Le Venezuela est devenu un théâtre de tensions, et avec lui, toute la région risque de glisser vers un scénario que l’on croyait relégué aux années Bush. L’ombre d’une intervention américaine plane, diffuse, insistante. Beaucoup voudraient y voir un simple bras de fer rhétorique. Ce serait une erreur.
Pour la Martinique et la Guadeloupe, ce qui se joue à Caracas n’est pas un épisode lointain de géopolitique globale. C’est un risque immédiat. Car une guerre au Venezuela ne se contenterait pas de redessiner les équilibres latino-américains : elle déferlerait sur nos rivages Caraïbes auxquels – on a tendance à l’oublier – dont nous faisons parties. Les traversées déjà nombreuses depuis les côtes vénézuéliennes deviendraient massives en cas d’intervention. Comment pourrions- nous rejeter un afflux de réfugiés qu’aucune île de la région ne peut absorber seule. Comme il en est des migrations haïtiennes.
À cela s’ajoute une réalité que l’on préfère ne pas regarder en face : l’effondrement d’un régime n’apporte jamais la stabilité promise. Irak, Libye, Afghanistan… partout, le vide laissé par la chute d’un pouvoir ouvre la voie aux trafics, aux milices, à l’insécurité diffuse.
Dans la Caraïbe, un tel chaos marquerait un basculement brutal. Les routes maritimes deviendraient plus dangereuses, le narcotrafic – déjà tentaculaire – trouverait de nouveaux corridors, et les économies insulaires, dépendantes de leurs échanges, en subiraient un contrecoup immédiat.
L’erreur serait également de croire que cette crise se limite à un duel entre Washington et Caracas. Le Venezuela est désormais un nœud où s’entrecroisent les intérêts russes, chinois et iraniens. Une intervention américaine pourrait transformer la Caraïbe en zone d’affrontement indirect entre grandes puissances, entraînant la France, qu’elle le veuille ou non, à travers la Martinique et la Guadeloupe.
Face à cette menace, la région ne peut se contenter d’attendre. Les Antilles françaises disposent d’alliances, de relais, d’une voix dans la CARICOM et à Bruxelles. Elles doivent les utiliser pour plaider la désescalade, encourager la médiation et préparer un plan humanitaire régional crédible. La prudence n’est pas ici un réflexe frileux, mais un acte de responsabilité.
L’Histoire de la Caraïbe est jalonnée de crises importées. Mais jamais elle ne fut contrainte de les regarder arriver en silence. Cette fois, ne pas parler, ne pas anticiper, ne pas alerter serait une faute. Une guerre au Venezuela n’est pas une hypothèse abstraite : c’est une menace directe pour nos îles, notre sécurité, notre avenir.
Il est temps de le dire clairement, avant que la tempête n’atteigne nos côtes. Nos représentants parlementaires sont là pour cela.
Gérard Dorwling-Carter



