Une proposition controversée de la Commission européenne
La Commission européenne a présenté, dans sa proposition pour le cadre financier pluriannuel 2028-2034, un projet de fusion des politiques régionales et de cohésion. Cette réforme prévoit notamment la disparition du POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) en tant que programme distinct, au profit d’un dispositif intégré dans la politique agricole et régionale commune. Officiellement, Bruxelles souhaite « simplifier » les instruments de financement et renforcer la cohérence des politiques européennes. Mais pour les régions ultrapériphériques (RUP), cette réforme apparaît comme une remise en cause directe du principe de différenciation reconnu par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui impose à l’Union de tenir compte de leurs contraintes spécifiques — l’éloignement, l’insularité, la petite taille des marchés, et la dépendance à quelques produits.
Un risque d’affaiblissement de l’article 349 TFUE
En supprimant le POSEI comme cadre autonome, la Commission européenne risquerait de diluer la reconnaissance juridique et budgétaire des RUP au sein des politiques communes. Le POSEI constitue aujourd’hui l’unique dispositif explicitement fondé sur l’article 349, garantissant des aides adaptées à l’agriculture des Outre-mer. Cette architecture spécifique — dotée de près de 650 millions d’euros par an pour les neuf RUP — permet de soutenir les filières locales (banane, canne, élevage, horticulture) tout en maintenant une production agricole à vocation territoriale et alimentaire. Sa disparition menacerait la stabilité des revenus agricoles, la diversification des productions et la sécurité alimentaire locale, dans des contextes insulaires déjà marqués par des surcoûts logistiques et fonciers.
Un appel au maintien du POSEI dans sa forme actuelle
Face à cette perspective, les représentants des Outre-mer français, espagnols et portugais ont exprimé leur vive inquiétude. En Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion, mais aussi aux Canaries et aux Açores, les exécutifs régionaux plaident pour le maintien du POSEI dans sa forme actuelle, afin de garantir la continuité des soutiens européens aux agriculteurs et la pérennité du modèle agricole ultramarin. Pour les syndicats agricoles et les chambres d’agriculture, le POSEI n’est pas une simple ligne budgétaire, mais un outil de souveraineté alimentaire et de résilience territoriale.
« La suppression du POSEI reviendrait à nier les fondements mêmes de l’article 349, et donc la légitimité du traitement différencié des régions ultrapériphériques », avertissent plusieurs élus du Parlement européen.
Une bataille politique à venir à Bruxelles
Les discussions s’annoncent tendues : le Parlement européen et le Conseil devront trancher entre simplification budgétaire et préservation du statut différencié des RUP. Les délégations ultramarines françaises — notamment celles de La Réunion et de la Martinique — envisagent de former un front commun avec les eurodéputés des Açores, des Canaries et de Madère, afin d’obtenir le maintien d’un POSEI autonome au sein du futur cadre financier européen.
— Qu’est-ce que le POSEI ?
Le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) a été créé en 1991 pour soutenir les filières agricoles des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne : les départements et régions d’Outre-mer français, les Açores, Madère et les Canaries. Financé par le budget de la PAC, il repose sur deux volets : le soutien à la production locale et la compensation des surcoûts liés à l’importation de produits essentiels. Le POSEI représente aujourd’hui un pilier de la sécurité alimentaire et de la cohésion territoriale des Outre-mer, avec un financement global de près de 650 millions d’euros par an.


