En 2019, 27,4 % de la population martiniquaise vit sous le seuil de pauvreté, soit près de deux fois plus qu’en France métropolitaine. Les familles monoparentales, le plus fréquemment avec une femme à la tête du ménage, les personnes seules, les locataires, mais aussi les personnes âgées sont les ménages les plus exposés à la pauvreté. Les seniors âgés d’au moins 75 ans, de plus en plus nombreux en Martinique, sont aussi fortement touchés par la pauvreté en lien avec une diminution des revenus à la retraite. Antonin Creignou, Marcelle Jeanne-Rose (Insee)

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En 2019, 27,4 % de la population martiniquaise vit sous le seuil de pauvreté qui est de 1 100 euros par mois en 2019 (figure 1). Ce seuil de pauvreté est fixé à 60 % du niveau de vie médian métropolitain. Le taux de pauvreté est près de deux fois plus important qu’en France métropolitaine. En Martinique, la moitié de la population a un niveau de vie inférieur à 1 550 euros par mois par unité de consommation (UC). Il est inférieur à celui de la France métropolitaine de 280 euros. Ainsi, ces niveaux de revenus expliquent la faible part des ménages fiscaux imposés : seulement 39,2 % en Martinique contre 57,6 % en France métropolitaine. Comme en France métropolitaine, les revenus des ménages martiniquais proviennent essentiellement d’une activité : 71,2 %, dont 62,5 % correspond à un salaire ou traitement (figure 2). Les indemnités chômage et l’activité non salarié complètent ces revenus d’activité (respectivement 3,5 % et 5,2 %). Néanmoins, un quart des revenus des Martiniquais est issu des pensions de retraite en lien avec la proportion importante de personnes âgées sur l’île (28 % des Martiniquais ont plus de 60 ans).

Comme les autres départements et régions d’outre-mer, la Martinique fait partie des régions les plus touchées par la pauvreté monétaire. Cependant le taux de pauvreté sur l’île de La Réunion reste supérieur (37,2 %). La situation sur le marché de l’emploi en est la principale cause de pauvreté. En effet, le taux de chômage atteint 15 % de la population active, soit 25 500 personnes en 2019. Par ailleurs, 22 300 Martiniquais se situent dans le halo autour du chômage (sans emploi, ils ne sont cependant pas au chômage au sens du Bureau international du travail mais pour autant dans une situation qui s’en approche). Enfin, 12 800 personnes sont en situation de sous-emploi, le plus souvent en temps partiel subi.

En Martinique, les inégalités de revenus sont plus importantes qu’en France métropolitaine. Les 10 % les plus riches perçoivent des revenus au moins 4,1 fois supérieurs à ceux des 10 % les plus modestes (contre 3,4 en France métropolitaine). Par ailleurs, quatre Martiniquais sur dix déclarent rencontrer des difficultés financières au quotidien. En particulier, 10 % des Martiniquais déclarent devoir s’endetter.

 

Figure 1 – Indicateurs de niveau de vie, de pauvreté et d’inégalités de revenus en Martinique et en France métropolitaine en 2019

Indicateurs de niveau de vie, de pauvreté et d’inégalités de revenus en Martinique et en France métropolitaine en 2019
Martinique France Métropolitaine
2019 2019
Taux de pauvreté-Ensemble (%) 27,4 14,5
Nombre de ménages fiscaux 149 292 27 937 964
Nombre de personnes dans les ménages fiscaux 324 217 62 973 019
Nombre de personnes pauvres 88 835 9 131 088
Niveau de vie médian mensuel (€) 1 548 1 828
Niveau de vie médian mensuel des personnes pauvres (€) 841 885
Part des ménages fiscaux imposés (%) 39,2 57,6
Rapport interdécile (D9/D1) 4,1 3,4
  • Note de lecture : les 10 % les plus riches en Martinique gagnent au moins 4,1 fois plus que les 10 % les plus pauvres
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-CCMA, Filosofi 2019 

Figure 2 – Décomposition du revenu disponible en Martinique en 2019 selon le type de ménage

020406080100120-20en %MartiniqueHommesseulsFemmesseulesCouplessans enfantCouplesavec enfantsFamillesmonoparentalesImpôtsPrestations socialesRevenus du patrimoinePensions, retraites et rentesRevenus d’activitélib1lib1blib2lib2blib372,4 %—–72,4 %—–72.4—–72.4MartiniqueFamilles monoparentales
  • Note de lecture : 24,7 % des revenus des Martiniquais proviennent des retraites
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-CCMA, Filosofi 2019 

En Martinique, les familles monoparentales, qui regroupent 31 % de la population, sont particulièrement touchées par la pauvreté : 38,6 % de leurs membres vivant dans la précarité, c’est dix points de plus qu’en France métropolitaine (figure 3). Dans celles dont le parent est une femme, 40 % des membres vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les familles monoparentales dont le parent est un homme, bien que très minoritaires (10 %), cette proportion est inférieure mais reste importante : elle passe à 30%. Cet écart s’explique en partie par un nombre d’enfants plus élevé pour les mères isolées que pour les pères isolés. Les mères sont également plus jeunes : 25 % ont moins de 40 ans contre seulement 13 % des pères isolés.

