Un appel à repenser la place du maire
Ancien maire de Vernon, ce qu’il n’a pas manqué de rappeler, le Premier ministre, M. Sébastien Lecornu, prononçant le discours de clôture du 107ᵉ Congrès des maires et présidents d’intercommunalités de France, a proposé aux élus de réfléchir à la place du maire dans l’organisation de l’État.
Il a dénoncé les discours passés qui voulaient réduire drastiquement le nombre de communes, estimant que cette vision allait « contre l’histoire et la géographie de la République ».
Un projet de loi annoncé avant la fin de l’année
Le chef du gouvernement a annoncé la présentation prochaine d’un projet de loi portant décentralisation et simplification. Selon lui, un chemin parlementaire existe au Sénat comme à l’Assemblée nationale pour engager une réforme de l’État attendue par les élus.
Appelant à « décloisonner en repartant du terrain », il a invité à poser une question première : « Qu’attend-on de l’État ? ».
Un vaste chantier de simplification normative
Le Premier ministre a fustigé certaines normes qu’il juge déconnectées du terrain, citant l’obligation de vidange annuelle des piscines municipales. Il a annoncé la publication d’un « méga décret » visant à simplifier une centaine de mesures, dont 30 dès décembre, puis 70 entre janvier et février.
Il a par ailleurs confirmé le maintien de la dérogation au seuil de 100 000 € pour les travaux et la hausse du seuil à 60 000 € pour les achats de fournitures.
Le poids des normes et la question du risque juridique
M. Lecornu s’est interrogé sur la multiplication des normes applicables, estimées à plus de 400 000 pour les collectivités. Selon lui, cette inflation traduit une demande sociale de protection qui s’accroît sans cesse.
Évoquant la judiciarisation de la vie publique, il a souligné que les acteurs publics agissent désormais en défense permanente, ce qui allonge et complexifie les règlements. Il a également dénoncé la surtransposition des normes européennes ainsi qu’un « jacobinisme parisien devenu jacobinisme régional ».
Sécuriser les maires face à la prise de risque
Le Premier ministre a indiqué qu’il étudiait la création d’une prime « régalienne » d’un montant de 500 € par an pour chaque maire, destinée à sécuriser juridiquement leurs décisions.
« On ne peut pas demander aux maires de prendre toujours plus de risques sans reconnaissance de ce risque », a-t-il expliqué.
Débat sur liberté, égalité, confiance et différenciation
Il a ensuite posé deux grandes questions structurantes : d’abord, « trancher le débat entre liberté et égalité », ce qui renvoie au droit à la différenciation ; ensuite, « confiance ou défiance », appelant à reconstruire une culture de confiance.
Le Premier ministre a annoncé un second plan « Cœur de villes » et souhaité transférer davantage de compétences et de moyens aux élus pour organiser l’offre de soins de proximité.
Les inquiétudes des collectivités face au budget
M. Lecornu a affirmé avoir entendu les inquiétudes exprimées au sujet du projet de budget. Il a confié un mandat à M. Gérard Larcher ainsi qu’aux commissions du Sénat pour trouver un équilibre entre redressement des finances publiques et respect des engagements de l’État.
Il a également alerté sur les conséquences d’une absence de budget : zéro péréquation, aucune dotation d’investissement…
Un avertissement sur l’état de la démocratie représentative
« Est-ce qu’on est encore capable de sauver la démocratie représentative ? » a interrogé le Premier ministre, évoquant les risques d’un désordre politique qui pourrait conduire à une situation grave.
Son discours a été accueilli avec froideur par les élus, certains dénonçant l’absence de mesures concrètes, notamment en matière de finances publiques.
La réponse du Sénat : les principes d’une décentralisation réussie
Avant l’intervention du Premier ministre, le président du Sénat, M. Gérard Larcher, avait fixé les principes d’une décentralisation réussie : liberté d’agir, confiance envers les élus locaux, simplification. Il a appelé à renouer avec « l’esprit des lois Defferre de 1982-83 et de la révision constitutionnelle de 2003 ».
Il a également averti contre un « grand big bang territorial » voué à l’échec, plaidant pour une loi simple, concrète et rapidement applicable.
Un agenda et des propositions pour les finances locales
Le président du Sénat a rappelé avoir fixé un calendrier strict : « Ce sera au premier semestre 2026 ou rien ». Il a souligné l’obsolescence du système actuel de finances locales et présenté trois axes de réforme :
– renforcer l’autonomie fiscale ;
– attribuer les recettes en cohérence avec les compétences ;
– réformer la DGF,Dotation Globale de Fonctionnement
et les dispositifs de péréquation.
La Haute assemblée propose également un réexamen régulier des ressources, une programmation pluriannuelle des dotations et une réforme du FCTVA (Fonds de compensation pour la TVA) réintégrant les dépenses d’entretien dans l’assiette.
Jean-Paul BLOIS



