Dévoilé par Steve Jobs voici quarante ans, en janvier 1984, le Macintoch a posé les bases de l’informatique moderne en démocratisant souris et interface graphique. Mais c’est son successeur, l’iMac, qui a sauvé le groupe de la faillite et ouvert la voie au succès planétaire de l’iPhone. Source : www.lesechos.fr

Photo : Le premier Macintosh 128K, avec son écran à affichage noir et blanc, sorti en janvier 1984. (© Shutterstock)

Par Benoît Georges

Le 22 janvier 1984, pendant la retransmission du Super Bowl, 96 millions de téléspectateurs américains découvrirent une publicité qui allait entrer dans l’histoire. Ce film d’une minute, réalisé par Ridley Scott, montrait un univers de science-fiction encore plus terne et effrayant que celui de son chef-d’oeuvre « Blade Runner », sorti un an et demi auparavant : dans une ambiance inspirée du livre « 1984 » de George Orwell, il mettait en scène une foule d’hommes vêtus de gris, visages fermés et crânes rasés, absorbés dans la contemplation d’un écran géant affichant un « Big Brother » au ton martial. Jusqu’à ce qu’une jeune femme blonde, vêtue d’un short rouge et d’un tee-shirt blanc, fasse voler en éclats l’image du dictateur d’un athlétique lancer de marteau, et que s’affiche le message final : « Le 24 janvier, Apple Computer présentera le Macintosh. Et vous verrez pourquoi 1984 ne sera pas comme ‘1984’ ».

La publicité « 1984 » de Ridley Scott

Le clip, créé par l’agence californienne Chiat\Day, ne fut diffusé qu’une seule fois sur une chaîne nationale. Mais il est considéré à ce jour comme l’une des meilleures campagnes télévisuelles de tous les temps – une enquête publiée en 1995 par le magazine américain « Advertising Age » la consacre même comme « la meilleure ». Il acte aussi, sans jamais la montrer, la naissance d’une machine qui, à défaut de renverser les dictatures, allait révolutionner à jamais le monde de l’informatique.

Montage d'ordinateurs Macintosh dans une usine Apple, dans la Silicon Valley, en mai 1984. 

Montage d’ordinateurs Macintosh dans une usine Apple, dans la Silicon Valley, en mai 1984. © Michel Baret/Gamma Rapho

Si, quarante ans plus tard, nos ordinateurs sont tous dotés de souris ou de pavés tactiles, si leurs écrans affichent des dossiers, des fenêtres et des icônes, c’est en grande partie parce que le Macintosh a ouvert la voie des interfaces graphiques. Si, par la suite, Apple a pu s’imposer dans la téléphonie mobile, les tablettes et les montres connectées, au point de devenir la première capitalisation boursière mondiale , c’est aussi en reprenant les règles fixées avec le Mac : facilité d’utilisation, design novateur et intégration extrême du matériel et du logiciel au sein d’une seule machine, sur laquelle l’entreprise exerce un pouvoir quasi-absolu. « C’est quelque chose de réellement spécifique à Apple : nous combinons le matériel, les services et les logiciels de manière très puissante et unique », indique Tom Boger, vice-président marketing d’Apple pour le Mac et l’iPad.

« Incroyablement génial »

Le Macintosh marque aussi le point de départ d’une tradition bien ancrée chez Apple : les conférences à grand spectacle (« keynotes ») pour célébrer le lancement d’un nouveau produit. Celle consacrée au Mac eut lieu deux jours après le Super Bowl, lors de l’assemblée générale des actionnaires d’Apple dans l’auditorium du De Anza Community College à Cupertino, Californie. Pour l’occasion, Steve Jobs, qui cofonda l’entreprise en 1976 avec Steve Wozniak , monte sur scène en costume sombre et noeud papillon. Après la projection de la publicité de Ridley Scott, il s’empare d’un gros sac noir et déclare : « Vous avez vu des images du Macintosh, mais maintenant j’aimerais vous le montrer en personne. »

Steve Jobs présente le Macintosh le 24 janvier 1984

Tel un magicien sortant un lapin de son chapeau, il brandit l’ordinateur, puis sa souris, et insère une disquette. Le petit écran s’allume et la musique triomphale du film « Les Chariots de feu » retentit, alors que les mots « Macintosh » et « Insanely Great » (« incroyablement génial ») s’affichent en noir sur fond blanc, suivis de captures d’écran montrant les logiciels disponibles – traitement de texte, dessin, jeu d’échecs…

