Une procédure pénale frappe la coopérative martiniquaise Madivial, soupçonnée d’avoir détourné plusieurs millions d’euros de subventions européennes destinées à soutenir la production agricole locale. La précision des faits et des montants reste à confirmer,
Les faits reprochés
Selon les conclusions des enquêteurs, environ 7,7 millions d’euros de subventions européennes auraient été irrégulièrement perçus par Madivial entre 2010 et 2020. Créée au Lamentin en 2010, la coopérative regroupe des éleveurs de porcs, volailles et bovins, et est initialement conçue comme une structure de commercialisation — ce qui la rendrait inéligible à certaines aides européennes comme le POSEI, réservées aux coopératives de production. Pour contourner cette contrainte, Madivial aurait fusionné entre 2013 et 2015 avec plusieurs coopératives de production, ce que certains producteurs et fonctionnaires dénoncent aujourd’hui comme une manœuvre de légitimation.
L’enquête judiciaire
Le dossier trouve son origine dans une enquête ouverte en 2018, conduite par la douane judiciaire et le parquet de Fort‑de‑France. L’instruction, achevée en 2021, a permis d’identifier un système présumé de fausses déclarations et d’utilisation détournée de subventions.
Certaines sources évoquent jusqu’à 44 mises en examen incluant des responsables économiques et des élus locaux.
Le procès en cours
Après plusieurs reports, le procès de Madivial est fixé pour le 29 novembre 2025 devant le tribunal correctionnel de Fort‑de‑France. Les chefs d’accusation retenus sont le détournement de fonds publics, l’escroquerie et la corruption. L’affaire pourrait avoir des ramifications politiques importantes, tant la coopérative occupe une place clé dans la filière agricole martiniquaise.
Enjeux économiques et sociaux
Madivial est un acteur structurant de l’autonomie alimentaire de la Martinique : elle emploie environ 150 personnes et regroupe une centaine d’éleveurs, assurant près de 20 % de la consommation locale de viande fraîche. L’affaire pose donc la question de l’efficacité, du contrôle et de la transparence dans l’utilisation des fonds européens attribués aux Outre‑mer.
Principaux prévenus (non exhaustif)
Ange Millia, président de Madivial, est considéré comme le principal mis en cause. Il est soupçonné d’avoir orchestré ou validé les montages permettant à la coopérative d’accéder indûment aux aides POSEI. David Jarrin, ancien associé de Madivial, aujourd’hui lanceur d’alerte, est mis en examen pour sa participation présumée aux détournements. Trois autres prévenus — un restaurateur et deux acteurs de la filière viande locale (agriculteurs ou responsables techniques) — sont également poursuivis pour leur rôle dans la gestion ou la redistribution des fonds litigieux.
Des investigations connexes évoquent jusqu’à 44 personnes potentiellement concernées, dont certains élus et opérateurs économiques de premier plan, bien que non encore officiellement mis en examen.
Parties civiles
À ce jour, la seule partie civile constituée est l’Office de développement de l’économie agricole d’Outre‑mer (ODEADOM), estimant un préjudice de plus de 7 millions d’euros.
Sur les chefs d’accusation retenus
Les prévenus sont poursuivis notamment pour : détournement de fonds européens (perception indue d’aides POSEI par une structure inéligible), escroquerie en bande organisée (montage impliquant plusieurs entités agricoles, présentation de faux documents, sous‑déclarations fictives), corruption active et passive (influence présumée exercée sur des agents publics chargés de l’attribution des subventions), et abus de biens sociaux et faux en écriture (utilisation des ressources de la coopérative à des fins personnelles, falsification de bilans).
Les peines encourues s’élèvent à plusieurs années d’emprisonnement et à des amendes lourdes.
Situation procédurale
Les cinq principaux prévenus identifiés ont été renvoyés en avril 2024 devant le tribunal correctionnel de Fort‑de‑France. Le procès est prévu du 29 novembre au 4 décembre 2025.
L’affaire Madivial illustre les défis de gouvernance qui se posent aux territoires d’Outre‑mer : comment garantir que les aides européennes, essentielles à la structuration des filières locales, soient utilisées à bon escient ? Au‑delà du cas individuel, ce dossier touche à la crédibilité des institutions et à la transparence de la gestion publique en Martinique.
Jean-Paul BLOIS



