsi, des ‘’cahier des charges’’ fixeront les orientations et objectifs généraux de ces éco-organismes. Un exemple ? La moitié des installations et points de collecte de Martinique devra être opérationnelle à partir de 2024, indiqua l’intervenant ; l’autre moitié à l’horizon 2026. 

« Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas… »

Jean-François Mauro, Directeur de l’ADEME Martinique

Pour Jean-François Mauro, le président de l’ADEME*-Martinique, l’évaluation des tonnages des déchets du BTP en Martinique est sensiblement sous-estimée. Une « sous-estimation » qui, à l’écouter, entraîne des conséquences sur le dimensionnement des installations de collecte et valorisation de ces déchets. Puis le dirigeant, dans le droit fil de son propos, de faire valoir la nécessité d’un travail collectif – avec les producteurs (des déchets), avec la CERC (Cellule Economique Régionale de la Construction), la DEAL etc. – « pour affiner ce diagnostic global afin de bâtir nos futures organisations sur un gisement qui soit le plus robuste possible. » Un intervenant qui, en outre, évoqua la possible nécessité de créer des « modèles hybrides de plateformes », destinées à la fois aux particuliers et aux professionnels (« des plateformes portées par la puissance publique ou par des initiatives privées », ajouta-t-il). Et comme ‘’le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas’’, poursuivit Jean-François Mauro, il y a peut-être, en amont, cette autre nécessité qui est penser à de nouveaux matériaux de construction, des matériaux différents, « offrant à terme des garanties de valorisation locale, donc faire monter en compétences toute la chaîne d’ingénierie mobilisée sur ces questions de conception. » A suivre ?

Jean-Michel Maurin, Directeur de la DEAL Martinique

« Après avoir porté les politiques publiques et essayé de les adapter au contexte local, et après avoir partagé, il faudra appliquer la loi », rappela dans une brève intervention Jean-Michel Maurin, le directeur de la DEAL-Martinique. Puis d’ajouter : « Donc on sera capables aussi de prendre la casquette du ‘’méchant’’ de temps en temps, mais c’est vraiment pour le bien de tous les acteurs vertueux de la filière. Et pour le bien ensuite de tous les citoyens. Cette prise de conscience sociétale, qui se traduit par cet arsenal législatif et réglementaire, doit se traduire dans les faits. » L’obéissance à la loi fut ainsi rappelée. 

« Gérer des déchets coûte très cher » 

Tony Boclé, Président du Cobaty et chef d’entreprise

Concluant les interventions ‘’officielles’’ Tony Boclé, le président du COBATY-Martinique (et par ailleurs entrepreneur), rappela que « gérer des déchets coûte très cher » et que prévoir cette gestion « dès le départ », c’est-à-dire au moment de l’offre faite par une entreprise, peut, hélas, rendre cette structure moins compétitive qu’une entreprise concurrente. Et moins consciencieuse en ce domaine… . « C’est donc une équation compliquée », glissa Tony Boclé. Puis de poursuivre, parlant d’expérience(s) : « On n’est pas toujours en mesure de séparer certains éléments – carrelage, peinture etc. – notamment dans le cas du plâtre ; ou alors on peut le faire mais ça coûte très cher. Donc la question du tri se pose. Mais on est en train de former nos personnels pour que le tri soit fait dès le départ. » Autre point soulevé par l’entrepreneur et dirigeant : une « méconnaissance de la réglementation ». Tony Boclé d’indiquer en effet, et en substance, qu’il arrive régulièrement que des clients ne sachent pas qu’il y a tel ou tel déchet chez eux (pour une déconstruction par exemple, ndr) et que leur responsabilité est engagée si la traçabilité d’un déchet, jeté là où il ne fallait pas, est établie. Et que cette traçabilité ramène à eux. Autre problème – et non des moindres sous nos cieux – à être évoqué par l’intervenant : le manque d’exutoires. Une carence rendant, par conséquent, certaines réglementations difficilement applicables. « Je pense qu’en Martinique on ne sera pas en mesure de traiter plus de 3 ou 4 types de déchets du BTP », affirma Tony Boclé concluant son propos, « et se pose le problème du transport des déchets, transport qui d’ailleurs augmente les coûts. » L’entrepreneur de partager alors, et de nouveau en substance, cette interrogation : pourquoi pas une ‘’spécialité’’, par île de la Caraïbe, pour le traitement de nos déchets péyi ? Un traitement de nos déchets via et par la ‘’Grande Région’’ en somme. Est-ce là une utopie ? 

Vous l’aurez donc constaté, cette conférence offrit des contenus forts intéressants et tout à fait instructifs, notamment en termes de prise(s) de conscience. Un intérêt qui fut renouvelé durant les échanges qui suivirent. Nous y reviendrons prochainement. 

Mike Irasque 

*DEAL : Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement. *ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie.


LA MANIFESTATION EN PHOTOS


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