Jobs donne ensuite la parole au Mac, qui d’une voix robotique se réjouit d’être sorti du sac, lance une pique contre IBM (« Ne faites jamais confiance à un ordinateur que vous ne pouvez pas soulever ») avant de saluer « l’homme qui a été comme un père pour moi, Steve Jobs ». Les spectateurs, debout, applaudissent à tout rompre. « La présentation du Mac était historique et hystérique », se souvient Jean-Louis Gassée, patron d’Apple France en 1984, qui avait eu droit à une avant-première lors de la réunion des revendeurs à Hawaï, deux mois auparavant. « Avec mon esprit français, un peu sceptique et sarcastique, je pensais que les meilleurs propagandistes n’arrivaient pas à la cheville de Jobs. »

En 1984, Steve Jobs et Steve Wozniak, cofondateurs d'Apple, entourant John Sculley, le patron de l'époque, présentent l'ordinateur Apple IIc. 

En 1984, Steve Jobs et Steve Wozniak, cofondateurs d’Apple, entourant John Sculley, le patron de l’époque, présentent l’ordinateur Apple IIc. © Sal Veder/Ap/SIPA

D’autant que le cofondateur d’Apple était loin d’être le seul « père » du Macintosh. Le projet avait débuté dès 1979 sous la direction de Jef Raskin, un des premiers employés d’Apple, dont la variété de pomme préférée s’appelait McIntosh. A l’époque, l’Apple II, conçu par Steve Wozniak et lancé en 1977, connaît un succès phénoménal, et l’entreprise prépare son successeur, l’Apple III. Mais Raskin a en tête une machine radicalement différente, facile à utiliser et vendue moins de 1.000 dollars, avec l’idée que l’informatique doit être accessible au plus grand nombre. Steve Jobs, lui, travaille sur un tout autre ordinateur, beaucoup plus ambitieux, qui porte étrangement le même nom que sa propre fille, dont il a refusé de reconnaître la paternité : Lisa.

Une souris venue de Xerox

Lancé en 1983 et destiné aux entreprises, le Lisa d’Apple est le premier ordinateur commercial doté d’une interface graphique, quand les machines de l’époque ne communiquent avec l’utilisateur que par du texte, par le biais de commandes bien trop ésotériques pour attirer le grand public. L’idée d’interagir par le biais d’une souris, d’un pointeur et de fenêtres n’est pas née chez Apple, mais dans le laboratoire californien de Xerox, le Palo Alto Research Center (PARC), que Jobs et ses développeurs avaient visité à la fin de 1979, et dont ils s’inspirèrent sans vergogne. « Ce n’était que des fabricants de photocopieurs qui n’avaient pas la moindre idée de ce que pouvait faire un ordinateur. Ils ont juste raté le coche », confia des années plus tard Steve Jobs à son biographe, Walter Isaacson (*).


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Débarqué du projet Lisa en 1980 à cause de ses terribles accès de colère contre les ingénieurs de ce programme stratégique, Jobs rejoint l’équipe Macintosh de Jef Raskin… dont il ne tarde pas à obtenir le départ. Son idée ? Garder les icônes, les fenêtres et la souris du Lisa, mais dans une machine bien plus accessible : le premier Lisa coûtait près de 10.000 dollars (l’équivalent de 27.500 euros de 2024), le Mac sorti un an plus tard est vendu « seulement » 2.495 dollars. A l’opposé de l’Apple II, facile à ouvrir et à bidouiller, l’entrepreneur impose un design compact, qui interdit quasiment toute possibilité d’extension.

« Steve Jobs était fasciné par Sony, une entreprise qui vendait le meilleur de la technologie – la high-tech, comme on disait à l’époque – de façon intégrée et facile à utiliser. Son obsession, c’était de faire un ordinateur aussi simple qu’une télévision ou un Caméscope », explique Jean-Louis Frechin, designer spécialisé dans le numérique et l’innovation et fondateur de l’agence Nodesign.

