Le 25 novembre, à l’agence BRED de la Savane à Fort-de-France, la soirée de lancement de la campagne « Oranger le monde » n’avait rien d’un rendez-vous de façade. Portée par le club Soroptimist International Fort-de-France Alizés Sud, elle s’est imposée comme un moment de vérité. Pas de mise en scène. Pas de grandes phrases. Des mots simples, des constats directs, et une volonté partagée : ne plus contourner le sujet des violences faites aux femmes.

Un cadre posé, une parole tenue avec sobriété
La soirée a été animée par Michela Adin, membre du club Soroptimist International Fort-de-France Alizés Sud, dans son rôle de modératrice. Elle a ouvert la rencontre sans emphase, en rappelant simplement le sens du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, et le lien avec la période mondiale d’engagement jusqu’au 10 décembre.
Elle a expliqué pourquoi la couleur orange est utilisée partout dans le monde : un symbole visible, compréhensible par tous, pour dire qu’un avenir sans violence est possible. Elle a remercié la BRED Martinique-Guyane pour son accueil et son soutien.

Une parole directe du monde économique
Quand Stéphane Timbert, directeur régional de la BRED Martinique-Guyane, s’est exprimé, le ton est resté volontairement simple, sans effets de style. Une phrase a posé le cadre :
« Les violences faites aux femmes ne sont pas un fait divers. »
Il a parlé de vies détruites, de familles fragilisées, d’enfants marqués. Il a rappelé que derrière chaque chiffre il y a des visages, des silences, des peurs.
Il a affirmé une idée essentielle :
« La responsabilité de la violence appartient toujours à l’auteur et jamais à la victime. »

Il a expliqué que l’engagement de la BRED est concret : former les équipes, assurer la confidentialité dans l’accueil, faciliter l’autonomie financière des femmes en difficulté, travailler avec des associations spécialisées. Il a aussi rappelé que la majorité des effectifs de la banque sont des femmes, et que personne ne doit rester seule face à ces situations.

L’ARS : une question de santé publique, pas seulement sociale

Guillaume Gobenceaux, directeur général adjoint de l’Agence Régionale de Santé de Martinique, a ensuite pris la parole. Il a commencé simplement, sans posture :
« Les violences faites aux femmes sont aussi un enjeu de santé publique. »
Son message était clair : les violences faites aux femmes ne sont pas uniquement un sujet judiciaire ou social, mais un enjeu de santé publique. Il a expliqué que ces violences laissent des traces visibles et invisibles, physiques et psychologiques, que les équipes hospitalières et sociales rencontrent chaque jour.
Il a annoncé le lancement d’une campagne de prévention avec plusieurs spots consacrés au non-consentement, au harcèlement de rue, aux violences sexuelles et aux mécanismes d’emprise. Son message a été direct : agir plus tôt, mieux repérer, mieux accompagner.
Les chiffres de la réalité martiniquaise
Au cours de la soirée, Michela Adin, dans son rôle de modératrice, a partagé des données chiffrées sans détour. Ces chiffres ont marqué un temps d’arrêt dans l’atmosphère de la salle.
Ils ont été livrés comme un constat, sans commentaire superflu :
- En France, 107 femmes ont été tuées en 2024 par leur conjoint ou ex-conjoint.
- Ce chiffre est en augmentation.
- En Martinique, 2 à 3 femmes perdent la vie chaque année sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint.
- 80 % des violences constatées sont des violences physiques.
- Une part importante des violences conjugales correspond à des viols, y compris dans le couple.
- Moins de 40 % des femmes victimes déposent plainte, ce qui signifie que la réalité est largement sous-estimée.
- Le harcèlement de rue, les violences au travail, la peur dans l’espace public et le cyberharcèlement font partie du quotidien de nombreuses femmes.
Une phrase a été prononcée clairement :
« La violence faite aux femmes n’est pas une culture, et ce n’est pas une culture martiniquaise. »
Soroptimist : agir dans la durée, pas dans le symbole
La dernière intervention a été celle de Brigitte Léger, présidente 2025–2026 du club Soroptimist International Fort-de-France Alizés Sud.
Elle a rappelé l’ancrage ancien du mouvement en Martinique et la logique d’action du club. Son discours n’a pas été théorique. Il était orienté vers le terrain.
Elle a structuré son propos autour de trois verbes :
Comprendre : écouter, identifier, ne pas juger.
Entreprendre : agir, former, accompagner concrètement.
Défendre : refuser l’indifférence et protéger.
Elle a expliqué que ces principes se traduisent par des actions locales, notamment dans le Nord de la Martinique, avec des partenaires institutionnels et sociaux, et par des projets structurants. Parmi eux, la participation à l’aménagement d’une « salle Mélanie » au Lorrain, pensée comme un lieu d’écoute sécurisé pour les femmes et les enfants victimes de violences.

Antilla : un engagement sans ambiguïté
Cette soirée ne pouvait pas être traitée comme un simple événement.
L’équipe d’Antilla s’associe pleinement à ce combat contre les violences faites aux femmes, en Martinique et au-delà. Ce n’est ni un slogan ni une formule.
C’est un choix éditorial clair : donner de la visibilité à ces réalités, relayer ces paroles, refuser le silence.
Ce que cette soirée a montré
Cette soirée n’a pas été un moment de communication.
Il n’y a pas eu de mise en scène.
Il n’y a pas eu de discours décoratifs.
Il y a eu des paroles directes.
Des chiffres posés sans détour.
Et une volonté évidente de ne plus détourner le regard.
La campagne « Oranger le monde » se poursuit jusqu’au 10 décembre.
Le message, lui, dépasse toute date :
le silence protège la violence,
la parole protège les victimes.
Philippe PIED





