Cet article a été rédigé à partir d’un article de l’économiste Michel Branchi publié dans la dernière livraison du journal Justice.
Conférence IEDOM–INSEE : ce qu’il faut retenir
Mardi 30 septembre, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) et l’INSEE ont présenté, au siège de l’IEDOM à Fort-de-France, les Comptes économiques rapides de 2024 (CEROM) et la conjoncture du 2ᵉ trimestre 2025.
Étaient présents : Guillaume Chiron (AFD), Pierre-Émile Bidoux (INSEE, division action régionale), Bertrand Aumand (chef de service territorial INSEE Martinique), Patrice Croissandeau (directeur IEDOM Martinique), Magali Ardoino (directrice adjointe IEDOM Martinique) et Adrien Boileau (responsable des études économiques, IEDOM).
2024 : +1,0 % de croissance… tirée par la dépense publique
Selon la synthèse présentée, le PIB progresse de 1,0 % en 2024, légèrement mieux qu’en 2023 et proche du rythme national. Le moteur principal est la consommation publique : +2,0 % en volume, contribuant pour 0,9 point à la croissance. Les dépenses de santé bondissent de +5,0 %, effet direct du vieillissement démographique.
À l’inverse, la consommation des ménages recule de 0,4 % (après +1,7 % en 2023), sous l’effet d’une inflation qui décélère mais persiste (+2,8 % en 2024) et d’une dégradation du marché du travail : –0,7 % d’emplois salariés (–1,1 % dans le privé) et chômage à 12 %. Les importations de biens durables témoignent du coup de frein : –7,4 % en valeur. Les mobilisations de fin 2024 contre la vie chère ont pu accentuer cette faiblesse.
« Effet mécanique » sur le PIB par habitant
La population moyenne estestimée à 356 500 habitants en 2024 (–0,7 % par an depuis 2014). La combinaison baisse démographique + croissance positive entraîne une hausse du PIB/habitant de 1,6 % en volume (après +0,9 % en 2023), à 29 300 €.
Comparaisons : Guadeloupe 28 700 €, Guyane 17 400 €, France 42 600 €. Cette progression est largement artificielle, reflétant d’abord la contraction de la population plus qu’un réel enrichissement collectif.
Commerce extérieur en retrait, malgré un tourisme dynamique
En 2024, le volume des échanges extérieurs recule : importations –4,7 %, exportations –0,4 %. Hors produits pétroliers, les importations diminuent –2,5 % en volume, freinées par l’inflation et la perte de pouvoir d’achat.
Côté ventes, les exportations de sucre et de rhum baissent de –9,2 % en valeur malgré +0,7 % de production ; l’agroalimentaire recule de –10,8 % en valeur.
Seul vrai point d’appui : le tourisme.
Les recettes grimpent de +18,2 % pour atteindre 600 M€, tirées par les touristes de séjour (+20,6 % de dépenses pour +2,8 % de fréquentation ; +17,3 % de dépense moyenne). La part des visiteurs de l’Hexagone recule (64,8 %, –3,6 pts), tandis que l’Amérique du Nord (notamment Canada) progresse fortement (+48,1 %), représentant 7,9 % des touristes.
Investissement : le privé cale, le public ne compense pas
L’investissement total décroît de –7,8 % en volume, amputant la croissance de –1,3 point. En valeur, l’investissement privé chute de –7,6 % (après –6,7 % en 2023). L’investissement public progresse (+3,0 %), mais ne suffit pas à inverser la tendance. C’est le talon d’Achille de la conjoncture martiniquaise.
Prix : l’inflation ralentit, l’énergie renchérit
L’inflation passe de +3,3 % (2023) à +2,8 % (2024), mais l’énergie reste sous tension après la fin du bouclier tarifaire : électricité +13,9 % (après +18,0 % en 2023), tirant l’énergie +6,1 % au total
– Prix des carburants (octobre 2025)
Super sans plomb : 1,82 €/L (stable)
Gazole routier : 1,68 €/L (+0,01 €)
Bouteille de gaz 12,5 kg : 25,24 € (+0,24 €)
2025 T2 : activité en contraction
Selon l’INSEE, au 2ᵉ trimestre 2025 l’activité continue de se contracter en Martinique . Les signaux coïncident : demande interne atone, crédit d’investissement prudent, importations en repli, emploi privé sous pression.
2026 : alerte sur les coupes budgétaires
À l’automne, les perspectives se sombrefient : selon Antilla (2 octobre 2025), le budget de l’Outre-mer 2026 baisserait de 750 à 800 M€ sur environ 3 Md€. Le même jour, toutes les organisations patronales (MEDEF, FEDOM, Contact-Entreprises…) publient une mise en garde dans France-Antilles contre l’impact de ces coupes.
Enjeux : réactiver le moteur privé, protéger la demande
Le diagnostic est net : croissance tenue par la dépense publique, consommation des ménages déprimée, commerce extérieur atone, tourisme en soutien, mais investissement privé défaillant. À court terme, l’enjeu est de protéger le pouvoir d’achat et d’alléger les coûts énergétiques. À moyen terme, il s’agit surtout de relancer l’investissement productif (accès au financement, simplification des procédures, commande publique programmable, sécurisation foncière) et de mieux capter la dépense touristique dans l’économie locale.
« Il est clair que le pays a besoin d’un profond changement. »
Jean-Paul Blois (article de Michel Branchi)