Le niveau de vie des familles monoparentales est particulièrement faible avec 1 280 € par mois, soit 270 euros de moins que le revenu médian en Martinique. 24 % de leur revenu provient des prestations sociales contre 12 % pour l’ensemble des ménages en Martinique. Pour les familles monoparentales, l’ensemble des prestations sociales se décomposent en prestations familiales (49 %), minima sociaux (29 %) et aides au logement (22 %).

Figure 3 – Taux de pauvreté en Martinique et en France métropolitaine selon le type de ménage

051015202530354045en %HommesseulsFemmesseulesCouplessans enfantCouplesavec enfantsFamillesmonoparentalesMénagescomplexesMartiniqueFrance métropolitainelib1lib1blib2lib2blib318,5 %—–18,5 %—–18.5—–18.5Hommes seulsMénages complexes
  • Note de lecture : 36,7 % des femmes seules vivent sous le seuil de pauvreté en Martinique
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-CCMA, Filosofi 2019

Les personnes vivant seules et les locataires fortement touchés par la pauvreté

De nombreuses personnes seules vivent dans la précarité monétaire, 38 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. En particulier, 40 % des hommes seuls sont pauvres et 37 % des femmes seules sont pauvres. Ces taux sont deux fois plus élevés qu’en France métropolitaine. Les pensions et retraites constituent une part importante des revenus d’activité des personnes seules, 42 % pour les femmes et 29 % pour les hommes. Par ailleurs, la part des prestations sociales s’élève à 12 % pour les hommes seuls et 11 % pour les femmes seules.

En Martinique, 38, % des personnes habitent dans un logement loué et 35 % des locataires vivent sous le seuil de pauvreté (contre 20 % des propriétaires). Lorsque les ressources du ménage sont faibles, les loyers peuvent représenter une charge importante dans leur budget. En 2017, les 20 % les plus modestes consacrent 17 % de leur budget pour les dépenses de logement. Par ailleurs, les membres d’un ménage composé d’un couple sans enfant sont six fois plus touchés par la pauvreté en Martinique (37 %) qu’en France métropolitaine (6 %). La part des pensions et retraites pour ce type de ménage (48 %) s’explique par un nombre important de couples de retraités sur le territoire.

En Martinique, ce sont les membres d’un ménage composé d’un couple avec enfants qui s’en sortent le mieux avec un taux de pauvreté de 18 %, soit seulement cinq points de plus qu’en France métropolitaine. Pour ces ménages, l’essentiel du revenu disponible provient d’un revenu d’activité (96 %). Moins de 7 % du revenu disponible est lié aux prestations sociales.

Les revenus liés à un emploi ou une retraite sont parfois insuffisants

Avoir un emploi ne suffit pas toujours à se protéger de la précarité monétaire. En effet, 13 % des membres d’un ménage dont l’origine principal du revenu provient d’un salaire vivent en dessous du seuil de pauvreté. La situation des non-salariés est encore plus fragile : 29 % des membres des ménages vivant principalement d’une activité non salariée sont touchés par la pauvreté. Néanmoins, le taux de pauvreté des membres des ménages avec comme source principale les indemnités chômage atteint 71 %.

En Martinique, les seniors de 60 ans et plus représentent 28 % de la population. Le taux d’emploi des seniors s’élève à 16 %. Ainsi, la part des traitements et salaires dans l’ensemble des revenus d’activité au-delà de 60 ans reste importante : 47 % pour les personnes âgées de 60 à 74 ans et 22 % pour les 75 ans et plus. En France métropolitaine, cette part est plus modeste, respectivement, 30 % et 5 %. En Martinique, les taux de pauvreté relatifs à ces deux tranches d’âge atteignent 22 % pour les 60-74 ans et 29 % pour les 75 ans et plus. Aux âges avancés, le revenu disponible est peu élevé, traduisant ainsi les difficultés de carrières professionnelles de ces aînés dans le passé (conséquences d’emplois précaires, de carrières professionnelles discontinues, du travail informel). Les faibles niveaux des pensions peuvent aussi amener les retraités à exercer une activité complémentaire. Avec la diminution des revenus qui accompagne la retraite, certaines personnes basculent dans la pauvreté. Ainsi, pour les ménages dont la principale source de revenus provient des pensions et retraites, le taux de pauvreté atteint 32 %, 20 points de plus qu’en France métropolitaine.

