Se trouve dans “Justice”, le journal du Parti Communiste Martiniquais, un important texte d’Armand Nicolas, commentant l’acte de vandalisme concernant la statue… La conclusion est claire :” Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse en disant que nous étions seuls. L’insulte fait à Schœlcher est donc inadmissible !

 

VOICI CE TEXTE

La dégradation de la statue de Schœlcher située à l’entrée du bourg et dont le visage a été martelé, défiguré et le socle cou- vert d’inscriptions, a soulevé une certaine émotion dans notre pays. S’en prendre à Schœlcher, c’est s’en prendre à une grande figure symbolique toujours respectée et cela nous interpelle.

Mais il ne faut pas faire comme l’autruche. Cet incident a un sens et témoigne de l’état d’esprit de certaines couches de la population. D’abord constatons que ce vandalisme politique est un phénomène qui se développe et se retrouve partout. Cer- tains s’en prennent aux représentations de personnages hon- nis, rejetés (notamment les dictateurs). Chez nous, on a coupé la tête de la statue de l’ex impératrice Joséphine, symbole de l’esclavagisme et qui porte une part de responsabilité dans les souffrances endurées par nos ancêtres. On peut donc consi- dérer cela comme une saine réaction de gens qui, longtemps, ont supporté ces symboles, mais qui, aujourd’hui, par suite d’une certaine prise de conscience, envisagent les choses de manière différente.

 

Nous sommes dans ce cas. Dans le même ordre d’idées, je suis scandalisé et écoeuré par le fait que, au centre de nos cités se trouvent encore des lieux qui portent le nom de personnages qui sont non pas des bienfaiteurs, mais des malfaiteurs. Je me bats aujourd’hui pour que soient débaptisées les places Joyeuses à Trinité et Bertin à Saint Pierre. Ces deux individus étant ceux qui ont proclamé, sur ordre de Napoléon Bonaparte, le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises en 1802. Mais s’attaquer à Schœlcher est injuste. Certes, on connaît mieux aujourd’hui son rôle. Il n’est pas celui qui a tout fait et qui a brisé les chaînes de nos ancêtres. Mais ce fut un grand humaniste qui a lutté toute sa vie pour la libération de l’Homme de toute oppression. Il a essayé, avec l’abolition de 1848, d’instaurer dans les colonies une société nouvelle, res- pectueuse des droits de l’Homme. Mais cela n’a pas duré puisque, dès 1852, a été installé le Second Empire de Napoléon III, encore fortement teinté d’esclavagisme.

Pendant longtemps, il y a eu que Schœlcher qui fut porté au pinacle et notre histoire se trouvait déformée, caricaturée, in- sultée. L’insurrection du 22 mai était considérée comme un acte de banditisme. Schœlcher lui-même n’a pas approuvé le 22 mai. Ce fut de sa part une erreur. Et aujourd’hui que nous avons récupéré notre histoire, certains apprécient mal le rôle de Schœlcher et réagissent de manière excessive et inaccepta- ble. En rédigeant ma brochure sur le 22 mai 1848, j’ai toujours souligné l’action bienfaisante de Schoelcher qui a joué un rôle considérable dans l’abolition, tout en proclamant que c’est l’ac- tion de nos ancêtres, à savoir la longue lutte des esclaves, cul- minant le 22 mai 1848 qui a été le facteur décisif.

Les gens qui ont mutilé la statue de Schœlcher et y ont porté des inscriptions ont essayé de se justifier en exaltant l’action de nos ancêtres. Mais “casser” Schœlcher, le mettre sur le même rang que les oppresseurs de notre peuple, ce n’est pas juste, ce n’est pas la vérité historique. La lutte de nos ancêtres a été appuyée par d’autres forces. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse en disant que nous étions seuls.

L’insulte fait à Schœlcher est donc inadmissible !

Armand Nicolas- Historien

 

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