Cette tribune évoque le sort actuel d’une partie importante de la jeunesse martiniquaise. Pour YLM, celle-ci, surtout celle munie de diplômes et de compétences diverses, cherche son salut, HORS de la Martinique.

Ce fait, avéré, doit nous interroger sur ce que nous avons fait ou ce que nous faisons de ce pays.

Même si pour YLM, la responsabilité des décideurs, qui sont à gauche depuis 1981, c’est-à-dire depuis une génération, est largement engagée. Un point de vue qui choquera peut-être, mais qui doit susciter débat, du-iscussion et propositions sérieuses…

 

LA tribune de YLM

Un cadre supérieur de la fonction publique territoriale me rapportait la surprise et la peine d’un responsable politique de premier plan qui recevait à Paris des étudiants martiniquais arrivant en fin de parcours. Pas un seul d’entre eux ne souhaitait, dit-il, revenir travailler à la Martinique. Cependant, l’anecdote ne fait que confirmer une réalité visible dans nos familles et notre entourage et qu’exprime un ancien proviseur de lycée. Selon lui, depuis une vingtaine d’années on n’entend plus parler de la plupart des meilleurs élèves de son établissement, partis faire des études en métropole.

 Ce phénomène conduit à réfléchir sur le résultat d’une politique que ses promoteurs ont eu les moyens de mettre en œuvre depuis trente ans, après l’avoir ardemment souhaité quand ils avaient été dans l’opposition. Ce résultat se résume en un mot : échec. Sujet aux critiques les plus acerbes de la part des Martiniquais estampillés anticolonialistes et partisans d’un développement de la Martinique par les Martiniquais, il fut mis fin au Bumidom. Les imperfections enregistrées dans la mise en œuvre de cette opération s’étaient avérées insupportables. Cependant les témoignages tues pendant longtemps et révélées aujourd’hui les relativisent et parfois les infirment. D’autre part, le départ de ces jeunes était regardé comme le refus du colonisateur de voir se développer les départements d’outre-mer en les dépouillant de leurs forces vives. C’était la preuve éclatante, disait-on, de la naissance d’un nouveau colonialisme. Mais bien plus grave, l’opération Bumidom était considérée, selon les mots utilisés à l’époque, comme une manière de déportation, voire de rétablissement de la traite esclavagiste.

 On en arrive à la situation décrite plus haut. Il ne s’agirait plus de déportation mais presque d’auto-déportation, pourrait-on dire, s’il est vrai que le choix de quitter la Martinique relève de la liberté des intéressés. Les départs ne concernent plus comme jadis une jeunesse en panne de formation mais une jeunesse performante. De nombreux jeunes peu avertis ou insuffisamment formés, fidèles aux mauvais bergers, se sont retrouvés les victimes d’oukases les invitant à rester au pays sans qu’on puisse leur offrir le « travailler au pays » qui leur avait été promis. Ils remplissent aujourd’hui les registres de l’ANPE ainsi que la chronique des faits divers et parfois criminels du Pays Martinique. La jeunesse qui réussit s’en tire, sourde aux exhortations qui lui sont faites par les professeurs de repli identitaire.

 Ainsi donc, entre l’encadrement de la pensée par les idées obsolètes ressassées à longueur d’années et de commémorations, d’une part,  et l’ouverture à la connaissance et à la liberté que leur offrent les outils de la communication et de l’information, d’autre part, les étudiants martiniquais ont choisi la seconde voie. D’ailleurs, les filles et les fils de ces messieurs-dames idéologues ne sont pas les derniers à quitter la Martinique pour exercer leurs talents à l’étranger et enrichir la diaspora martiniquaise qui grandit à travers le monde. Par ailleurs, en dépit de l’échec proclamé de l’Education nationale – de l’institution, jamais des hommes -, la production de diplômés est nettement supérieure aux besoins de la Martinique et il est structurellement impossible à la Martinique de donner du travail à tous ses enfants. De même, l’absence de développement économique conduit à presque toujours offrir aux jeunes des emplois de fonctionnaires territoriaux où il leur est rarement possible de se réaliser pleinement. De nombreux cadres diplômés sont utilisés à des tâches subalternes, nettement inférieures à leur niveau de compétence.

 Enfin, les possibilités offertes par une collectivité sont très souvent soumises à une condition essentielle : posséder la parentèle familiale ou politique qui convient. Il est prudent de partager les idées du parti politique majoritaire de la collectivité concernée et être quasiment à la dévotion du patron de ladite collectivité. Cette perspective est insupportable pour la plupart des jeunes, même pour ceux qui s’y conforment pour rester en Martinique. Elle est franchement inacceptable pour les meilleurs car la jeunesse qui réussit n’a ni le besoin ni le goût d’être assistée ou encadrée par des parrains politiques. Celle-ci exprime son choix de vie dans la plus totale liberté : liberté de ne pas obéir aux oukases des directeurs de consciences, liberté de travailler en France hexagonale, si elle le désire, et, de plus en plus, liberté d’aller exprimer ses talents à l’étranger. Voilà, en cette fin d’année 2012, où nous en sommes de la jeunesse de notre pays, selon qu’elle possède ou non le moyens de choisir son avenir.

 

A tous, Bonne Année 2013.

 

Yves-Léopold Monthieux, le 27 décembre 2012

 

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