La Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, est une puissante défenseuse des nations insulaires, particulièrement vulnérables au changement climatique. À Glasgow, elle dynamite les négociations.

Glasgow (Écosse), reportage

« Pour survivre, nous avons besoin de limiter le réchauffement à +1,5 °C. 2 °C serait une condamnation à mort pour les populations d’Antigua-et-Barbuda, des Maldives, des Fidji, du Kenya ou du Mozambique, des Samoa et de la Barbade. » Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade, a galvanisé le public présent lors de l’ouverture de la COP26, le 2 novembre. Dans les couloirs du Scottish Event Campus, où se déroule le sommet, son discours reste l’un des plus marquants de ces deux semaines. « Nous ne voulons pas de cette condamnation à mort et nous sommes venus ici pour dire “redoublez d’efforts, redoublez d’efforts”car nous voulons exister dans cent ans. »

« Code rouge pour les dirigeants du G20 », a-t-elle poursuivi devant son auditoire composé entre autres du président étasunien, Joe Biden, des Premiers ministres canadien, Justin Trudeau, et britannique, Boris Johnson. « Elle a réveillé tout le monde », assure à Reporterre Armelle Le Comte d’Oxfam. « Elle a personnifié la crise climatique. Son discours est d’autant plus fort qu’elle représente l’une des rares femmes à être montée à la tribune. »

Mais qui est Mia Mottley ? Ancienne avocate, elle est devenue ministre de l’Éducation en 2002, avant d’occuper d’autres postes ministériels par la suite. Après la victoire du Parti travailliste — le sien — aux élections législatives de 2018, elle est devenue Première ministre. C’est la première femme à occuper cette fonction sur l’île de Barbade. Venant d’un pays menacé par la montée des eaux, elle s’est distinguée pour la première fois en septembre 2019 sur la scène internationale par un discours sur le climat. Elle avait alors déclaré : « Les jeunes personnes du monde entier exigent la justice climatique, et nous aussi. »

La travailliste n’est pas la seule à porter la voix des pays du Sud, et notamment des États insulaires particulièrement sensibles au réchauffement climatique. Le ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Tuvalu avait par exemple marqué les esprits en filmant son discours les pieds dans l’eau de l’océan pacifique.

La Barbade est menacée par la montée des eaux et l’érosion côtière. Vidéo des Nations unies

Car les eaux, irrémédiablement, montent. « Si nous n’avions pas mis en place une protection côtière, toutes ces terres, jusqu’aux bâtiments derrière, seraient en train d’être reconquises », expliquait la ministre lors d’un discours donné pour la visite, début octobre, d’António Guterres. Le thème de la venue du secrétaire général des Nations unies : « De l’inégalité et de la vulnérabilité à la prospérité pour tous. » Outre l’érosion côtière, l’île est soumise à une série de catastrophes naturelles, qui augmentent avec la crise climatique. En juillet dernier, les puissantes rafales de l’ouragan Elsa ont provoqué coupures d’eau et d’électricité et endommagé des centaines de maisons. Quant à l’acidification des océans, elle met en péril les activités de pêche et donc l’économie de la nation.

Les nations insulaires responsables de moins de 1 % des émissions mondiales

Pourtant, les petits États insulaires en développement (PEID), soit une cinquantaine de nations hébergeant plus de 62 millions d’habitants, sont responsables de moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De sa voix chaude, Mia Mattley a donc appelé les chefs d’État à se mettre enfin au travail et à honorer leurs engagements. « Les engagements de certains se fondent sur des technologies qui n’existent pas encore. C’est au mieux inconséquent de leur part, au pire dangereux », a-t-elle dénoncé. Selon elle, le calcul est clair : les dirigeants devront permettre que 500 milliards de dollars (430 milliards d’euros) soient investis dans la transition énergétique dans les vingt ans à venir. Pour ceux qui rechigneraient, Mia Mottley a rappelé que les banques centrales des pays riches avaient créé près de 25 000 milliards de dollars (21 500 milliards d’euros) au cours des treize dernières années, dont 9 000 milliards (7 700 milliards d’euros) au cours des dix-huit derniers mois pour la pandémie.

Elle a d’ailleurs rappelé qu’en 2009, les pays riches avaient promis 100 milliards de dollars (86 milliards d’euros) pour aider les pays les plus pauvres à faire face au dérèglement climatique. Une promesse — reprise dans l’Accord de Paris — restée lettre morte. « L’incapacité à fournir ces financements cruciaux ainsi que ceux concernant les “pertes et préjudices” se mesure en vies perdues dans nos communautés. C’est immoral et injuste », a-t-elle tonné.

Mia Mattley accompagnée du président américain Joe Biden. Twitter / Mia Mattley

Ces « pertes et préjudices » renvoient aux dommages irrémédiables causés par les changements climatiques. Ces derniers ne peuvent être évités ni par la réduction des émissions de gaz à effet de serre ni par l’adaptation. La mise en place d’un mécanisme spécial pour aider les pays touchés à se relever après une catastrophe climatique type typhon, tempête, inondation, etc. est une revendication majeure des pays les plus pauvres. Et un enjeu important de cette COP.

Faire payer les responsables de la crise : c’est déjà ce que réclamait la Première ministre de la Barbade en septembre dernier lors de l’assemblée générale annuelle de l’ONU, à New York, aux États-Unis. Son discours était immédiatement devenu viral. À peine aidée de quelques notes, elle avait dénoncé l’inaction des pays riches. Et clos son discours en paraphrasant la chanson Get Up, Stand up de Bob Marley : « Qui se lèvera et tiendra bon pour les droits des peuples […] pour ceux qui meurent de la crise climatique, pour les petits états insulaires qui ont besoin d’un réchauffement inférieur à 1,5 °C pour survivre ? »


Un brouillon d’accord révélé, la France bien seule à ne pas renoncer aux financements fossiles, une COP molle sur l’automobile… les autres actualités de la COP :

  • Enfin un accord onusien mentionnant les énergies fossiles ?

À la COP26, les négociateurs pourraient prendre une décision inédite : celle d’intégrer la fin des énergies fossiles dans un texte de l’ONU sur le climat. C’est en tout cas ce que prévoit le brouillon d’accord qui a été révélé, tôt, ce mercredi 10 novembre. Lire notre article.

  • L’Espagne renonce à financer des projets fossiles à l’international

Après l’Allemagne et les Pays-Bas en début de semaine, l’Espagne a annoncé, mercredi 10 novembre, qu’elle ralliait la coalition de pays qui ont renoncé à financer des projets fossiles à l’international d’ici 2022. La France est désormais le seul pays de la coalition Export Finance for Future, qu’elle a elle-même lancée en avril dernier pour « accélérer la sortie progressive du financement des projets fortement émetteurs de gaz à effet de serre », à ne pas avoir renoncé à financer de projets fossiles à l’international d’ici à fin 2022.

  • Les États rechignent à déranger l’industrie automobile

C’était l’une des quatre priorités de la présidence britannique, mais elle a accouché d’une souris : la COP26 ne fera pas diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre des voitures. Mercredi 10 novembre, journée consacrée aux transports, un accord a été signé entre une coalition d’États, de constructeurs automobiles, de gestionnaires de flottes auto, de villes et de régions. L’objectif, peu ambitieux : « faire en sorte que toutes les ventes de voitures et de camionnettes neuves soient à zéro émission dans le monde d’ici à 2040, et au plus tard en 2035 sur les grands marchés ». L’accord a été signé par 32 pays, mais snobé par la Chine et les États-Unis — les plus gros marchés automobiles mondiaux —, ainsi que par la France, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, l’Italie, ou encore l’Espagne

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