Une statue représentant les « femmes de réconfort », à  Séoul, vendredi 8 janvier. Ahn Young-joon / AP


Tokyo conteste la légalité de ces poursuites, estimant que ces contentieux ont été réglés par le traité de 1965 qui avait permis la reprise des relations diplomatiques bilatérales.

Le Monde avec AFP

Il s’agit du premier dossier civil présenté à la justice en Corée du Sud contre Tokyo par celles qui étaient appelées dans un euphémisme « femmes de réconfort », et qui étaient de fait les esclaves sexuelles des militaires japonais.

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Dans son jugement, le tribunal relève que le Japon impérial était responsable du système des « femmes de réconfort ». « Les plaignantes (…) furent soumises à une exploitation sexuelle prolongée », affirme-t-il. « Cela relevait d’un acte illégal contre l’humanité et le défenseur a l’obligation de compenser les victimes pour le préjudice mental. »

Jusqu’à 200 000 femmes forcées à se prostituer

Tokyo et Séoul sont deux alliés clés des Etats-Unis dans une région dominée par la Chine et confrontée à la menace d’une Corée du Nord dotée de l’arme nucléaire.

Mais leurs relations restent tendues en raison des vieux contentieux hérités de la période où la péninsule coréenne était une colonie japonaise (1910-1945). Et elles se sont encore envenimées depuis l’arrivée au pouvoir du président sud-coréen de centre-gauche Moon Jae-in, un avocat engagé dans les dossiers des droits de l’homme.

Selon la majorité des historiens, jusqu’à 200 000 femmes – principalement originaires de Corée mais également d’autres pays asiatiques y compris la Chine – ont été forcées à se prostituer dans des bordels militaires japonais. Le jugement rendu vendredi découle de poursuites intentées il y a huit ans. Seules cinq des douze plaignantes sont encore en vie, les autres sont représentées par leurs familles.

« Premier verdict du genre »

Tokyo a toujours refusé de comparaître, soutenant que le contentieux avait été vidé par le traité de 1965. Celui-ci avait impliqué le versement de réparations qui ont contribué à l’extraordinaire essor sud-coréen. Il stipulait en outre que toutes les réclamations entre les Etats et leurs ressortissants se trouvaient « réglées complètement et définitivement ».

Mais pour le tribunal de Séoul, cet accord ne portait pas sur le droit des femmes à réclamer des dédommagements au Japon.

« Je suis profondément émue par la décision rendue aujourd’hui », a déclaré aux journalistes Kim Kang-won, un des avocats des plaignantes. « C’est le premier verdict du genre pour les victimes qui ont souffert à cause des troupes japonaises. »

Rejetant l’argument selon lequel le contentieux aurait été vidé en 1965, il a rappelé qu’à cette époque, la question tragique des « femmes de réconfort » ne faisait l’objet d’aucune discussion. Il fallut attendre les années 1990 pour que ce douloureux sujet émerge véritablement en Corée du Sud, à la faveur de la montée en puissance de mouvements féministes.

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Un précédent accord entre la Corée du Sud et le Japon dénoncé

Le gouvernement japonais nie être directement responsable de ces violences sexuelles, insistant sur le fait que les victimes avaient été recrutées par des civils et que les bordels militaires étaient exploités commercialement.

Kim Dae-wol, de La Maison du partage, une organisation de soutien aux victimes, affirme que ce qui motive ces dernières, ce ne sont pas les dédommagements. « Ce qu’elles veulent, c’est que le gouvernement japonais informe ses citoyens des atrocités qu’il a commises », explique-t-elle.

En 2015, la Corée du Sud et le Japon avaient conclu un accord « définitif et irréversible » aux termes duquel le Japon offrait ses « excuses sincères » et versait un milliard de yens (7 millions d’euros) de dédommagements à une fondation afin d’aider les rares « femmes de réconfort » sud-coréennes toujours en vie.

Mais cet accord, conclu par le gouvernement conservateur de l’ancienne présidente, destituée en 2017, Park Geun-hye, avait été critiqué par une partie de l’opinion sud-coréenne, en raison notamment du refus japonais d’assumer une pleine responsabilité juridique. Et une fois au pouvoir, M. Moon avait dénoncé l’accord en regrettant que les victimes n’aient pas été associées à cette négociation. Le sujet avait entraîné une nette dégradation des relations bilatérales, avec des conséquences sur les plans du commerce et de la sécurité régionale.

Le tribunal du district central de Séoul doit rendre la semaine prochaine sa décision sur une autre affaire, similaire, qui implique une vingtaine de plaignantes

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