« Le choc de deux civilisations »

Soutenu par le nouveau PDG d’Apple, John Sculley, venu de Pepsi, Jobs réussit malgré son mauvais caractère légendaire à rassembler les meilleurs ingénieurs et développeurs du groupe. Il faut dire que l’heure est grave : depuis la sortie de l’IBM PC, à l’été 1981, les parts de marché de l’Apple II s’effondrent, et les flops de l’Apple III et du Lisa, trop chers et peu fiables, risquent de mettre l’entreprise en péril. Tous les espoirs reposent donc sur le Macintosh, présenté comme la seule alternative face au rouleau compresseur IBM – le « Big Brother » du film est une allusion très peu subtile à « Big Blue ».

« Jamais le lancement d’un nouvel ordinateur n’aura autant symbolisé le choc de deux civilisations, de deux cultures », écrit le journaliste Jacques Jublin dans « Les Echos » du 25 janvier 1984, sous un titre teinté d’humour : « Big Mac contre Big Brother ».

Steve Jobs en 1998 avec l'iMac, le successeur du Macintosh qui relancera Apple.

Steve Jobs en 1998 avec l’iMac, le successeur du Macintosh qui relancera Apple.© Moshe Brakha/Ap/SIPA

Au départ, les ventes s’envolent, portées par une campagne médiatique sans précédent. Mais elles s’essoufflent au bout de quelques mois, car le Mac, certes très innovant, est également lent, un peu cher (son prix dépasse celui d’un IBM PC d’entrée de gamme), pauvre en logiciels et limité au noir et blanc, quand ses compétiteurs, y compris le vieil Apple II, affichent déjà en couleurs.

« Pour des raisons encore insondables à ce jour, Jobs ne voulait pas autre chose que du noir et blanc », raconte Jean-Louis Gassée, qui rejoint le siège d’Apple en 1985 avec pour mission de sortir le Macintosh de l’ornière. Mais le rêve de renverser le « Big Brother » IBM s’éloigne de plus en plus, d’autant que Microsoft, partenaire des deux entreprises au départ, choisit de privilégier le PC avec Windows, un système d’exploitation graphique ressemblant à celui du Mac.

Tristes clones

En septembre 1985, Steve Jobs est poussé à la démission après avoir tenté de renverser le PDG John Sculley, coupable de l’avoir écarté de la division Mac. La décennie suivante sera bien terne pour Apple. Malgré un noyau dur de fans, le Mac ne parvient pas à s’imposer à grande échelle. « Apple a fait une erreur qui a duré très longtemps : courir après l’informatique des entreprises. Or, de mon point de vue, il était impossible de lutter directement contre IBM, donc il fallait aller ailleurs », analyse Jean-Louis Gassée, qui quitte la société en 1990.

Débarqué à son tour en 1993, Sculley est remplacé par un vétéran d’Apple, Michael Spindler, qui taille dans les effectifs et décide – ô sacrilège – de copier la stratégie d’IBM en laissant des fabricants extérieurs fabriquer des « clones » de Macintosh bon marché. « Cela a bien failli tuer Apple. Non seulement les clones n’ont pas augmenté la part de marché du Mac, mais ils ont cannibalisé les ventes d’Apple », analyse Olivier Frigara, fondateur et présentateur du podcast « On refait le Mac ».


Vendant de moins en moins de machines, Apple peine aussi à développer un système d’exploitation moderne pour le Macintosh, et finit par aller le chercher chez… Steve Jobs ! Fin 1996, le groupe acquiert pour 427 millions de dollars NeXT, une entreprise informatique que Jobs avait créée après son départ forcé. C’est l’un des retours les plus spectaculaires de l’histoire du capitalisme américain. Revenu comme simple consultant, le cofondateur est nommé PDG par intérim six mois plus tard.

Tim Cook, patron d'Apple, le 20 avril 2021, pose avec les nouveaux iMac M1 dotés des processeurs Apple Silicon, à l'Apple Park de Cupertino.

Tim Cook, patron d’Apple, le 20 avril 2021, pose avec les nouveaux iMac M1 dotés des processeurs Apple Silicon, à l’Apple Park de Cupertino.© Handout/Apple Inc. /AFP

A peine arrivé, Jobs met fin au clonage et se lance dans ce qui doit être à la fois l’avenir du Macintosh et son retour aux sources : un ordinateur monobloc, comme le modèle de 1984, si simple à utiliser que l’acheteur pourra se connecter à Internet quelques minutes après l’avoir sorti de son carton.

