Ce dimanche 26 mars à 18h30, le Centre Culturel du bourg du Lamentin vous invite à embarquer pour un voyage musical décliné par l’ensemble Vox Caribaei (prononcé Caribéi) et intitulé « Quatre musiciens nés esclaves » ; un voyage se présentant notamment comme une « rencontre avec la diaspora noire dans l’Angleterre du 17ème siècle ». Musicien professionnel (organiciste et claveciniste) à la très solide formation ainsi que compositeur, Eric Martinel est le porteur de ce projet original, placé sous les bienveillants auspices de la « musique ancienne ». De quoi s’agit-il ? Entretien avec un artiste talentueux et passionné, porté par le désir de faire découvrir et de partager.

Eric Martinel et des figurines du spectacle

Antilla : Quel a été, dans les grandes lignes, le contenu de vos études musicales ? Et quel était l’objectif majeur de la création de Vox Caribaei ?

Eric Martinel : J’ai fait des études de composition et d’orgue. J’ai fondé Vox Caribaei en 2016, dans le but de faire revivre les musiques anciennes qui ont existé à travers le monde.

Pourquoi cet intérêt pour cette musique et ce répertoire-là ? Est-ce lié à votre formation musicale ?

Cela s’est joué assez tôt dans l’enfance. J’ai aimé l’orgue dès l’enfance : à l’époque il y avait un dessin animé dans lequel on entendait quelques notes d’orgue, extraites de ‘’La Toccata et fugue’’ de Jean-Sébastien Bach, et ça a été un déclencheur d’intérêt pour moi. C’était aussi la période où les grands ensembles de musique ancienne commençaient à sortir des disques. Donc il y a eu tout cet environnement sonore au même moment, quand j’avais entre 10 et 12 ans.

Quelle est la « genèse » de Vox Caribaei ?

En 2016 j’ai réuni plusieurs personnes pour fonder une association, car ça me tenait à coeur de partager cette musique ancienne, d’attirer un maximum de personnes, de susciter la curiosité et de montrer que ce sont des répertoires très divers – à savoir la musique ancienne de l’Europe et du reste du monde -, ce qui permet de faire voir la beauté qui se trouve dans diverses civilisations.

L’expérience est enrichissante car notre public est composé aussi bien de connaisseurs que de néophytes » 

A Madinina Bloc

Comment les musiciens de Vox Caribaei et vous-même avez accès aux  partitions et autres « matériaux » pour pouvoir jouer cette musique-là ? Cela implique aussi un travail de recherche documentaire, non ?

Absolument et nous avons la chance, au long de l’Histoire, que des gens aient consigné cela – par exemple sous forme de fragments pour la musique de l’Antiquité grecque – mais il est parfois compliqué de redonner une vie musicale, à cause du caractère très lacunaire de tel ou tel fragment. Mais pour des musiques plus récentes, comme par exemple la musique des esclaves au 17ème siècle dans la Caraïbe, il y a des notations de voyageurs qui sont suffisamment fiables et abondantes pour donner une bonne idée des contours mélodiques. Et une fois qu’on s’est bien familiarisés à la musique et à son esprit, c’est relativement simple d’y greffer des percussions par exemple.

Au fait, quelle est la différence entre musique ancienne et musique dite « classique » ? Quelles sont les distinctions essentielles ?

Ce sont un peu des querelles de chapelles (rires) ; la musique classique est une façon de voir la musique. Cela part d’une expression utilisée par Goethe (célèbre homme de lettres, des arts et scientifique allemand, ndr) qui parlant de la musique de Haydn, de Beethoven et de Mozart avait trouvé que c’était un idéal et qu’il y avait là une sorte d’âge classique, comme il y a eu un âge classique dans la Grèce antique. Goethe trouvait que la musique de ces trois musiciens surpassait tout ce qui avait été fait précédemment. C’est pour cela qu’on a pris l’habitude de parler de musique classique pour toute la musique écrite. Mais dans les années 1970 il y a eu un mouvement de très jeunes musiciens à l’époque, appelés satiriquement par certains le ‘’mouvement des baroqueux’’, qui ont voulu retrouver des manuscrits, etc. Et cela a créé, au sein même du milieu de la musique classique, une autre ‘’école’’, qui avait une autre approche et qui se basait davantage sur les sources pour travailler, et moins sur un certain académisme. Ce qui devenait important c’était davantage ce que disaient les sources, plutôt que ce qu’on avait appris d’un professeur ou d’une tradition.

Vox Caribaei se produit publiquement depuis 2017 : quels sont les retours de personnes qui ont totalement découvert cette musique ancienne ?

L’expérience est enrichissante car notre public est composé aussi bien de connaisseurs que de néophytes. Et généralement les retours sont agréables et sympathiques : soit les gens expriment leur satisfaction d’avoir découvert quelque chose ; soit les gens retrouvent, également avec satisfaction, certains critères auxquels ils sont déjà habitués.

Le but de la structure était que ce soit un spectacle grand public, donc destiné à un maximum de personnes » 

A l’Atrium

Sans trop en dévoiler du spectacle, y-aura-t-il exclusivement les musiciens* de Vox Caribaei sur scène ce 26 mars ? Seront-ils aux côtés d’autres artistes ?

Les musiciens partageront la scène mais avec des figurines et des miniatures (sourire). C’est la musique qui va structurer et commenter l’action, et qui va apporter tous les éléments d’émotion(s). Les décors du spectacle camperont l’atmosphère des lieux fréquentés par les musiciens de l’époque, et grâce à ces miniatures il y aura une succession de tableaux au fil de ce voyage musical. Ces tableaux permettront de capter des éléments biographiques marquants du parcours de chacun des musiciens auxquels nous rendons hommage. Car je rappelle que ces musiciens ont véritablement existé, au 18ème siècle et pour certains jusqu’au début du 19ème *.

Etes-vous l’unique concepteur et scénariste de ce spectacle ?

C’est essentiellement moi qui ait écrit le scénario. D’ailleurs cela pourrait être intéressant, pour l’avenir, d’imaginer des collaborations avec des gens dont c’est le métier d’écrire des scenarii.

Le tarif pour assister au spectacle est de dix euros, donc un prix très abordable : est-ce là une volonté d’accessibilité de la part de l’équipe ?

Oui, le but de la structure était que ce soit un spectacle grand public, donc destiné à un maximum de personnes. Nous espérons que cela permettra de faire découvrir et d’élargir le nombre d’amateurs et d’amatrices de ces musiques anciennes.

Propos recueillis par Mike Irasque

*Les musiciens de ce spectacle sont Johann Jean-Alexis (violon 1), Nona Lawrence (violon 2),  Jean-Damien Poullet (alto), Lara Slabiak (violoncelle) et Eric Martinel (clavecin et coordination musicale). Eric Martinel a étudié la composition musicale à l’Institut Supérieur des Arts de La Havane (Cuba) et est diplômé de composition (École Normale de Musique de Paris), d’analyse musicale (Conservatoire de Paris) et d’orgue (Conservatoire du XVIIème arr. de Paris). Ces quatre musiciens mis à l’honneur sont Ignatius Sancho (compositeur, écrivain, commerçant et abolitionniste), Julius Soubise (acteur, bretteur, cavalier et violoniste amateur), Billy Waters (vétéran de la Royal Navy et artiste de rue) et Joseph Antonio Emidy (compositeur, chef d’orchestre et violoniste professionnel).

Le spectacle

 

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