Depuis les années 60, la chose est connue, le taux de prélèvement obligatoire dans notre pays ne cesse de monter. Du raisonnable 30% des débuts, il a franchi la barre des 40% au commencement des années 80 et en 2018 celle des 45%. Le garrotage des entreprises est allé en augmentant à mesure que de nouvelles impositions diverses et variées étaient créées, notamment des taxes locales comme la TEOM [1], chaque nouvelle strate de collectivité (telles les EPCI [2]) ayant à cœur de se constituer des ressources propres.

Première victime : l’industrie, qui acquitte 19,2% des impôts de production bien qu’elle ne soit à l’origine que de 13,6% de la valeur ajoutée générée dans notre pays [3].Le secteur secondaire (industriel) ne représente plus aujourd’hui qu’environ 10% du PIB en France, contre 20.3 % en Allemagne et 8.7 % au Royaume-Uni. En 1980, les emplois industriels occupaient 22 % de la population active contre 11 % en 2017.

Un type d’impôt qui pèse lourdement sur la compétitivité de nos entreprises comparées à celles de nos voisins

Les impôts de production peuvent taxer le travail, le capital, le foncier, la valeur ajoutée ou le chiffre d’affaires, comme détaillé dans le tableau ci-après [4] :

En raison des distorsions économiques qu’ils entraînent sur toute la chaîne de valeur, les impôts de production sont les plus nocifs : en 2016 leur rendement fiscal était de 72 milliards d’euros.

Selon Eurostat, le produit des impôts sur la production était égal à 4,9 % du PIB en France en 2019, contre, 2,3 % dans l’Union européenne et seulement 0,7 % en Allemagne. La France est au deuxième rang de l’Union, loin derrière la Suède (10,3 % du PIB) où le financement de la protection sociale est assuré en très grande partie par des impôts qui se substituent aux cotisations sociales (9,3% du PIB), comme exposé par le graphique suivant :

Les impôts de production touchant les ménages concentrent 1,8% du PIB dans notre pays, contre seulement 0,7% dans l’ensemble des pays européens. La taxe foncière, par exemple, rapporte 19,9 Mds€ à l’Etat, soit 16,6% des recettes liées aux impôts de production, quand ceux payés par les sociétés, d’une valeur de 85,5 Mds€, en représentent 69,9%.

Notons qu’aucun autre pays européen n’a mis en œuvre un dispositif comparable à celui de la C3S [5].

Trois impôts les plus saillants : la CFE, la CVAE, la C3S

La CVAE [6], dont le rendement fiscal était de 14 milliards d’euros en 2019, taxe les entreprises à partir de 500 000 euros de chiffre d’affaires, de manière progressive, avec un taux compris entre 0,5 et 1,5% de la valeur ajoutée fiscale ; il est possible d’en déduire le coût des consommations intermédiaires mais pas celui des amortissements. Cet impôt obère donc les capacités d’investissement des entreprises plus que l’impôt sur les sociétés, en particulier celles qui ont besoin de procéder à un renouvellement régulier de leur appareil productif.

La CFE [7], qui rapportait 6,5 milliards d’euros en 2016, est assise sur la valeur locative des locaux professionnels (réactualisée en 2017) et possède un taux fixé par les communes et les EPCI compétents. Additionnée à la CVAE, elle forme la CET [8], plafonné avant la réforme à 3% de la valeur ajoutée produite par l’entreprise.
La C3S, créée à l’origine pour compenser les pertes de recettes subies par le régime des travailleurs indépendants lié au développement du salariat, est assise sur le chiffre d’affaires de l’entreprise, qu’elle taxe à hauteur de 0,16 % et représente un produit de 3,8 milliards d’euros en 2019. Depuis 2016, un abattement de 19 millions d’euros a été institué sur le chiffre d’affaires imposable avant une suppression initialement prévue en 2017 qui n’est jamais survenue.

L’analyse économique, dont la théorie a été popularisée par Diamond et Mirrlees [9], considère que les biens intermédiaires ne devraient jamais être taxés. La taxation d’un bien intermédiaire utilisé par l’entreprise pour la production d’un bien final, renchérit son prix relatif et obère la rationalité de l’entreprise en la poussant à utiliser des biens intermédiaires moins productifs et moins chers. Taxer le produit final, au moyen de la TVA par exemple, est bien plus rationnel et plus efficient.

Dans le cas de la C3S, les économistes constatent le développement d’un « effet cascade ». Précisément, chaque produit est de nouveau taxé s’il entre dans la composition d’un autre produit plus abouti, confectionné par une autre entreprise. En ce sens, la C3S est une taxe sur la taxe qui peut inciter les entreprises à se tourner vers des fournisseurs étrangers ou à délocaliser leur production. Dans l’industrie manufacturière par exemple, le taux réel de la C3S est estimé à 0,11 % mais possède un effet prix-moyen augmentant les coûts globaux des produits de 0,19%. En somme, elle opère comme un droit de douane négatif touchant les biens produits nationalement, au bénéfice de ceux qui sont fabriqués à l’étranger.

Dispositions et impacts des mesures adoptées en loi de finances 2021

La loi de finances pour 2021 prévoit une baisse de dix milliards des impôts de production soit : une réduction de 50% de la CVAE correspondant à la part des régions, à hauteur de 7,25 milliards d’euros, ainsi qu’une une baisse des impôts fonciers, CFE et TFPB [10], pour un montant respectif de 1,75 et 1,54 milliards d’euros. Le plafond de la CET est, en outre, rabaissé de 3 à 2%.

Les gains réalisés devraient bénéficier pour 42% aux ETI [11], 32% aux PME et pour 26% aux grandes entreprises. L’industrie et le commerce, concentrant 37 et 15% de la valeur de la baisse des impôts, seraient les principaux secteurs bénéficiaires de ces mesures.

La perte de ressources pour les collectivités se monterait à 9,5 milliards d’euros pour les régions et 3,3 pour le bloc communal, compensée par l’attribution d’une part de TVA équivalent à la baisse de CVAE, et par des versements directs.

À bien des égards, la prise de conscience de la nocivité des impôts de production sur l’économie française par le Gouvernement doit être saluée. Toutefois, on ne peut que regretter le maintien de la C3S, la plus toxique pour la production nationale parmi toutes les taxes, et la faiblesse du montant des baisses d’impôts. Une somme insuffisante pour créer un choc de compétitivité dans notre pays. Le Gouvernement aurait dû privilégier une réduction des impôts de production touchant la valeur ajoutée et le travail.

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