Afin de marquer les esprits et d’incarner le nouveau slogan d’Apple, « Think Different », Steve Jobs veut s’éloigner des boîtes beiges qui constituent à l’époque l’uniforme de tous les ordinateurs. Le chef de l’équipe design d’Apple, un Britannique de 30 ans nommé Jony Ive, trouve une solution spectaculaire : une bulle de plastique translucide, dont la coque d’un bleu vert vif laisse entrevoir les composants, et qui, clin d’oeil au Macintosh d’origine, est même équipé d’une poignée.

Le carton de l’iMac

Comme en 1984, la présentation de l’iMac a lieu au De Anza Community College, le 6 mai 1998. En chemise blanche et veste noire, mais cette fois sans noeud papillon, Steve Jobs commence par énumérer les avancées depuis son arrivée aux commandes : retour aux bénéfices, hausse des parts de marché, simplification de la gamme…

Faisant durer le suspense, il passe ensuite en revue les capacités de la nouvelle machine, avant de la révéler au public en soulevant un voile de tissu noir, et de faire monter sur scène un cameraman, chargé de montrer l’iMac sous toutes ses coutures. « L’arrière de cette machine est plus beau que l’avant de n’importe quel autre ordinateur ! », s’extasie Jobs, sous un tonnerre d’applaudissements.

La présentation de l’iMac le 6 mai 1998

Le premier iMac est un carton planétaire , porté par un prix compétitif (1.299 dollars) et par une campagne publicitaire de 100 millions de dollars. « Pour une clientèle qui n’était pas obligée d’utiliser un PC, le Mac est apparu comme très supérieur : plus beau, certes plus cher, mais aussi plus performant », reconnaît Jean-Louis Gassée. Décliné par la suite en plusieurs couleurs vives, l’iMac aux formes arrondies se vend à plus de 5 millions d’exemplaires au cours de ses cinq années d’existence, et reste dans l’histoire comme « l’ordinateur qui sauva Apple ». Il a même changé radicalement le cours de l’entreprise. « Jobs et Ive ont fait basculer l’informatique du monde professionnel vers des produits ‘lifestyle’. Ils ont fait sortir l’ordinateur des bureaux, comme ils ont ensuite changé la musique et la téléphonie », estime Jean-Louis Frechin.

« L’effet halo » des produits à la pomme

Avec le baladeur numérique iPod, sorti en 2001, et surtout avec l’iPhone (2007) et l’iPad (2010), le duo parvient à dépasser le cercle habituel des fans d’Apple pour toucher enfin un public bien plus large. Le succès de ces machines rejaillit en partie sur le Mac, parce qu’elles fonctionnent mieux avec les ordinateurs d’Apple et parce qu’elles contribuent à donner une image positive de la marque. Cet « effet halo » permet aux ventes de Mac de s’envoler auprès des particuliers, pour atteindre près de 10 % des ventes de PC en 2008, contre moins de 4 % dix ans plus tôt.


Leader sur le marché des smartphones, Apple reste aujourd’hui très minoritaire dans celui des ordinateurs – en particulier dans le monde de l’entreprise, où le PC règne sans partage. « L’ADN d’Apple n’est pas de vendre aux entreprises, c’est de vendre aux utilisateurs », explique Olivier Frigara. En France, certaines entreprises ont cependant choisi de privilégier le Mac, à l’image de Foncia, avec une flotte de 10.000 ordinateurs Apple, ou de laisser leurs salariés choisir entre Mac et PC, comme Suez, Criteo ou Alstom.Vice-président d’Apple chargé des logiciels, Craig Federighi avance une autre explication à la domination des PC sur  le marché : « Notre but a toujours été de faire les meilleures machines, pas forcément les plus nombreuses. Si vous regardez le marché du PC, il y a de gros volumes sur des machines que nous ne voudrions pas vendre, parce que l’expérience qu’elles procurent n’est pas à la hauteur du Mac. Et c’est très bien comme ça ! »

De nouvelles puces conçues en interne

Si le Mac représente désormais moins de 10 % des ventes d’Apple (29 milliards de dollars sur un chiffre d’affaires de 383 milliards pour l’année fiscale 2023), il reste essentiel pour la stratégie de l’entreprise. Tim Cook, PDG depuis 2011, n’a pas les talents du défunt Steve Jobs pour enflammer les foules, mais chaque nouvelle génération de Mac, fixe ou portable, donne lieu à un événement retransmis en direct sur le site d’Apple. Différence notable : ces dernières années, l’accent est moins mis sur le design des machines que sur leurs processeurs. En 2020, Apple a en effet choisi d’abandonner Intel et de mettre au point ses propres puces pour ordinateur, comme il le faisait déjà depuis 2010 pour ses téléphones et ses tablettes.

