La région Caraïbe connaît une prévalence disproportionnée de cas de démence, avec des diagnostics qui apparaissent désormais dès l’âge de 40 ans. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte de vulnérabilités métaboliques, sociales et nutritionnelles spécifiques. Cette étude synthétique met en lumière les facteurs de risque identifiés, les observations cliniques régionales et les stratégies préventives recommandées pour atténuer cette crise émergente.
La démence est une pathologie neurodégénérative progressive qui affecte les fonctions cognitives et compromet l’autonomie des individus.
Bien qu’associée au vieillissement, elle survient désormais plus tôt dans certains contextes, notamment en milieu insulaire caribéen. Le Dr Ryan Punambolam, neurologue basé dans les Caraïbes, alerte sur cette évolution : « La démence commence à l’âge mûr — pas à 80 ans quand on oublie les noms des membres de sa famille, mais bien plus tôt, à travers des facteurs modifiables comme l’hypertension, le cholestérol, le diabète ou le tabagisme » (Compass News, 2025).
Une prévalence préoccupante dans la Caraïbe
Selon les autorités sanitaires régionales, la démence affecte un nombre croissant de personnes de 40 à 65 ans. En Martinique, l’Agence Régionale de Santé (ARS) indique une augmentation des troubles de la mémoire et des troubles cognitifs légers dans cette tranche d’âge (ARS Martinique, 2023). Ce constat est d’autant plus préoccupant que la population vieillit rapidement, que les maladies chroniques y sont plus fréquentes qu’en métropole et que les déterminants sociaux de santé y sont fortement dégradés.
Facteurs de risque identifiés
Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité :
– Facteurs métaboliques : Les taux d’hypertension (environ 30 % chez les adultes) et de diabète de type 2 (12 à 15 %) sont significativement élevés en Martinique et en Guadeloupe (INSEE, 2023).
– Alimentation pro-inflammatoire : L’ultra-transformation de nombreux produits alimentaires, la consommation excessive de sucre raffiné et de sel favorisent l’inflammation systémique, un mécanisme clé dans les pathologies neurodégénératives (WHO, 2021).
– Isolement social et précarité : Ces facteurs psychosociaux sont corrélés au déclin cognitif, comme l’ont démontré plusieurs études longitudinales (Fratiglioni et al., 2000).
Prévention et intervention
Les professionnels de santé préconisent des actions autour de trois axes principaux :
1. Nutrition préventive : Adopter un régime anti-inflammatoire inspiré du modèle méditerranéen, mais adapté au contexte caribéen, intégrant fruits, légumes, poisson, légumineuses, et huiles végétales locales.
2. Activité physique régulière : Elle améliore la vascularisation cérébrale et stimule la plasticité neuronale, en particulier dans l’hippocampe (Gómez-Pinilla & Hillman, 2013).
3. Maintien du lien social : L’engagement dans des activités collectives, culturelles ou familiales a un effet protecteur démontré sur les capacités cognitives.
Les politiques publiques doivent intégrer ces principes dans des programmes spécifiques de prévention cognitive, ciblant les classes d’âge actives, en partenariat avec les collectivités territoriales, les associations de santé communautaire et les professionnels du sport et de l’alimentation.
La démence précoce dans les Caraïbes doit être reconnue comme une urgence de santé publique. Sa progression rapide est alimentée par une convergence de vulnérabilités évitables. Des politiques territorialisées, intégrant nutrition, santé mentale, et activité physique sont essentielles pour ralentir cette dynamique. En agissant dès maintenant, les territoires peuvent inverser une trajectoire sanitaire préoccupante et redonner aux populations les moyens d’un vieillissement en santé.
Références
Agence Régionale de Santé Martinique. (2023). Rapport régional de santé publique 2023. ARS. https://www.martinique.ars.sante.fr
Compass News. (2025). Dementia prevention and causes.
Fratiglioni, L., Wang, H. X., Ericsson, K., Maytan, M., & Winblad, B. (2000). Influence of social network on occurrence of dementia: A community-based longitudinal study. The Lancet, 355(9212), 1315–1319. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(00)02113-9
Gómez-Pinilla, F., & Hillman, C. (2013). The influence of exercise on cognitive abilities. Comprehensive Physiology, 3(1), 403–428. https://doi.org/10.1002/cphy.c110063
INSEE. (2023). Portrait social de la Martinique. https://www.insee.fr/fr/statistiques
World Health Organization. (2021). Risk reduction of cognitive decline and dementia: WHO guidelines. Geneva: WHO Press. https://www.who.int/publications/i/item/9789241550543