Des inégalités de revenus au sein du territoire

De grandes disparités de richesses existent entre les communes de Martinique, en lien notamment avec la concentration des emplois dans le Centre-Agglomération. Dans la Communauté d’Agglomération du Pays Nord Martinique, tournée vers l’activité agricole, se trouvent les neuf communes les plus pauvres. En particulier, le niveau de vie médian y est de seulement 1 110 euros par mois et par UC au Prêcheur et il est inférieur à 1 300 euros à Saint-Pierre, au Lorrain, à Sainte-Marie, Basse-Pointe et l’Apouja-Bouillon, contre 1 550 euros en Martinique (figure 4) .

Trois communes du Nord se démarquent, Le Morne-Vert et Le Carbet avec un niveau de vie médian respectif de 1 630 euros et 1 670 euros ; et surtout Case-Pilote qui bénéficie du dynamisme économique du Centre de la Martinique (le niveau de vie médian s’élève à 1 940 euros). Historiquement, Fort-de-France et son agglomération concentrent l’activité économique de l’île et les retombées économiques s’étendent aux autres communes alentours. Les habitants de Ducos, Robert, Le Lamentin ou Saint-Joseph sont nombreux à travailler à Fort-de-France. Le niveau de vie médian s’élève à 1 560 euros à Fort-de-France et jusqu’à 1 980 euros à Schœlcher.

L’activité économique de l’Espace Sud de la Martinique est portée par le tourisme. Néanmoins, les retombées ne bénéficient pas autant à toutes les communes. Ainsi, au Diamant, aux Trois-îlets et à Ducos le niveau de vie est supérieur à 1 700 euros par mois et par UC pour la moitié de la population. En revanche, les habitants des Anses-d’Arlet et du Vauclin restent défavorisés (avec un revenu médian respectif de 1 360 euros et 1 395 euros).

Figure 4 – Niveau de vie médian par communes en Martinique (en € par mois et par UC)

Les données du graphique sont disponibles dans l'onglet tableau

  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-CCMA, Filosofi 2019 

Figure 5 – Taux de pauvreté en Martinique et en France métropolitaine selon le statut d’occupation du logement

0510152025303540en %PropriétairesLocatairesLocparc socialLocparc privéMartiniqueFrance métropolitainelib1lib1blib2lib2blib322,1 %—–22,1 %—–22.1—–22.1PropriétairesLoc parc privé
  • Note de lecture : 35,1 % des propriétaires en Martinique vivent sous le seuil de pauvreté
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-CCMA, Filosofi 2019 ; Enquête Revenus Fiscaux et Sociaux (ERFS) pour la France métropolitaine

Encadré 1 – Le taux de pauvreté évolue selon les mesures fiscales touchant les ménages modestes

En lien avec la concentration des revenus autour du seuil de pauvreté (10 % des Martiniquais disposent d’un niveau de vie compris entre 950 et 1 140 euros par mois et par UC), certains changements dans la législation fiscale peuvent avoir un impact important sur le taux de pauvreté. Par exemple, la diminution de 5 euros par mois du montant des aides au logement en 2018 et le gel de leur barème affectent le niveau de vie des bénéficiaires et certaines personnes passent sous le seuil de pauvreté. En revanche, les mesures fiscales touchant des ménages, dont le niveau de vie est éloigné du seuil de pauvreté, n’affectent pas le taux de pauvreté. Par exemple, en 2018, 80 % des ménages les plus modestes voient leur taxe d’habitation baisser de 30 % ce qui contribue à rehausser le niveau de vie des ménages du milieu de la distribution et impacte peu le taux de pauvreté. D’autre mesures échappent à la source Filosofi comme la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et les heures supplémentaires exonérées, peu ou pas déclarées par les contribuables. Une estimation nationale, indique que ces suppléments de revenus auraient eu pour impact d’augmenter de façon sensible tous les déciles de niveau de vie.

Encadré 2 – En 2020 , un quart des Martiniquais indiquent une dégradation financière liée au premier confinement

Entre 2015 et 2019, le taux de pauvreté oscille entre 31 % en 2015 et son plus bas niveau en 2019 (27 %). Suite au confinement en 2020 pour lutter contre la propagation du coronavirus, un quart des Martiniquais jugent leur situation financière dégradée (Enquête Epicov, Pour en savoir plus). Malgré les mesures déployées pour soutenir l’emploi et les revenus des ménages, la situation s’est détériorée, particulièrement pour les plus modestes. Les personnes en activité ne sont pas épargnées, notamment les travailleurs temporaires dont les opportunités d’embauches ont chuté. Le nombre de bénéficiaires des prestations d’insertion, déjà élevé, augmente.

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