La publication 2023–2024 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) dresse un tableau détaillé de la situation économique, sociale et environnementale de la Martinique. Cette synthèse statistique, mise à jour au 1er janvier 2024, permet d’évaluer les dynamiques propres à l’île, tout en les comparant aux moyennes nationales.
Sur le plan démographique, la Martinique compte 385 500 habitants.
La structure de la population révèle une jeunesse encore présente (25 % de moins de 20 ans), mais également un vieillissement marqué avec 23 % de personnes âgées de 60 ans et plus. La densité de population s’élève à 343 habitants par kilomètre carré, contre 310 en moyenne nationale. À l’horizon 2050, les projections indiquent un déclin démographique avec une population estimée à seulement 244 000 habitants.
En termes de développement humain, l’indice de développement humain (IDH) est estimé à 0,85, au même niveau que celui de l’Hexagone. Mais les inégalités sociales persistent : l’indice de Gini, mesurant ces disparités, atteint 0,41, et le taux de pauvreté reste élevé à 32,1 %, contre 26,7 % en France.
L’environnement sanitaire et écologique reste préoccupant. La densité médicale est inférieure à la moyenne nationale, avec 81 médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 93 en France. Les émissions de CO₂ par habitant sont de 8,1 tonnes, au-dessus de la moyenne hexagonale. La part d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables demeure faible, à 5,8 %, contre 25,6 % pour l’ensemble du territoire national.
Sur le plan économique, le produit intérieur brut (PIB) courant s’établit à 8,3 milliards d’euros. Cependant, la croissance reste atone sur la dernière décennie avec une moyenne de –1,25 % en volume. Le PIB par habitant avoisine les 27 000 euros, légèrement en dessous des standards de l’hexagone. L’inflation est relativement contenue (+0,7 %), mais les écarts de prix avec la France restent significatifs (+12,3 %). Le marché du travail demeure l’un des points noirs : le taux de chômage atteint 22,8 %, soit plus du double de celui observé dans l’Hexagone (10,8 %).
Du côté des échanges extérieurs, le taux de couverture reste faible à 22 %, traduisant une forte dépendance aux importations. L’agriculture, bien que marginale dans la composition du PIB, conserve une certaine importance symbolique et économique avec 155 000 tonnes de bananes exportées en 2023. Les ventes de ciment (171 000 tonnes) et la puissance électrique installée (550 MW) témoignent d’un tissu économique orienté vers les besoins locaux, avec peu d’industrialisation.
Les indicateurs monétaires soulignent une fragilité du système de crédit. L’encours des dépôts s’élève à 6,7 milliards d’euros et celui des crédits à 8,5 milliards. Le taux de créances douteuses s’affiche à 7,4 %, bien supérieur à la moyenne nationale (5,2 %), et le taux d’endettement privé non financier atteint 76 % du PIB, contre 106 % en France.
La conjoncture 2023, selon l’INSEE, confirme le ralentissement économique avec une croissance de seulement +0,4 % (après +5,6 % en 2022). L’inflation a atteint un pic de 3,3 %, portée par la flambée des prix alimentaires (+9,8 %). La consommation des ménages demeure le principal moteur de l’activité (+1,7 %), tandis que l’investissement privé est en repli (–2,5 %). Le commerce extérieur s’inscrit en baisse, tant pour les importations (–4,5 %) que pour les exportations (–1,3 %), mais avec un déficit légèrement réduit.
Les premiers mois de 2025 laissent entrevoir une stabilisation. Le climat des affaires est revenu à un niveau moyen historique avec un indice à 100,6. L’inflation ralentit nettement, passant à +1,1 % en mars 2025.
Ainsi, la Martinique présente un visage contrasté : une société vieillissante, confrontée à de fortes inégalités et à une croissance molle, mais aussi résiliente et dotée d’une consommation intérieure dynamique. Les écarts persistants avec la France métropolitaine, notamment sur le coût de la vie, le chômage et l’énergie, soulignent l’urgence d’une adaptation structurelle des politiques publiques à la réalité ultramarine.
la question est de savoir si dans de telles conditions économiques et sociales quiconque pourra convaincre la population de changer de paradigme, de sortir du train-train de l’assistance départementale, pour changer l’ordre actuel délétère établi.
La coupure épistémologique nécessaire
Opérer une coupure épistémologique en Martinique, notamment dans le domaine politique, consiste à rompre avec les modes de pensée hérités du passé colonial et à inventer de nouvelles manières de concevoir la société, le pouvoir et l’identité. Cela commence par une prise de conscience des paradigmes dominants qui structurent encore aujourd’hui la vie politique et sociale martiniquaise, qu’il s’agisse de l’assimilation, de la dépendance institutionnelle ou de la valorisation systématique des modèles venus de l’extérieur. Il s’agit alors de questionner ces évidences, de déconstruire les discours et les pratiques qui perpétuent une vision du monde façonnée par l’histoire coloniale, et de reconnaître la part d’intériorisation de ces schémas dans la pensée collective.
La coupure épistémologique implique ensuite l’introduction de nouveaux outils conceptuels, capables de rendre compte de la réalité martiniquaise dans sa spécificité. Cela passe par l’adoption de perspectives décoloniales, la valorisation des savoirs locaux, créoles ou caribéens, et le dialogue avec d’autres disciplines comme l’anthropologie, la sociologie ou la philosophie. L’éducation joue un rôle central dans ce processus, car elle permet de former à la pensée critique, de transmettre l’histoire et la culture propres à la Martinique, et d’apprendre à interroger les modèles imposés ou importés.
Ce travail de transformation doit également se traduire dans les pratiques politiques elles-mêmes. Il s’agit d’expérimenter de nouveaux modèles d’organisation, de gouvernance ou de participation citoyenne, en tenant compte des besoins et des aspirations de la population. La production et la diffusion d’un savoir martiniquais, issu de la recherche et de l’expérience vécue, sont essentielles pour nourrir cette démarche et offrir des alternatives crédibles aux cadres existants.
En somme, opérer une coupure épistémologique en Martinique, c’est engager un processus collectif de remise en question, d’innovation et de réappropriation, afin de penser et de construire l’avenir à partir de la réalité, de l’histoire et des potentialités propres à la société martiniquaise.
cela implique la mise de côté de tous les vieux démons, accumulés tout le long de notre histoire et regarder l’avenir tous ensemble avec humilité et sérénité,
Gérard Dorwling-Carter