Le MacBook pro doté des puces M3, présentées en décembre 2023.

Le MacBook pro doté des puces M3, présentées en décembre 2023.© Apple

Réunis sous l’appellation Apple Silicon, les processeurs sont tous conçus en interne, et sont produits par le fondeur taïwanais TSMC. C’est grâce à Apple que TSMC est devenu le premier fabricant mondial de processeurs, et ce dernier lui donne en retour un accès prioritaire aux technologies de gravure les plus avancées. « Dès le départ, Apple Silicon était une architecture évolutive, indique Tom Boger. Nous l’avons d’abord appliquée au téléphone, puis nous l’avons étendue à l’iPad, et enfin au Mac. Il s’agissait donc d’une évolution naturelle au fil du temps. C’est aussi très bénéfique pour les développeurs, non seulement pour nos propres ingénieurs qui créent l’iPad, OS, iOS et MacOS, mais aussi pour les développeurs de logiciels tiers. »

Neural Engine, le composant de l’IA

Les puces M3 des nouveaux Mac, présentées en décembre 2023, sont ainsi les premières au monde gravées avec une technologie 3 nanomètres (nm), quand les derniers processeurs pour PC d’Intel, lancés au même moment, sont encore à 7 nm. Cela permet de placer davantage d’éléments sur une même surface de silicium, notamment pour les calculs d’intelligence artificielle qui bénéficient d’un composant spécifique, Neural Engine. Cela réduit aussi la consommation énergétique, un argument de poids à l’heure où les ordinateurs portables constituent l’essentiel du marché. Les derniers MacBook revendiquent ainsi jusqu’à 18 ou 22 heures d’autonomie sur une seule charge.

« Il y a beaucoup de cas où l’IA est utilisée en coulisse, sans que vous vous en rendiez compte, explique Craig Federighi. Quand un logiciel de visioconférence sépare votre image et montre l’arrière-plan flou, c’est le Neural Engine qui fait ce travail, en optimisant la consommation énergétique pour que l’ordinateur soit totalement silencieux et que la batterie ne se vide pas. Et si vous pouvez extraire le texte instantanément d’une photo ou d’une capture d’écran, ou si les outils de reconnaissance vocale retranscrivent votre voix de façon incroyable, c’est parce que les modèles d’apprentissage automatique tournent directement sur l’appareil. »

Tim Cook présente les puces Apple Silicon pour Mac

« Quand nous avons démarré, nous construisions des ordinateurs à partir de composants sur lesquels nous n’avions que peu, voire pas du tout de contrôle, explique Kate Bergeron, vice-présidente d’Apple chargée de l’ingénierie hardware. Concevoir les puces qui sont au coeur du Mac nous fait envisager l’expérience d’un ordinateur d’une manière radicalement différente. Nous n’aurions jamais pu proposer une machine comme le MacBook Air actuel si nous n’avions pas cette intégration totale. »

Le casque, prochaine étape

Autre avantage : en développant l’ensemble de ses puces, Apple pousse encore plus loin la compatibilité entre ses différents appareils, via une fonction appelée « Continuité ». « Cela permet d’échanger les documents de façon très simple et très fluide entre le Mac, l’iPhone ou l’iPad, et cela va continuer à faire venir les gens vers le Mac », indique Kate Bergeron.


Les puces Apple Silicon sont aussi au coeur du nouveau produit le plus attendu d’Apple depuis des années : le casque Vision Pro. Présenté par Tim Cook en juin dernier, cet appareil qui mêle réalité virtuelle et réalité augmentée utilise comme interface les gestes, le regard et la voix. Son arrivée dans les Apple Stores américains est programmée pour le 2 février, pour un prix (3.499 dollars) trois fois supérieur à celui d’un MacBook d’entrée de gamme. « Tout comme le Mac nous a fait découvrir l’informatique personnelle, et comme l’iPhone nous a fait découvrir l’informatique mobile, le Vision Pro va nous faire découvrir l’informatique spatiale », affirme le PDG d’Apple lors du lancement.

