Par Michel Herland

Après Le Patrimoine des communes de la Martinique (2ème éd. 2013) et Patrimoine de la Guadeloupe (2017), la Fondation Clément publie Le Patrimoine de la Nouvelle-Calédonie, un ouvrage paru juste avant le début des tragiques événements de l’été 2024 qui ont mis le « Caillou » à feu et à sang, et qui vient à point pour rappeler aux parties en présence que la Nouvelle-Calédonie est bien duelle, qu’elle est porteuse de deux riches traditions, l’une qui remonte au début du premier millénaire avant notre ère, l’autre bien plus récente – le premier contact d’un Européen (James Cook) date de 1774, la prise de possession par la France de 1853 – mais qui, compte tenu de leurs poids démographiques respectifs sont tenues de cohabiter pacifiquement. Les Kanak représentent 40 % de la population suivant les chiffres de 2014, les Européens 30 %, le reste se répartissant entre trois communautés, les métis, les Wallisiens, les « Calédoniens » (qui refusent de se définir par une autre appartenance) autour de 8% chacune et d’autres groupes très minoritaires.

 

L’ouvrage qui vient de paraître se concentre sur le patrimoine, on n’y trouvera pas une présentation, encore moins une analyse des difficultés actuelles de la Nouvelle-Calédonie mais on pourra y lire entre les lignes, à travers la valorisation des patrimoines des deux communautés, un appel au respect mutuel. Présenter les cases kanak, leurs variations suivant les régions, leur décor sculpté, le partage de l’espace entre différentes parties qui ont chacune leur sens et leur usage n’empêche pas de montrer la diversité de l’habitat européen depuis la case du broussard jusqu’aux immeubles « modernistes ». Même chose pour le mobilier, les outils et même les armes puisque la guerre est une constante de l’histoire de l’humanité dans laquelle les Kanak et les Européens se sont  tristement illustrés.

 

La religion n’est pas plus absente que la guerre : aux masques cérémoniels et aux « planches de rêve » répondent les temples et les églises bâtis par les missionnaires. Les activités productives ne sont pas oubliées (les cultures traditionnelles du tarot et de l’igname, la chasse et la pêche, les élevages des broussards, les mines de nickel, sans oublier les traces du bagne…) pas plus que les fonctions relevant du gouvernement des hommes, les symboles des chefs de tribu ou le bâtiment du « Haussariat » (qui abrite les services du Haut-Commissaire de la République).

 

Comparée aux Antilles, la Nouvelle-Calédonie possède un patrimoine originel d’une grande richesse tant matériel (y compris les paysages et le lagon) qu’immatériel, ce qui rend cet ouvrage singulier. Les « grandes cases » des chefs sont toujours là et entretenues et dans certains tribus chaque famille est  tenue de bâtir une case traditionnelle à côté de la maison en dur. Les « coutumes » sont encore vivaces et demeurent partie intégrante de toute cérémonie, même les plus simples comme les semis ou l’accueil d’un étranger à la tribu. On danse toujours le « pilou ». Quant à la cuisine, le « bougna », par exemple, (plat à base de tubercules, bananes et viande) est toujours cuit dans du lait de coco à l’intérieur de feuilles de bananiers enterrés et entourées de pierres chaudes.

 

Bien que les Kanak d’aujourd’hui ne vivent évidemment pas comme leurs ancêtres, ils sont soucieux de conserver autant que faire se peut leurs traditions et leurs croyances, ce qui les rend des témoins irremplaçables du passé. La rémanence de coutumes immémoriales fait ainsi de la Nouvelle-Calédonie un territoire à part, c’est pourquoi le gros ouvrage de la Fondation Clément, rédigé par une quarantaine de spécialistes et très richement illustré de documents et de photographies, apparaît dès sa publication comme un instrument irremplaçable pour connaître le passé de la Nouvelle-Calédonie comme son présent.

 

Fondation Clément, Le Patrimoine de la Nouvelle-Calédonie, sous la direction de Louis Lagarde. Fondation Clément et HC-Éditions, Le François (Martinique) et Bordeaux, 600 p., 25 €.

 

 

 

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