La répartition de la valeur créée par les grands groupes français a eu tendance à se concentrer entre les mains des actionnaires et de leurs dirigeants depuis la crise financière de 2008. Dans un rapport sur le partage de richesses du CAC 40, l’ONG Oxfam constate une accélération de la financiarisation de ces entreprises, gouvernées principalement par l’augmentation du rendement actionnarial. Au risque de se retrouver mal préparées à une crise comme celle du Covid-19.

Selon l’étude, 85 % des entreprises du CAC 40 ont versé au moins une fois des dividendes supérieurs à leurs bénéfices.
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La crise financière de 2008 n’aura pas freiné la course aux dividendes. Selon une étude réalisée par Oxfam et par le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) intitulée “CAC 40 : des profits sans lendemain”, les dividendes versés par les grands groupes français ont augmenté de 70 % sur la période de 2009 à 2018. Les salaires n’ont, eux, augmenté que de 20 % sur cette période.

Lors de la crise financière de 2008, le monde appelait à un retour à l’économie réelle, en réaction à la toute puissance des marchés. Un peu à la manière dont se sont multipliés les appels au “monde d’après” pendant la crise sanitaire du Covid-19. La réalité n’a cependant pas suivi les bonnes intentions, la financiarisation de la gestion des entreprises s’étant au contraire accélérée.

La première raison tient, selon le rapport, à la liquidité de plus en plus grande des marchés financiers. En clair, les investisseurs ont un choix de plus en plus vaste entre les différentes actions, les différents indices boursiers ou encore les différentes classes d’actifs. Les entreprises doivent donc se montrer de plus en plus séduisantes pour attirer les investisseurs. Les versements aux actionnaires des entreprises du CAC 40 ont donc été en croissance continue pendant ces dix années, de manière parfois décorrélée de l’évolution de leurs bénéfices.

Dividende en hausse continue

Selon l’étude, 85 % des entreprises du CAC 40 ont versé au moins une fois des dividendes supérieurs à leurs bénéfices et presqu’un tiers en ont versé malgré des pertes. Pour s’assurer de l’augmentation de la valeur actionnariale, la rémunération des dirigeants est désormais en grande majorité indexée sur le cours de Bourse de l’entreprise. La part variable indexée sur le cours de l’action de l’entreprise représente ainsi 42,6 % de la rémunération en 2018, contre seulement 24 % en 2009.

En pleine pandémie de Covid-19, Abigail Disney, l’héritière de la célèbre entreprise américaine de divertissement du même nom, soulignait également cette dérive du management des entreprises. En privilégiant la valeur de l’action, les dirigeants de Disney ont appauvri l’entreprise au point de la mettre en sérieuse difficulté au moment du confinement de l’économie, entraînant un vaste plan de licenciement.

C’est précisément ce que souligne le rapport d’Oxfam. Alors que la part de la masse salariale dans le chiffre d’affaires des entreprises est demeurée assez stable, les rémunérations des employés n’ont que peu progressé en dix ans : seulement 21,8 %, alors que la rémunération des dirigeants augmentait de 59 %. L’écart entre la rémunération des PDG du CAC 40 et le salaire moyen dans les entreprises est passé de 86 en 2009, à 107 en 2018.

Développer l’investissement bas carbone

L’investissement dans la transition bas carbone est l’autre oublié de ces dix ans post-crise financière. Mais sur ce point, l’ONG a été confrontée au manque d’informations sur les données d’investissements verts des entreprises. Son constat se base donc sur trois sociétés, Engie, Total et Arcelor, pour lesquelles le CDP (ex Carbon Disclosure Project) dispose d’informations. La part d’investissements bas carbone ne représente que 8,8 % du montant total des investissements pour Arcelor, 2,9 % pour Engie et 1,9 % pour Total.

Oxfam veut désormais faire pression pour que le gouvernement prenne ces données en compte dans son prochain plan de relance de l’économie. L’ONG suggère notamment de plafonner la part de bénéfices dédiée aux actionnaires, pour orienter le surplus vers des investissements bas carbone. Un plafonnement à 80 % des bénéfices permettrait de dégager 7,5 milliards d’euros par an, à 50 % de 14,4 milliards d’euros et à 30 % de 27,4 milliards d’euros.

Arnaud Dumas, @ADumas5

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