Le casque Vision Pro sortira le 2 février 2024. 

Le casque Vision Pro sortira le 2 février 2024. © Apple

Si les premières images du Vision Pro montrent qu’il peut servir à jouer, à communiquer et à travailler, les dirigeants d’Apple tiennent à le présenter comme un complément de l’ordinateur, pas comme son remplaçant. « De l’iPhone à l’iPad en passant par l’Apple Watch, tous les appareils apparus après le Macintosh ont fini par le compléter. Et le Mac a continué à être utile, en s’adaptant à toutes ces vagues de changement, estime Craig Federighi. Je peux donc imaginer que le Vision Pro occupera une place unique dans la vie des gens, mais que le Mac gardera un rôle très important. » Il est encore trop tôt pour dire si, comme son ancêtre, le casque d’Apple révolutionnera l’informatique. Mais une chose paraît sûre : pas question qu’il fasse de l’ombre à une icône quadragénaire !

* « Steve Jobs », par Walter Isaacson, Editions Jean-Claude Lattès, 2011.

Huit Mac qui ont fait l’histoire

Macintosh 128K (1984). Le premier Mac n’a pas détrôné l’IBM PC, son objectif d’origine. Mais il a changé le visage de l’informatique en popularisant la souris et les interfaces graphiques.

Macintosh II (1987). Plus gros et plus cher, le « Big Mac » s’éloigne de la vision de Steve Jobs en apportant la couleur et la possibilité d’installer des cartes d’extension.

Powerbook 100 (1991). Deux ans après le flop du premier Macintosh portable, ce modèle plus compact, conçu avec Sony, fut un des rares succès d’Apple au début de la décennie 1990.

iMac G3 (1998). Symbole du retour de Steve Jobs aux commandes, c’est un coup de génie, qui casse les codes de l’informatique et surfe sur la vague d’Internet.

PowerMac G4 Cube (2000). Un geste de designer et une prouesse technique (faire tenir une machine puissante dans un cube de 20 cm), mais un échec commercial « spectaculaire », dixit Tim Cook.

Mac Mini (2005). Les Mac n’ont jamais été des ordinateurs très bon marché… sauf celui-ci, vendu 500 dollars (sans clavier, ni écran, ni souris), toujours au catalogue dix-neuf ans plus tard.

MacBook Air (2008). Présenté par Steve Jobs comme « l’ordinateur portable le plus fin du monde » (1,9 cm d’épaisseur), il a évolué pour devenir le portable le plus abordable de la marque.

iMac M1 (2021). Premier iMac à profiter des processeurs Apple Silicon, un an après les MacBook, il bénéficie pour l’occasion d’un nouveau design ultraplat et de sept couleurs au choix.

Quand Jobs et Mitterrand rêvaient d’un Mac « made in France »

L’anecdote est rapportée par l’ancien patron d’Apple France, Jean-Louis Gassée, dans ses mémoires publiées l’an dernier aux Etats-Unis (*) : peu après la sortie du Macintosh, Steve Jobs et François Mitterrand ont envisagé de le fabriquer en France. A l’époque, l’Hexagone est le second marché d’Apple derrière les Etats-Unis, et le président français vient de lancer son plan « Informatique pour tous », promettant d’installer des micro-ordinateurs dans toutes les écoles. Mais où les trouver ? « Jobs imaginait que le gouvernement français pourrait pousser une grande entreprise française, comme Thomson, à prendre une licence pour fabriquer des Mac et à les vendre au marché de l’éducation. » Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, proposa même à Jobs de survoler Marseille, dont il était le maire, afin de lui montrer les sites pouvant accueillir une usine. « Les négociations n’aboutirent jamais », écrit Gassée, qui estime que « les industriels français voyaient cette usine, ‘nationalisée’ ou non, comme un moyen de faire entrer le loup dans la bergerie ». A la place du Macintosh, des milliers d’écoliers français découvrirent l’informatique avec le très modeste ordinateur TO7 de Thomson.

* « Grateful Geek. 50 Years of Apple and Other Tech Adventures », par Jean-Louis Gassée, Tavo Reno Publishing, 2023.

Benoît Georges

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